ENTRETIEN. JO 2030 : "Sans Val d'Isère, ce serait une erreur historique", estime Patrick Martin, maire de la station

Rayée de la carte des sites olympiques des JO 2030 après avoir figuré sur la première mouture, la station de Val d'Isère a contre-attaqué pour défendre sa place.
France Télévisions - Rédaction Sport
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Patrick Martin, maire de Val d'Isère. (YANN ALLEGRE)

Retenue par le CIO fin novembre 2023, la candidature des Alpes françaises pour accueillir les JO d'hiver 2030 a rencontré un succès inattendu. Lancé seulement l'été dernier par les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-d'Azur, ce projet olympique a toutefois enchaîné depuis quelques faux pas.

C'est ainsi que Val d'Isère, temple du ski alpin tricolore qui devait accueillir le slalom et le slalom géant, a été rayé de la carte des sites olympiques, au profit de Courchevel. Alors que le dossier de candidature définitif sera déposé fin février auprès du CIO, Patrick Martin, le maire de la station des Bronzés font du ski, raconte comment Val d'Isère est monté au créneau depuis pour inverser la tendance.

Depuis décembre, Val d'Isère est engagé dans un bras de fer, après avoir perdu l'organisation des épreuves de slalom et slalom géant des JO 2030 au profit de Courchevel. Comment le vivez-vous ?

Patrick Martin : "Ce n’est pas un bras de fer avec Courchevel, c’est Val d’Isère qui défend ses points forts. Laurent Wauquiez (président de la région AURA), qui nous soutient chaque année pour organiser le Critérium de la première neige, m’a demandé de lui remettre un dossier pour valider notre présence aux JO 2030 dans le sens des Jeux vertueux demandés par le CIO. C'est-à-dire de lui remettre un dossier avec un budget maîtrisé, une vraie expérience athlète et un souci de durabilité et d’efficacité. On a fait ce dossier en un mois, et on l'a rendu le 15 janvier. Maintenant, ce n'est plus à nous de jouer. Mais on est confiant sur notre présence aux JO.

"Notre histoire parle pour nous. On a quand même organisé 191 courses de Coupe du monde, des JO en 1992, des Mondiaux en 2009... Sans parler des champions formés chez nous, dont le seul médaillé d'or français aux derniers JO."

Patrick Martin, maire de Val d'Isère

à franceinfo: sport

Et pourtant, vous avez été rayé de la carte olympique de 2030...

Quand cette candidature a pris forme en juillet 2023, la région nous a rapidement demandé si elle pouvait inscrire des épreuves à Val d’Isère. Je leur ai répondu très franchement : comment pouvez-vous imaginer des JO d’hiver sans Val d’Isère ? J’ai trouvé la formule, en disant que ce serait comme une tartiflette sans lardons. J’aurais pu dire comme un tournoi des Six Nations sans l’Angleterre à Twickenham, ou une Coupe du monde de foot au Brésil sans le Maracana. J’ai eu un coup de fil du président Wauquiez qui m’a dit que ça ne serait pas simple, mais que compte tenu de notre histoire, on serait sur la carte.

Pourtant, fin novembre, vous n'êtes plus sur la carte. Comment l'avez-vous appris ? Vous avez dû tomber de votre télésiège ?

Non non j’étais dans mon bureau à la mairie (rires). J’aimerais bien être plus souvent sur le télésiège… J’ai d’abord appris que la France était retenue comme seule interlocutrice pour ces JO, donc j’étais ravi pour mon pays. Notre savoir-faire sur les grands événements sportifs est reconnu, c’est magnifique. J’ai vécu les JO d'Albertville, il ne faut pas oublier l’héritage que ça a laissé derrière pour désenclaver la vallée. 

"C'est le cœur d'un projet olympique : il s’agit de bien plus que de quatre jours de course. Au-delà de l’image et du prestige, les JO c’est surtout un héritage pour les années qui suivent."

Patrick Martin, maire de Val d'Isère

à franceinfo: sport

Puis, je reçois un coup de fil de la région qui me dit que le CIO a supprimé Val d’Isère des cartes. Je suis un peu surpris. J’écris au CIO, au CNOSF et aux hautes instances. Le CIO me répond qu’en aucune façon il ne choisit les sites, il donne simplement des préconisations pour éviter le gigantisme et garantir l’expérience athlète, avec une volonté que le skieur du Pérou puisse côtoyer le bobeur du Japon.

À ce moment-là, Courchevel est désigné pour accueillir tout le ski alpin, en plus du saut à ski et du combiné nordique. Vous, vous perdez les slaloms et slaloms géants. Quels sont vos moyens de défense ?

Laurent Wauquiez m'a expliqué qu'il faut que je dépose un dossier devant la région, qui, elle, rendra son dossier définitif fin février au CIO. On se dit que Courchevel risque d'être saturé avec ces épreuves, notamment sur la route et en cas de reports à cause de la météo, donc c'est logique d'en donner un peu à Val d'Isère. D'ailleurs, je discute souvent avec Jean-Yves Pachod (maire de Courchevel).

"Je ne suis pas sûr que Courchevel veuille toutes ces épreuves. En vérité, les JO 2030 seront plus simples et plus forts avec les épreuves techniques de ski alpin à Val d’Isère."

Patrick Martin, maire de Val d'Isère

à franceinfo: sport

Je dis ça juste d'un point de vue logistique, car Courchevel a prouvé lors des derniers Mondiaux qu'ils savaient faire. Leur piste de l'Eclipse est magnifique, mais notre face de Bellevarde est mythique.

En dehors de votre histoire, de votre savoir-faire, quels sont les points forts du dossier de Val d'Isère ?

On a monté un projet durable, à moindre coût. On nous parlait d'une enveloppe de 60 millions d'euros pour organiser les slaloms et slaloms géants chez nous. Notre budget, en réalité, est de 16,6 millions d'euros. En termes d'infrastructures en station, on a déjà tout ce qu'il faut dans un périmètre resserré, où tout se fait à pied. Le village olympique serait par exemple au Club Med. L'enjeu, pour nous, c'est l'accès à la station. C'est déjà un enjeu aujourd'hui, sans les JO. 

"C'est à ça que doivent servir les Jeux : nous aider à réinventer la vallée face au changement climatique, inventer l'avenir en diminuant durablement notre empreinte carbone. Et on sait que le transport en est la majeure partie."

Patrick Martin, maire de Val d'Isère

à franceinfo: sport

En somme, ces JO 2030 doivent finir le travail immense amorcé par ceux d'Albertville en 1992 ?

Exactement. Albertville a repensé toute la vallée, mais il faut moderniser ce qui a été fait à l'époque, une mise à jour. Mais on partait de beaucoup plus loin en 1992, après avoir travaillé sur le dossier de candidature pendant quatre ans. Là, on a eu six mois... On est confiant, on a fait le maximum, maintenant la balle n'est plus dans notre camp. La région tranchera, puis le CIO tranchera. 

Pour reprendre votre métaphore : en 2030, on aura des lardons dans notre tartiflette olympique ?

Oui, j’espère ! Ça se mange sans lardons, mais c’est vachement moins bon. Les JO d'hiver, c'est pareil : les faire en France, sans Val d’Isère, ce serait une erreur historique. Ce sont peut-être les derniers JO d’hiver en France. Les faire sans la station historique, mythique du ski alpin, ce serait une faute.

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