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Open d'Australie 2016: Djokovic chasse Federer et l'histoire du tennis

Novak Djokovic poursuit en 2016 sa quête d’absolu en rêvant de Grand Chelem. Mais le Serbe n’en fait pas une fixation et il se focalise d’abord sur l’objectif qui rythme désormais sa carrière : le record de 17 Majeurs remportés par Roger Federer. Rafael Nadal (14) s’en est rapproché mais il semble aujourd’hui moins dangereux pour le score mythique du Suisse que le numéro 1 mondial aux 10 levées qui lorgne également quelques records établis par le Maestro. Djokovic en est-il capable ? Cette saison charnière pour les trois cadors livrera un premier verdict. La course-poursuite s’annonce passionnante.
Article rédigé par Grégory Jouin
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Le Serbe Novak Djokovic

Longtemps dans l’ombre de Roger Federer et Rafael Nadal, Novak Djokovic goûte à la pleine lumière depuis 2011 et surtout depuis l’été 2014. Le Serbe a gagné quatre des six derniers Majeurs et n’a perdu en Grand Chelem que face à Kei Nishikori (demi-finale de l’US Open 2014) et Stan Wawrinka (finale de Roland-Garros 2015) à l’heure d’aborder l’Australian Open, son tournoi fétiche.

Le tournant de 2011

Depuis cinq ans, à l’exception du splendide parcours de Nadal en 2013, Djokovic a pris la mesure des deux ténors précédents qui trustaient les tournois du Grand Chelem comme aucun autre tandem auparavant. Federer et Nadal ont accaparé 21 des 23 Majeurs disputés entre Roland-Garros 2005 et l’US Open 2010 (12 pour le Suisse, 9 pour l’Espagnol). Seuls Djokovic (Australie 2008) et Juan Martin Del Potro (Flushing Meadows 2009) avaient (un petit peu) résisté à cette razzia de l’hydre bicéphale constituée par le Cannibale de Bâle et l’Ogre de Manacor.

 

2011 a marqué un tournant dans la carrière de Novak Djokovic avec ce Petit Chelem réussi, comme Federer et Nadal avant lui. Alors dominé dans ses confrontations avec eux, le Belgradois a clairement rectifié le tir depuis. Si 2011 constitue l’An 1 du règne de Nole sur la planète tennis, le bilan des face à face est sans appel : il mène 17 victoires à 9 contre Federer et 17-7 face à Nadal.

Des rivaux en retrait

Le titan slave a peut-être moissonné les grands titres plus tard que le duo hispano-helvète (deuxième sacre en Grand Chelem à 23 ans et 8 mois contre 22 ans et 5 mois pour Federer et surtout 20 ans pour Nadal), mais il s’est bien rattrapé en haussant son jeu à un niveau exceptionnel et en profitant d’une conjoncture assez favorable.

Federer (34 ans) a beau lui donner du fil à retordre (il l’a dominé trois fois en huit matches en 2015), le Serbe en vient toujours a bout au meilleur des cinq manches depuis trois ans et demi. Nadal n’a lui plus battu Djokovic depuis la finale de Roland-Garros 2014, victime de pépins de santé (poignet droit, appendicite, dos) cette année-là et incapable dorénavant de rivaliser avec le nouveau maître (cinq matches et onze sets consécutifs perdus, les deux derniers à Doha il y a une semaine).

 

Le numéro 1 mondial Novak Djokovic

Même Andy Murray, le Ringo Starr du Big Four, ne peut rien pour enrayer la tornade venue de l’est. Djokovic l’a complètement phagocyté (dix succès à un depuis deux ans alors que l’Ecossais faisait le match auparavant avec huit victoires pour onze échecs). La génération intermédiaire des Dimitrov, Raonic et Nishikori ne paraît pas non plus de taille à rivaliser avec le roi de Melbourne. Quant à la relève incarnée par les Kyrgios, Coric, Thiem et autres Zverev, il faudra attendre encore un peu pour espérer un vrai combat.  

Déjà dans l’histoire

Djokovic est donc au devant de plusieurs challenges exaltants. Le protégé de Marian Vajda et Boris Becker a déjà marqué l’histoire de son sport en s’offrant quelques records parlants: le nombre de Masters gagnés consécutivement (4), le nombre de Masters 1000 remportés en une saison (6) ou l’ahurissant total de points ATP sur une saison qu’il vient de chiper à Federer fin 2015 (16 585 points !).



