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Open d'Australie : l'arbitrage 100% automatisé, sans juges de ligne, ne fait pas l'unanimité dans le monde du tennis

À l’Open d’Australie, l’arbitrage électronique "live" a fait son apparition pour la première fois dans un des principaux tournois du circuit. Ce dispositif, qui remplace les juges de ligne, indique automatiquement les balles fautes et permet de diminuer les interactions humaines pendant la pandémie de Covid-19. Il pourrait perdurer une fois la situation sanitaire revenue à la normale.
Article rédigé par Jean-Baptiste Lautier
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
Une caméra servant à l'arbitrage électronique sur un court de l'Open d'Australie, le 8 février 2021. (PAUL CROCK / AFP)

Les juges de ligne ont bien changé à Melbourne. Plus petits, électroniques et avec une voix monocorde. Oui, les humains ont bel et bien disparu des fonds de court. Les célèbres "out" hurlés par les arbitres le sont désormais par les enceintes disposées aux quatre coins du stade.

Dans ces temps de pandémie de Covid, l’organisation de l’Open d’Australie a tout fait pour minimiser les interactions humaines, ce qui l'a poussée à remplacer les huit juges de ligne par un système particulièrement perfectionné. Mais cela pourrait bien perdurer une fois la Covid-19 passée aux oubliettes.

Pour la première fois dans un tournoi du Grand Chelem, toutes les marques de balles sont scrutées et jugées par différentes caméras dont les marges d'erreurs sont autour de trois ou quatre millimètres. Chez les joueurs, principaux concernés, cette utilisation de la technologie ne fait pas l’unanimité. Frances Tiafoe n’a pas mâché ses mots en conférence de presse après sa défaite contre Novak Djokovic : "C’est horrible, je déteste ça. Je ne supporte pas", a réagi l’américain.

Un court déshumanisé

Alizé Cornet, d’abord conquise par ce système, a ensuite totalement changé d’avis : "Au début, je trouvais ça super. Mais au fur et à mesure, je trouve que ça déshumanise le tennis. Bientôt, on aura des machines à balles à la place des ramasseurs. Il n’y aura plus de juges de chaise et on sera tout seul. Ça commence à me manquer. Il y a une petite part d’histoire qui est en train de s’en aller avec cette robotisation des choses. Je me souviens que je parlais avec des juges, c’étaient des collègues de travail, ça manque", explique-t-elle.

"Non, ce n’est pas une avancée, j’ai peur qu’on aille dans le mur", assure l’ancien arbitre de chaise Pascal Maria. Aujourd’hui retiré des courts, sa carrière avait débuté sans la moindre aide technologique, "à l’ancienne" comme il l’explique, avant de voir arriver les premières utilisations du Hawk-Eye. "Déjà ça ne m'apportait pas cette adrénaline", ajoute-t-il. Avec ce nouveau pas vers le tout-technologique, le compte n'y est plus. "J’ai l’impression qu’on veut tout aseptiser, on perd les valeurs du sport, regrette-t-il. Aujourd’hui la part d’humanité, on la met au placard. Si j’étais encore arbitre, je ne m'y retrouverais pas."

Jusqu'alors, le Hawk-Eye était utilisé en appui des annonces des juges de ligne pour venir trancher en cas de contestation d'un des joueurs. Une utilisation raisonnée et qui convenait à Pascal Maria : "Il ne faut pas aller contre la technologie , il ne faut pas aller contre son temps, il faut l’utiliser avec parcimonie. C’est ce qu’il y avait jusqu’à maintenant avec la vérification de l’arbitrage électronique avec l’annonce du juge de ligne." indique l'ancien arbitre. 

Une perte d'intérêt pour le tennis ?

"Je préfère ne pas avoir de juge de ligne, et avoir des machines au bord du court", pourrait lui rétorquer le numéro 1 mondial Novak Djokovic qui avait été disqualifié en huitièmes de finale de l'US Open pour avoir frappé involontairement une balle sur un juge de ligne. Le Serbe est un des seuls cadres du circuit favorable à l’utilisation de ce dispositif , "Parce que ça empêche les joueurs de se plaindre. Si la machine dit faute, il y a faute, tu ne peux pas pester contre ça." Mais pour Pascal Maria, les contestations, les esclandres et discussions houleuses entre les joueurs et les arbitres : "C’est aussi ce qui vend le sport."

"Les discussions de bar d’après-match sur une erreur potentielle d’un arbitre, c’est aussi ce qui fait la beauté et l’aura du tennis. C’est indirectement ce qui fait vendre le sport. C’est plus excitant de voir McEnroe sur le terrain ou l’arbitrage électronique ?" Aujourd’hui l'attrait du tennis se fait encore grâce à la génération actuelle qui est en train de marquer son époque en faisant tomber tous les records. Mais Pascal Maria se questionne pour la suite en cas d’utilisation massive de la technologie : "Le jour où c’est plutôt plat, qu’il n’y a plus forcément de charisme, qu'est ce qu’on va raconter ? On va se faire chier !".

Vers une baisse du niveau d’arbitrage ?

La technologie permettant de se passer de juges de ligne a un coût que les Grands Chelem ou les Masters 1000 pourront honorer mais sûrement pas les tournois secondaires. Un fonctionnement qui pourrait freiner des vocations. "Il faut imaginer que les Grands Chelem c’est un peu la carotte pour les arbitres. Ils travaillent dur tout au long de l’année dans leur club, leur ligue pour passer leurs gallons. Cette carotte là, ils ne l'auront plus. On met à mal l'arbitrage au plus bas niveau et j’ai peur que l’arbitrage en souffre à long terme", indique l'arbitre de la mythique finale Federer-Nadal à Wimbledon en 2008.

Ces effets à long terme pourraient toucher directement les tournois les plus prestigieux qui auront encore besoin d’arbitres. Être juge de ligne est parfois un point de passage pour s'asseoir sur la haute chaise du court. "En étant sur le terrain, ils apprennent des professionnels qui sont sur la chaise, ils emmagasinent de l’expérience, ils font face à la pression des gros courts face à des grands joueurs. Tout ça fait partie de l'apprentissage", explique Pascal Maria. "L’expérience on ne l’achète pas, on la vit, on la grandit. La route va être plus longue et l’arbitrage va en pâtir." Le tournoi de Madrid vient d’annoncer l’utilisation de l’arbitrage électronique live au printemps prochain. Reste à savoir quel sera son avenir une fois la pandémie passée.

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