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Tennis : la disparition des juges de ligne "ne va-t-elle pas rendre l'aspect du jeu plus froid ?", s'interroge Remy Azémar, juge-arbitre de Roland-Garros

Déjà en place à l'US Open et à l'Open d'Australie, l'arbitrage technologique remplacera définitivement les juges de ligne sur tous les tournois ATP dès 2025.
Article rédigé par franceinfo: sport, Robin Joanchicoy
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4 min
Le juge-arbitre de la Fédération française de tennis, Rémy Azemar, lors du tirage au sort de Roland-Garros, le 19 mai 2022. (IBRAHIM EZZAT / AFP)

C'est une petite révolution dans le monde de la balle jaune. À partir de 2025, les juges de ligne traditionnels seront définitivement remplacés, sur tout le circuit ATP, par le dispositif électronique "Electronic Line Calling Live", comme l'a annoncé l'organisation, dans un communiqué, vendredi 28 avril. Cette annonce ne concerne, pour l'instant, que le circuit homme (tournois 250, 500, Masters 1000), la WTA ne s'étant pas encore officiellement prononcée sur le sujet. Les tournois du Grand Chelem, gérés par la fédération internationale (ITF), conservent leur indépendance dans ce domaine. Le juge-arbitre de Roland-Garros, Remy Azémar, revient pour franceinfo: sport sur l'impact de cette décision pour l'avenir de l'arbitrage.

Franceinfo: sport : Quelle est votre réaction après l'annonce de la disparition des juges de ligne dès 2025 sur le circuit ATP ?

Rémy Azémar : C’est un sujet qui n’est pas nouveau. Ça fait des années que l’arbitrage électronique est entré dans les usages de notre sport, d’abord sur les surfaces rapides, et plus récemment sur terre battue. C’est une décision de l'ATP qui suit un peu le sens de l’histoire au regard du développement qui a été fait sur le circuit international.

Quel peut être le frein à ce nouveau système d'arbitrage ?

J’aimerais que cette technologie se peaufine en matière de dimension. Elle doit respecter un certain nombre de choses. Dans le jeu moderne, les joueurs reculent de plus en plus et on essaye d’offrir le plus d’espace de jeu possible aux joueurs. Si on a du matériel technologique sur le court, il faudra faire en sorte qu’il soit petit et adapté au jeu moderne.

L'utilisation de la technologie se faisait aussi en complément de la décision du juge de ligne. Pourquoi changer cela ?

Il y a deux types d’arbitrages électroniques. Celui combiné à la présence du juge de ligne, qui émet la première annonce. Par la suite, le joueur peut "challenger" cette décision s’il n’est pas d’accord, et c’est la machine qui tranche. Et il y a cette technologie sans juge de ligne, où l'annonce se fait directement par la machine. Sans présence du juge de ligne, effectivement, c’est très robotisé, mais il faut aussi reconnaître que ça marche. Est-ce que ça va rendre l’aspect du jeu un peu plus froid et un peu plus vide sur le court ? Chacun peut avoir son avis là-dessus, ce n’est pas à moi de répondre à ça.

"Tant que l'arbitrage humain tient la baraque, on est moins concerné" à Roland-Garros

Comment imaginez-vous l'avenir de l'arbitrage à Roland-Garros après cette décision ? 

On est un tournoi du Grand Chelem, donc on est encore indépendant. On est en 2023, il n’y a rien qui nous touche dans l’immédiat. On est décideur de ce qu’on souhaite mettre en place. On va voir comment les choses vont évoluer, mais il ne faut pas se presser. L’arbitrage électronique s’est mis en place plus rapidement dans certaines régions, peut-être aussi parce que la qualité de l’arbitrage humain n’était pas au niveau souhaité. À titre personnel, je ne peux pas m’en réjouir. Je suis attaché à notre tournoi du Grand Chelem qui est Roland-Garros. C’est une fête pour 300 individus passionnés de tennis et d’arbitrage, qui viennent et qui se mettent au service du jeu.

Un juge de ligne à Roland-Garros (image d'illustration). (JACQUES DEMARTHON / AFP)

Selon vous, la qualité de l'arbitrage en France peut faire pencher la balance en faveur du maintien des juges de lignes à Roland-Garros ?

Je pense que l'on est un peu isolés. La France est citée comme une nation forte de l’arbitrage dans le tennis. On n'a rien à prouver en terme de qualité, il y a une vraie culture au sein de la Fédération française de tennis (FFT). Tant que l’arbitrage humain tient la baraque, on est un peu moins concerné de manière directe. On garde la latitude de nos décisions. 

Dans l'hypothèse où cette décision de l'ATP prenne de l'ampleur et se développe, vous ne craignez pas d'être forcé par le cours des choses ?

Effectivement, si 98% ou 99% des tournois de la saison se font sans juge de ligne, on sera mis au pied du mur. Je pense qu’il faut bien peser les choses et se donner le temps. Les juges de ligne qui sont sélectionnés à Roland-Garros sont bons et j’espère qu’ils le seront en 2023. Je ne me fais pas trop de soucis à ce niveau-là. Mais on peut aussi être rattrapé par une réalité. Si, demain, la technologie est de plus en plus installée dans la plupart des tournois, même de catégories plus modestes, forcément, le champ des possibilités pour les juges de ligne va se réduire. 

La motivation des jeunes arbitres pourrait aussi être impactée...

L’arbitrage, il en faut à tous les niveaux. Il faut garder les gens les plus motivés possibles. On a toujours mis de grands moyens pour essayer d’avoir un arbitrage fort au sein de la FFT, et déployé sur l’ensemble de toutes nos compétitions. Inévitablement, cette décision peut toucher la motivation et l’envie de se tourner vers cette activité. Si le haut de la pyramide est complètement démuni de ressources humaines, il faudra trouver une nouvelle façon d’attirer les gens pour encadrer nos compétitions.

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