Bercy, grand calendrier et petits calculs
Blessés, besoin de récupérer, en manque de motivation, la tête ailleurs Les raisons des forfaits ou des éliminations précoces sont multiples mais le résultat identique : les tous meilleurs joueurs du monde ne s'attardent pas longtemps à Bercy. Le constat n'est pas nouveau, il date même d'une dizaine d'années, il est simplement encore plus criant pour l'édition 2012. Placé une semaine avant le rendez-vous des Maîtres à Londres, le dernier Masters 1000 du calendrier est devenu dispensable pour les têtes d'affiche à l'heure où plus grands enjeux de la saison sont d'ores et déjà atteints.
Le forfait annoncé de Rafael Nadal, qui a fait une croix sur toute la seconde partie de la saison 2012 en raison de problèmes aux genoux, était un premier coup dur mais pas une fatalité. A la veille du début du tournoi, celui de Roger Federer, tenant du titre, faisait bien plus mauvais genre. Battu en finale de Bâle par Juan Martin Del Potro, le Suisse savait qu'il lui serait impossible de conserver sa place de numéro 1 mondial jusqu'à la fin de saison. Il a donc décidé de couper une semaine pour se préserver.
De quoi faire pâlir un peu plus le nouveau directeur du tournoi, Guy Forget, qui voyait la qualité du plateau s'amoindrir. Encore, pouvait-il se raccrocher à la présence non négligeable de Novak Djokovic et Andy Murray parmi son effectif de départ. Mais il a dû faire face à une nouvelle désillusion avec l'élimination mercredi, du Serbe. Alors qu'il menait 6-0, 2-0, Nole a finalement été renversé contre toutes attentes par l'Américain Sam Querrey 0-6, 7-6(5), 6-4. S'il avait vraisemblablement des circonstances atténuantes (malade en début de semaine, problème de santé de son père), il a surtout donné l'impression de lâcher la rencontre. Aurait-il agit autrement si ce match s'était tenu plus tôt dans la saison ? On peut penser que oui. C'est d'ailleurs la première fois qu'il s'inclinait en ouverture d'un Masters 1000 depuis Miami en 2010. Soit 31 mois. La première fois aussi qu'il n'atteignait pas au moins les quarts de finale cette année...
Jouer en calculant
Le plus grand problème de Bercy est qu'il permet aux tous meilleurs de jouer en calculant. Pire, il leur permet même des fois de calculer avant de jouer. Avant de s'y présenter, Federer regardait déjà 2013, Djokovic savait qu'il finirait l'année numéro 1. Les quatre tournois du Grand Chelem déjà disputés, et la grande majorité des points déjà distribués, il ne restait plus aux joueurs qu'à faire les comptes. Dans cette mesure, comment espérer d'eux un engagement total ?
Difficile pour autant de blâmer le Serbe de vouloir gagner quelques jours de repos. Face à Querrey, il jouait son 83e match de la saison. A ce niveau de fatigue cumulée, on connait l'importance de l'envie et du mental pour se surpasser. Quid de sa participation malgré cet état physique en dents de scie ? Peut-être la prime attribuée aux joueurs engagés dans les neuf Masters 1000 de la saison et qui devrait lui être versée. Mais "chut", ce serait médire.
Un joueur de tennis doit donc apprendre à jouer intelligemment, mais aussi à perdre intelligemment. Après tout à quoi bon s'arracher pour Djokovic ? Pour lui, mieux vaut se préserver pour Londres car la saison de tennis est longue. Très longue. Comme le rappelait Richard Gasquet mercredi après son élimination surprise face au Sud-Africain Kevin Anderson : " On joue 10 mois de suite. A part pour quelques joueurs, c'est beaucoup". Ces quelques joueurs ne sont pas légion. Et l'arrivée à Bercy rime plus souvent avec besoin de panser les plaies que de repartir de l'avant. L'année dernière, si Federer s'était imposé pour la première fois à Paris, dans un tournoi où son engagement avait été discutable auparavant, c'était surtout pour se relancer dans une saison jusqu'alors manquée.
Murray seul rescapé
De cette hécatombe au sommet de l'ATP, seul Andy Murray est rescapé. Une surprise ? Pas vraiment. Auteur d'une deuxième partie de saison remarquable (titres aux JO et à l'US Open, finales à Wimbledon et Shanghai), l'Ecossais aimerait mettre quelques points de côté pour pouvoir se rapprocher de la première place mondiale la saison prochaine. L'actuel numéro 3 mondial était donc le seul à avoir une raison valable de se battre dans ce tournoi. Il est logiquement le seul encore en lice.
Comment éviter la fuite du Big Four ? La solution pour Bercy serait donc vraisemblablement de changer la place du tournoi dans le calendrier. Le projet qui est à l'étude depuis plusieurs semaines pourrait permettre au rendez-vous parisien d'être disputé en février, au lieu d'octobre, à partir de 2014. De bon dernier, le tournoi deviendrait le premier Masters de la liste, quelques semaines après l'Open d'Australie. De quoi attirer dans ses filets tous les experts des courts rectangulaires, en forme et plein de bonne volonté pour y briller. Une nécessité d'autant plus urgente pour Paris que le tournoi des Maîtres pourrait bientôt quitter Londres pour repartir en Asie... Difficile d'imaginer le gratin du tennis faire un effort supplémentaire pour jouer à Paris. Le salut du tournoi passe donc par là.
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