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Un Grand Chelem à part entière

Les joueurs le plébiscitent pour son ambiance unique mais l’Open d’Australie reste le moins prestigieux des quatre Majeurs de l’année. Explications d’un contraste.
Article rédigé par Grégory Jouin
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
La Rod Laver Arena de Malbourne

Le constat est limpide. L’Open d’Australie a repris toute sa place au sein de la famille des tournois du Grand Chelem, les épreuves de référence du circuit. Parent pauvre du tennis mondial dans les seventies et au début des années 80, le Grand Chelem de l’hémisphère Sud a opéré sa mue depuis une petite trentaine d’années. Il a rattrapé son retard et affiche aujourd’hui ses atouts pour rivaliser avec les trois autres mastodontes.

Il lance la saison

Et ils sont nombreux. D’abord, la place dans le calendrier mondial. Melbourne a su trouvé le bon créneau au mitant des eighties en choisissant de déplacer ses dates dans la deuxième quinzaine de janvier au lieu de fin novembre, début décembre. Il y a 35 ans, l’Open d’Australie était tricard car il se disputait en fin de saison et surtout juste avant la finale de la Coupe Davis, plus réputée. Le fait de basculer en début de saison en a (re)fait le premier évènement de l’année. Qui plus est, les joueurs l’abordent avec envie puisque les pépins physiques de fin de saison sont généralement oubliés.

Surface idéale

Ensuite, le changement de surface. Un an après son replacement en janvier (1987), l’Australian Open a procédé à un changement –attendu- de surface. Ce fût salvateur car le gazon de Kooyong ne faisait pas le poids par rapport à l’herbe londonienne. Le fait de passer à un revêtement intermédiaire (d’abord le Rebound Ace puis le Plexicushion depuis 2008) a favorisé tous les styles de jeu. Melbourne Park (ex Flinders Park) a ainsi hébergé quelques matches de légende : les finales Wilander-Cash (1988), Nadal-Federer (2009) ou Djokovic-Nadal (2012), ou les demies Agassi-Sampras (2000), Safin-Federer (2005) ou Djokovic-Murray (2012).

Fête au soleil

Derniers élément qui expliquent le statut retrouvé de Melbourne, les infrastructures et l’atmosphère festive. Précurseurs, les Australiens ont décidé dès la fin des années 80 d’installer un toit coulissant sur la Rod Laver Arena. Il peut être déployé dès que les conditions climatiques l’exigent (pluie ou forte chaleur). Le climat est la clef de la réussite de ce Grand Chelem atypique. L’ambiance est conviviale (même si quelques débordements ont opposés certains fans de l’ex-Yougoslavie au début des années 2000) car ce sont les vacances scolaires : l’heure est à la détente : ça bronze, ça chante, ça boit des bières et ça encourage, les fans aussies étant des fondus de la petite balle jaune.

Le moins prestigieux des Majeurs

Maintenant, malgré tous les progrès enregistrés, l’Open d’Australie souffrira toujours d’un manque de reconnaissance comparé à ses trois rivaux. Il n’a pas le même pedigree que Wimbledon, pas le même palmarès que l’US Open et pas le même attrait que Roland-Garros.

Le Grand Chelem de l’ouest de Londres bénéficie d’une aura incomparable. Le Temple, cadre solennel chargé d’histoire, respire le tennis. Wimbledon demeure de loin le tournoi le plus prisé au monde. Quand des journalistes interrogeaient Roger Federer pour savoir s’il était près à échanger un Wimbledon contre un Roland-Garros (avant qu’il ne s’impose à Paris), le Suisse répondait toujours par la négative. La majesté du lieu est exceptionnelle et elle le restera.

Des grands absents au palmarès

L’ombre de New York pèse aussi. Mais il s’agit cette fois du palmarès de l’US Open* qui surpasse celui des autres, et de loin celui de Melbourne. Tous les grands ou presque ont gagné à l’US (Borg y a perdu ses quatre finales) et il n’y a pratiquement que des numéros 1 ATP au palmarès de Flushing Meadows (seuls Del Potro et Murray font exception à la règle). Idem chez les dames où l’on ne relève que des stars hormis Samantha Stosur en 2011.

Moins atypique que Roland-Garros

Quant à Roland-Garros, il a pou lui deux atouts considérables. Il est LE tournoi que désirent remporter tous les Latins, Espagnols et Sud-Américains en tête. Des joueurs comme Vilas, Bruguera, Moya, Kuerten ou Gaudio ne rêvaient que de ça, plus que de n’importe quel autre Majeur. Le French a également pu compter sur la terre battue pour se distinguer clairement des autres. On ne compte plus le nombre de talents qui ont buté sur cet obstacle trop grand pour eux alors qu’ils sévissaient partout ailleurs. La magie de Roland doit beaucoup aux échecs successifs des meilleurs attaquants dans l’ère Open : McEnroe, Becker, Edberg, Sampras, Stich sans oublier Connors. Et à la réussite tardive d’Agassi (1999) ou de Federer 10 ans plus tard. Enfin, c’est à Roland-Garros qu’un joueur à remporté pour la première fois six tournois dans l’ère Open (Borg) puis sept (Nadal).

Rendez-vous incontournable

A Melbourne, le palmarès s’avère moins rutilant. Margaret Smith Court a certes enlevé 11 fois l’Open d’Australie mais qui le sait à part les passionnés ? Le premier Grand Chelem de l’année devra toujours composer avec cette donne qui le classe en quatrième position dans la hiérarchie tennistique. C’est sa faiblesse mais également sa force puisqu’il se trouve contraint d’innover régulièrement pour attirer les étoiles de la profession. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il le fait très bien. L’Open d’Australie est aujourd’hui un rendez-vous incontournable qu’il ne viendrait à personne l’idée de boycotter. Les années sombres semblent vraiment loin.

*L’Open d’Australie compte des vainqueurs surprenants comme Mark Edmondson (1976), Brian Teacher (1980), Johan Kriek (1981, 1982), Petr Korda (1998) ou Thomas Johansson (2002). Alors que certains grands champions ne figurent pas sur la liste : Bjorn Borg (une seule participation, un 8e en 1974) ou John McEnroe (seulement 5 participations –et pas dans ses meilleures années- pour une demie en 1983 et trois quarts en 1985, 1989 et 1992). Et Jimmy Connors (qui est venu deux fois, pour un succès en 1974 et une finale en 1975), n'est passé qu'en coup de vent.
Andre Agassi, victorieux à quatre reprises, et Pete Sampras, lauréat deux fois, ont dénié s’y rendre au début de leur carrière. Le Kid de Las Vegas a disputé (et remporté) le tournoi à sa première participation, à presque 25 ans seulement (ce qui l’a peut-être privé d’un ou deux sacres supplémentaires vu que la surface s’adaptait parfaitement à son jeu). Et le Californien a raté les éditions 1991, 1992 et 1999, se coupant de la possibilité de gagner une 15e levée du Grand Chelem.
Chez les dames, seule Venus Williams manque vraiment au palmarès récent parmi les reines de ce sport. L’ainée de la famille avait été battue par sa sœur en finale (2003). Et on enregistre également quelques anomalies à la fin des années 70 comme les triomphes de Kerry Ann Meville-Reid (1977), Chris O’Neil (1978) ou Barbara Jordan (1979).

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