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Le tennis français peut craindre un trou générationnel

C’est du moins l’avis de Patrice Dominguez qui ne voit pas la relève pointer derrière le quatuor Tsonga-Gasquet-Simon-Monfils. L’ancien DTN ne se dit pas pessimiste mais réaliste. Il déplore les mauvais résultats des juniors tricolores depuis quelques années, et il prône une prise de conscience et un changement d’attitude rapide pour relancer la machine.
Article rédigé par Grégory Jouin
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Jérémy Chardy

Peut-on craindre une baisse de niveau du tennis français après la période des Mousquetaires ?
Patrice Dominguez: "C’est une génération de joueurs qui a concrétisé les espoirs qu’ils avaient fait naître. Monfils, Tsonga, Gasquet, qui avaient gagné des Grands Chelems juniors, on les a retrouvés dans le Top 10 mondial. Gilles Simon n’avait pas été un grand junior parce qu’il avait maturé plus tard. Il est allé lui aussi dans le Top 10. La mauvaise réputation du tennis français, à savoir on est bon chez les juniors mais on ne concrétise pas, elle n’a pas lieu d’être pour eux. Même si on n’a pas gagné un Grand Chelem, on peut dire qu’on a eu une génération qui a confirmé. Y compris chez les joueuses avec Marion Bartoli qui était aussi très bonne chez les juniors. Depuis trois ans en revanche, on n’a eu aucun Français dans les finales des tournois du Grand Chelem juniors. On peut donc craindre de façon légitime une moindre qualité chez les adultes parce que ça veut dire qu’il faudra rattraper le temps perdu. A l’exception de Gianni Mina, qui est allé en demi-finale de Roland-Garros, et de Kristina Mladenovic qui possède une grosse marge de progression devant elle, il n’y a pas grand-chose. Il faudra vraisemblablement attendre la génération d’après, ceux qui ont 16-17 ans aujourd’hui. Ceux qui ont 19-20 ans ne sont pas en situation d’aller dans le top ten. Ou alors il va falloir qu’ils cravachent."

La génération manquante, c’est celle de Jérémy Chardy ?
Pa.D.: "Les joueurs de cette génération là n’ont pas tout à fait le niveau. On le voit avec un Jérémy Chardy, avec un Guillaume Rufin, qui est un peu plus jeune, qui vient de faire son entrée dans le Top 100. C’est déjà un cap important à franchir, mais après on entre dans une autre dimension. Passer de 100 à 50, c’est énorme en termes de niveau, mais ce n’est pas plus dur que d’entrer dans le Top 50. Après, Top 20 et surtout Top 10, on entre dans un autre monde. Jérémy Chardy a eu des problèmes de carrière, des problèmes d’entraîneurs, des problèmes psychologiques. Il a un certain nombre de qualités mais il n’a jamais pu les exploitées encore sur la durée d’une saison. Et c’est ça qui permet de progresser. Gianni Mina avait de gros problèmes techniques que sa volonté cachait lorsqu’il était chez les juniors. Il avait d’ailleurs obtenu de très bons résultats chez les juniors. Les meilleurs séniors ont mis en exergue ces lacunes. Caroline Garcia, c’est la même chose."

Doit-on être pessimiste ?
Pa.D.: "On ne doit pas être pessimiste mais on doit peut-être changer d’attitude. C'est-à-dire ne pas dire ce qui a été dit depuis trois ans à savoir que ce n’est pas important de gagner chez les juniors. Ce n’est pas un but en soi de gagner chez les juniors mais c’est un objectif sur la durée d’une carrière malgré tout. Et c’est toujours mieux parce qu’on acquière de la confiance. Et je le dis toujours : on se souvient toujours de façon très précise de ses premières victoires. Donc il faut gagner chez les jeunes. Parce que quand on retrouve un joueur de sa génération plus tard, on se souvient de ce qui a marqué au moment de rentrer sur le terrain. Ca, il faut s’en souvenir au moment où on établit la politique fédérale, et ne pas dire « ce n’est pas important de gagner la Galéa » comme je l’ai entendu. Ou de ne pas gagner la « Borotra ». Et il faut s’inscrire dans tous les tournois de jeunes en espérant aller le plus loin possible, emmagasiner de la confiance et gagner. On a trop voulu faire plaisir à certains ces dernières années alors qu’il faut faire émerger dix joueurs pour avoir ensuite deux champions. Pas cinquante. Ca nivelle trop le niveau général."

Est-on à l’abri d’une chute de niveau comme en Australie, en Suède voire aux Etats-Unis, des pays de forte tradition tennistique ?
Pa.D.: "On n’est jamais à l’abri, quelque soit la qualité. Aujourd’hui, les Français font moins peur qu’avant chez les jeunes. Il faut retrouver la voie du succès, et ce n’est pas en augmentant le nombre de joueurs et de joueuses qu’on entraîne qu’on obtiendra ces résultats. C’est en entraînant mieux et en établissant mieux les objectifs à la fois pour les entraîneurs et pour les joueurs, qu’on obtiendra les résultats. Parce que si on n’a pas de résultats chez les jeunes, on n’existe pas. Et on se donne moins de chances d’exister chez les adultes. Ca, c’est sûr. Dans les espoirs tricolores pour les prochaines années, je ne vois qu’un Top 20 potentiel (Quentin Halys) et un ou deux Top 50 (Laurent Lokoli). C’est assez peu."

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