Open d’Australie : Lleyton Hewitt, le guerrier devenu sage
Naître la même année que le futur meilleur joueur de l’histoire n’est pas l’idéal quand on veut se forger un beau palmarès. Né en février 1981, Lleyton Hewitt a pourtant réussi au-delà de ses espérances par rapport à son potentiel en se montrant plus précoce que Roger Federer, l’ogre des années 2000.
Très fort très jeune
La progression du teenager s’avère fulgurante. Premier match dans un Grand Chelem à même pas 16 ans (battu par Sergi Bruguera à Melbourne en 1997), premier titre ATP dans sa ville natale à 16 ans et 10 mois, première Coupe Davis à 18 ans (contre la France à Nice), premier Majeur (l’US Open 2001 contre Pete Sampras) et premier Masters à 20 ans face à Sébastien Grosjean: le blondinet au revers à deux mains devient le plus jeune numéro 1 mondial de l’ère open en 2001 (il le restera de novembre 2001 à mai 2003).
L’année suivante, il triomphe à Wimbledon face à David Nalbandian, s’affirmant comme le vrai number one entre l’ère Sampras et l’avènement de Roger Federer. "Gagner Wimbledon pour un petit garçon né en Australie a été l’apogée de ma carrière. Ce trophée m’a rendu très fier", a expliqué Hewitt au cours d’un entretien à Sky Sports.
La fougue incarnée
A l’instar d’un Rafael Nadal, Lleyton Hewitt est un combattant né. L’Espagnol admire d’ailleurs son fighting spirit comme il l’a confié au quotidien The Age : "Ce qu’il a fait, c’est incroyable. Il a gagné des titres alors qu’il était tout jeune. Il a été au sommet de la hiérarchie, et après, malgré les nombreuses blessures, il a continué à se battre jusqu’à la fin". "J’ai beaucoup appris de Lleyton, de son état d’esprit et de son éthique de travail", a renchéri Roger Federer. "Il a eu une carrière magnifique. J’ai un grand respect pour ce qu’il a réalisé. Je suis même triste qu’il quitte le circuit", a reconnu le Suisse dans La Tribune de Genève. "Il a fait de moi un joueur meilleur".
Trop limité pour Federer et Safin
Très différent des Australiens au style classique des Sixties comme Rod Laver ou Ken Rosewall, moins éloigné d’un Pat Cash au caractère bien trempé dans les années 80, Hewitt a arpenté les courts en véritable gladiateur durant deux décennies, ce qui lui a permis de conquérir un deuxième Masters (en 2002 face à Juan Carlos Ferrero) puis de disputer notamment deux nouvelles finales de Grand Chelem où il s’incline à chaque fois contre plus fort: en 2004, Federer lui colle trois sets et deux bulles en finale de Flushing, et quelques mois plus tard à Melbourne, l’Australien voit se briser son rêve de gagner un Majeur à domicile en subissant le retour de flamme du talentueux Marat Safin.
Une carrière qui s’enlise
S’en suit une longue et progressive descente au classement ATP lors de la seconde moitié de sa carrière. A partir de 2006, Hewitt ne joue plus aucune demi-finale de Grand Chelem, débordé par la génération montante des Nadal, Djokovic et Murray tandis que Federer continue d’exercer son hégémonie. "Je suis arrivé sur le circuit en ayant un jeu différent des autres", a confié Lleyton Hewitt en guise d’explication. "Mon retour, mon service et mes passings étaient mes points forts. Puis le jeu encore changé. J’ai commencé à jouer en dehors des limites du court et je n’étais pas habitué à cela".
Le combattant ultime
Guerrier des courts, l’Aussie doit alors s’employer pour rester dans le top 10, ce qu’il s’évertue à faire sans barguigner. Il partage d’ailleurs avec Ivan Lendl le record de matches disputés en cinq manches (57) même si son pourcentage de succès n’est pas digne des plus grands : il a remporté 56% de ces duels au long cours là où les Borg, Nadal et autres Djokovic tournent autour de 75%.
"Je n’ai aucun regret"
"Je suis fier d’avoir toujours pu tirer le maximum de ce que je pouvais faire", a souligné Lleyton Hewitt. "J’ai fait beaucoup de sacrifices en travaillant dur. Je me suis impliqué dans ce que je faisais. Je n’ai aucun regret. J’ai tout donné, à l’entrainement comme en match". Jusqu’au bout, il prouvera ses dires avec quelques matches mémorables comme ce quart de finale homérique perdu contre Andy Roddick en 2009 à Wimbledon, ou ce deuxième tour en cinq manches face à son jeune compatriote Bernard Tomic lors du dernier US Open.
L’intensité qu’il a mise dans chaque match et sa passion du jeu ont fini par engendrer l’admiration du public pour ce boxeur des courts. Car avec Hewitt, un simple match devenait une baston. Mais avant d’être apprécié à sa juste valeur dans la deuxième partie de sa carrière, quand il gagnait moins, le jeune Aussie à la casquette a d’abord suscité le rejet à cause de quelques couacs comportementaux. Un peu comme l’irritant Jimmy Connors des Seventies, le côté showman en moins.
La double casquette
Au début du siècle, la controverse éclate. Sa propension à se frapper la main sur le cœur en criant "Come on" en irritait plus d’un y compris parmi les joueurs. Le Kid d’Adélaïde a surtout franchi la limite à l’occasion d’un quart de finale très disputé contre James Blake au deuxième tour de Flushing Meadows en 2001. Mené deux manches à une, il s’adresse à l’arbitre de chaise pour lui demander de changer un juge de ligne afro-américain qui lui a compté quelques fautes de pied. "On ne m’en compte que d’un côté", s’agace-t-il en pointant du doigt la personne en question. "Regarde-le ! Dis-moi quelle est la similitude !". Le scandale éclate mais Blake y met fin en dédouanant son bourreau : "Cette histoire est grotesque. Quand je dis que j’ai joué comme une "tapette", je risque d’offenser les milieux homosexuels. Quand je dis que j’ai joué comme une femme, c’est la gent féminine qui n’est pas heureuse. Alors qu’est-ce qu’on peut encore raconter ?".
Le capitaine de route
Aujourd’hui, Lleyton Hewitt et les fans de la petite balle jaune sont bien loin de tout ça. Sitôt son élimination à Melbourne consommée, Lleyton Hewitt se consacrera à sa nouvelle fonction de capitaine de l’équipe nationale australienne de Coupe Davis. Une fonction taillée pour ses qualités de rassembleur et de meneur. Il s’était ainsi occupé de Nick Kyrgios en pleine tourmente après l’affaire Wawrinka, disputant même le double avec lui à Montréal afin de préparer la demi-finale 2015 en Grande-Bretagne.
Reconquérir le Saladier d’argent treize ans après serait une magnifique récompense pour le dernier grand joueur Australien. "Mes victoires en Coupe Davis ont été les plus grands succès de ma carrière, notamment lorsque j’ai battu Federer en Australie" (en demi-finale de l’édition 2003), a déclaré Hewitt. "J’y ai toujours mis tout mon cœur et j’aime jouer pour mon pays". L’hommage rendu par le public australien devrait être à la hauteur de ce que l’ancienne idole a apporté.
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