Dès ce mois de janvier, Djokovic tentera d’égaler le record de victoires à Melbourne. Il est le seul à en compter cinq dans l’ère Open (six pour Roy Emerson dans les sixties). Ensuite, il pourrait rejoindre Ivan Lendl, seul joueur à avoir disputé 18 finales ATP consécutives (16 pour Djokovic depuis Doha). En mars à Indian Wells, il visera le record de Masters 1000 gagnés : il en compte 26, Nadal 27.

En août, outre la médaille d’or aux JO qui manque encore à son palmarès (comme Roland-Garros), Nole essaiera d’enlever le tournoi de Cincinnati afin de boucler un Grand Chelem des Masters 1000. Et en novembre, il pourra aussi rejoindre Federer en s’adjugeant un sixième Masters. Un peu plus loin, fin 2017, il y aura éventuellement le mythique record de Pete Sampras, seul joueur de l’histoire à avoir fini six fois numéro 1 mondial en fin de saison (Djokovic 4).

En retard sur Federer

Plus anecdotiques, mais non moins intéressantes pour le glouton sans gluten, ces séries incroyables étirées par l’omniprésent Federer : le nombre de présences en quarts de finale de Grand Chelem par exemple. Djokovic, qui a 6 ans de moins, en compte 34 (dont 26 consécutifs) contre 46 à son rival (36 de suite). Encore plus accessible, le total de demi-finales en Majeurs qui appartient au Suisse (38 à 28, mais le Bâlois n’en avait que 25 à 28 ans et 8 mois, l’âge de Djokovic aujourd’hui). Le Serbe peut aussi viser le record de grandes finales disputés par le maître des années 2000 : il en a déjà disputé 18 (contre 27 à Federer qui en comptait 22 à 28 ans et demi). 

 

Mais Novak Djokovic a d’abord dans sa ligne de mire le record des records, celui qui fait rêver tous les observateurs de la petite balle jaune : les 17 levées du Grand Chelem de Roger Federer. Il est nettement en retard pour l’instant puisque le septuple lauréat de Wimbledon en totalisait déjà 16 à 28 ans et 8 mois.

Le précédent Nadal

Rafael Nadal (14 Majeurs à 28 ans) est moins loin que Djokovic (10) mais il semble en perte de vitesse (aucun succès depuis juin 2014) et il donne le sentiment d’avoir raté le coche : sans sa blessure au genou lors des Internationaux de France 2009, le Majorquin aurait peut-être (rien n’est moins sûr) réalisé le doublé Roland-Garros - Wimbledon (comme en 2008 et en 2010). A l’époque, il dominait régulièrement Djokovic et Federer qui avait profité de cette déveine pour glaner deux Majeurs supplémentaires, les 14e et 15e de son immense carrière.

 

Contrairement à Nadal dont le style a épuisé l’outil de travail, Djokovic n’a jamais manqué un Grand Chelem depuis ses débuts en 2005, ménageant son corps comme il se doit depuis sa délicate fin de saison 2011. En ce sens, il ressemble davantage à Roger Federer qui n’a manqué qu’un Majeur sur les 63 derniers.

Grand Chelem avant le record ?

Ce score de 17 ne sera sûrement pas facile à battre pour Djokovic même s’il n’a pas encore 29 ans. Mais il paraît davantage capable d’aller le chercher que d’en obtenir certains autres tels le nombre de titres gagnés en une saison (15, Jimmy Connors 1974), le pourcentage de succès sur une saison (John McEnroe 1984, 96,5%), les semaines passées en tête du classement ATP (Federer 302) ou l’imbattable nombre de titres de Jimbo (109, 60 pour Djokovic).

Rafael Nadal, Rod Laver et Novak Djokovic à l'US Open 2013


Reste le Grand Chelem, uniquement réalisé par Donald Budge en 1937 et par Rod Laver à deux reprises (1962 et 1969). Federer l’a manqué trois fois (2004, 2006 et 2007), Nadal une fois (en 2010). Djokovic est passé à deux sets d’y parvenir en 2015, la faute à un Stan Wawrinka exceptionnel. Y aura-t-il quelqu’un pour lui barrer la route en 2016 ou bien entrera-t-il dans la légende du tennis, indépendamment du record absolu en Majeurs détenu par le plus grand joueur de l’histoire ?

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