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La Fed Cup et la Coupe Davis n'ont pas la cote chez les stars du tennis (et c'est un peu normal)

Seules trois des 10 meilleures joueuses du monde participent au premier tour de la Fed Cup ce week-end. Un ratio famélique, mais déjà meilleur que celui des hommes en ouverture de la Coupe Davis. 

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
Les joueuses tchèques soulèvent la Fed Cup après leur victoire en finale contre la Russie, le 15 novembre 2015, à Prague (République tchèque). (DAVID W CERNY / REUTERS)

Pour une compétition qui se définit comme "la Coupe du monde de tennis", ça fait désordre. Pour le premier tour de la Fed Cup, samedi 11 et dimanche 12 février, seules trois des dix meilleures joueuses mondiales fouleront les courts. Les sept autres se sont fait porter pâle pour des excuses plus ou moins valables : la n°1 mondiale, l'Américaine Serena Williams, a toujours piscine pour le début de la Fed Cup, la n°2, l'Allemande Angélique Kerber, a renoncé devant le (long) voyage pour se rendre à Hawaï défier les Etats-Unis.

Même la numéro 1 française, Caroline Garcia, qui avait forte impression en finale l'an passé contre la République tchèque, préfère se concentrer sur sa carrière solo. N'allez pas croire que c'est mieux chez les garçons : du 4 au 6 février, Novak Djokovic était le seul membre du top 10 à transpirer pour son pays en ouverture de la Coupe Davis. Les top-players ont-ils un problème avec le patriotisme ? 

C'était vraiment mieux avant ?

Si la Coupe Davis - et dans une moindre mesure la Fed Cup - passionnent les foules, leur popularité sur le circuit pro est autrement plus contestable. Les trois à quatre semaines qui lui sont consacrées dans la saison pèsent lourd sur les organismes, déjà très sollicités des cadors. Captain Noah a beau répéter que "c'était mieux avant", c'est rigoureusement faux. Dans Le Parisien, il affirme qu'"il y a une quinzaine d'années, il était impensable de refuser une sélection". Dans son autobiographie, Open, Andre Agassi narre l'ordre de son entraîneur au début de la saison 1998, mal embarquée : "Il te faut plus de repos entre chaque tournoi. Tu vas devoir choisir tes batailles avec plus de soin. Rome et Hambourg ? Tu passes ? La Coupe Davis ? Désolé, ce ne sera pas possible. Tu dois garder ton jus pour les grands matchs." Dans les années 1980, Ivan Lendl expliquait "ne pas être intéressé" par la Coupe Davis.

Beaucoup de fédérations obligent contractuellement les jeunes joueurs à honorer leur sélection. Une façon de renvoyer l'ascenseur après la prise en charge de leur formation. Dès que Roger Federer a été libéré de ce lien, il a pu commencer à sécher les premiers tours de l'épreuve, revenant jouer les pompiers à l'automne pour sauver la Suisse lors du barrage de relégation, raconte sa biographie Quest for perfection. Résultat : Fed Cup et Coupe Davis sont devenues des compétitions de bons joueurs, pas de cracks. En 2010, le président de la WTA, l'Italien Francesco Ricci Bitti, préférait voir le verre à moitié-plein, avec 30 joueuses du top 50 engagées dans l'épreuve, plutôt que la moitié du top 10. 

Pour cent briques, tu peux avoir Jimmy Connors

Pire, dans les années 1970, la préhistoire du tennis moderne, les joueurs étaient à peine défrayés pour disputer des matchs dans des ambiances tendues à l'autre bout du monde. Ainsi, Jimmy Connors n'a disputé l'épreuve qu'à trois reprises au cours de ses vingt ans de carrière. John McEnroe met les pieds dans le plat dans son autobiographie : "En bon col bleu qui a grimpé les échelons jusqu'en haut de l'échelle, Jimmy ne se déplace pas s'il n'y trouve pas son compte. A 2 000 dollars la semaine, la Coupe Davis ne payait pas assez." Le jour où l'équipe américaine mordait la poussière contre le Mexique, en 1974, Jimmy Connors raflait 100 000 dollars dans un match d'exhibition contre l'Australien Rod Laver. 

Le tennisman américain Jimmy Connors lors d'un match de Coupe Davis face au Vénézuela, à Tucson (Arizona), le 18 octobre 1975. (JOHN G. ZIMMERMAN / SPORTS ILLUSTRATED / GETTY IMAGES)

Selon la version officielle, son retour en équipe nationale intervient en 1981 après une longue conversation avec son nouveau capitaine, l'ex-tennisman Arthur Ashe. Les mauvaises langues, comme le New York Times, estiment que c'est la perspective d'enfin pouvoir gratter 100 000 dollars offerts par le sponsor japonais de l'épreuve qui l'a fait revenir. 

Les capitaines ont la mémoire courte

Et comme Yannick Noah, les anciens joueurs ont la mémoire courte. Amélie Mauresmo, capitaine de l'équipe de France de Fed Cup jusqu'à récemment avait... séché le final four de 2004. Elle avait ainsi pu souffler après une saison éprouvante qui l'avait vue accéder à la place de n°1 mondiale : "A un moment donné dans une carrière, si l'on veut aller plus haut, il y a des choix difficiles à faire", avait-elle confié. Encore plus loin dans la contradiction, Anastasia Myskina avait prévenu, en 2004, qu'elle quitterait aussitôt l'équipe nationale russe si Maria Sharapova y pointait le bout de sa raquette. "Je ne veux pas être dans la même équipe qu'une personne qui ne me respecte pas en tant que personne." Menace qu'elle n'a pas eu à mettre à exécution, sa rivale, qui a grandi en Floride, s'étant découvert une fibre nationale sur le tard. Il y avait quand même quelque chose de cocasse de voir Anastasia Myskina, devenue capitaine de l'équipe de Fed Cup, serrer dans ses bras... Maria Sharapova lors de la finale de l'édition 2015.

Anastasia Myskina, capitaine de l'équipe de Russie, embrasse sa joueuse Maria Sharapova (à droite), lors d'un match de finale de Fed Cup contre la République tchèque, le 14 novembre 2015. (DAVID W CERNY / REUTERS)

Autre bonne raison de sécher l'épreuve : cette compétition ne rapporte strictement aucun point au classement. La fédération internationale, qui régit l'épreuve, et l'ATP avaient bien trouvé un accord pour gratifier une victoire finale de 600 points (une demi-finale de Grand Chelem en rapporte 720) avant d'abandonner le système. Joueurs et joueuses s'escriment donc pour la gloire. Ajoutez à cela que le calendrier des épreuves est loin d'être idéal (le premier tour juste après l'Open d'Australie, les demi-finales après l'éprouvante tournée américaine et la finale au bout d'une saison harassante), et il y a de quoi renâcler. Et si les joueurs peuvent mettre en avant le prestige de la compétition, les joueuses souffrent d'une épreuve dont la formule change tous les cinq ans. 

Repenser la compétition pourrait être la solution pour rassembler les meilleurs. En 2010, raconte le livre Carnet de balles, joueurs et joueuses avaient sérieusement réfléchi à une Coupe du monde de tennis, organisée tous les deux ans, avec quinze jours entre le premier tour et la finale. La fédération n'avait pas jugé le test, effectué sur la malheureuse Fed Cup au début des années 2000, très concluant, indique la BBC. Désormais, c'est la fédération internationale qui rêve d'une finale dans un lieu fixé à l'avance, comme pour la Ligue des champions de football. Avec le risque de perdre l'engouement des matchs à domicile, qui fait le sel d'une grande partie des matchs de Fed Cup et de Coupe Davis. 

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