Roland-Garros : pourquoi les femmes jouent-elles en deux sets gagnants (contre trois chez les hommes) ?
Dans les tournois du Grand Chelem, les rencontres masculines sont allongées. Mais pas celles des femmes. Franceinfo a tenté de comprendre cette différence de traitement.
Comme les garçons, les filles jouent 90 minutes pour un match de foot, 80 minutes au rugby, mais au tennis, lors du tournoi de Roland-Garros, les règles sont différentes. Ainsi, les femmes disputent leurs matchs en deux sets gagnants alors que leurs collègues hommes eux peuvent jouer jusqu'à cinq sets. Et c'est la même chose pour tous les tournois du Grand Chelem. Mais en dehors de Roland-Garros, de Wimbledon, de l'Open d'Australie et de l'US Open, les règles sont les mêmes pour les hommes et pour les femmes : les matchs se jouent en trois sets maximum. Pourquoi cette exception pour les dames ? Alors que la finale féminine se joue samedi 8 juin, franceinfo a tenté de répondre à la question.
Le faux argument de l'endurance
C'est une idée reçue tenace : les femmes n'auraient pas la capacité physique de tenir cinq sets. "Historiquement, l'argument médical était avancé pour justifier le fait que les femmes n'aient pas le même traitement que les hommes dans le sport", rappelle la chercheuse Sandy Montanola, spécialiste des questions de genre dans le sport. Des joueuses elles mêmes assurent ne pas pouvoir tenir cinq sets. Ainsi, dans une interview donnée à la BBC (en anglais) en 2014, la Française Marion Bartoli s'étonnait de l'idée de faire jouer les filles en cinq sets. D'après elle, "les femmes n'ont pas les mêmes capacités physiques que les hommes".
Pourtant, "il n'y a aucune raison physiologique qui différencie les femmes et les hommes : les capacités d'endurance sont réparties de la même façon", affirme Jean-François Toussaint, directeur l'Institut de recherche biomédicale et d'épidémiologie du sport (Irmes), contacté par franceinfo. Pour preuve, les joueuses de tennis sont capables de tenir sur la longueur, autant que leurs homologues masculins.
J'ai déjà joué de longs matchs, de 3h30, qui se rapprochent d'un match en cinq sets.
Justine Héninà franceinfo
D'ailleurs, dans l'histoire du tennis, il est déjà arrivé que les femmes aient le droit aux mêmes règles que celles appliquées pour les matchs des hommes, lors de grandes compétitions. Entre 1891 et 1901, pendant l'US Open, les joueuses de tennis disputaient les matchs en cinq sets comme les hommes. Plus récemment, entre 1984 et 1998, les finales du Masters féminin comptaient aussi jusqu'à cinq sets. "Cela paraît logique que des sportifs soient logés à la même enseigne dans des compétitions de haut niveau", ajoute Jean-François Toussaint.
Des matchs plus longs plus durs à programmer
L'autre argument couramment utilisé, pour ne pas allonger les matchs des femmes, est qu'il y aurait moins de suspense et moins de niveau dans cette configuration chez les femmes. Pour Sandy Montanola, le problème est pris à l'envers :
Si on laissait jouer les filles en trois sets, il y aurait autant de spectacle et de jeu.
Sandy Montanolaà franceinfo
"Il peut y avoir aussi des émotions dans des matchs avec deux sets gagnants", défend Nathalie Dechy, chargée de la programmation de Roland-Garros pour la Fédération française de tennis.
Une question très pragmatique rentre aussi en compte : "La programmation à la télévision de Roland-Garros est très compliquée à faire, alors si on devait faire jouer en cinq sets les filles, cela ne rentrerait pas dans les cases", explique la responsable de la FFT.
Le tennis masculin est "plus vendeur"
Les impératifs médiatiques et économiques joueraient également, d'après Sandy Montanola, dans la représentation de la compétition à l'avantage des hommes. "Le tennis est un sport qui est intégré dans un secteur marchand", explique-t-elle, autrement dit le tennis masculin est "plus vendeur".
Il suffit de regarder les audiences pendant le tournoi pour comprendre que les enjeux sont plus importants pour le tennis masculin. En 2018, la finale entre Rafael Nadal et Dominic Thiem a réuni plus de 3,3 millions de téléspectateurs, relève le site Puremedias, contre 1,78 million pour la finale dames entre Simona Halep et Sloane Stephens.
Nathalie Dechy explique avoir réfléchi à un moment à mettre en place une finale féminine en cinq sets. Mais finalement, "en regardant les dernières finales femmes, elles étaient plus équilibrées [en part d'audience] comparées à celle des hommes avec Rafael Nadal", justifie la responsable de la FFT. Pour un traitement équitable, la solution ne serait-elle pas de réduire la durée de jeu pour les hommes ? "Ce n'est pas envisagé", balaie Nathalie Dechy.
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