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Reportage Mondiaux de ski alpin 2023 : on a testé pour vous la piste de descente femmes avec Carole Montillet

Article rédigé par Adrien Hémard Dohain, franceinfo: sport - De notre envoyé spécial à Méribel
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Carole Montillet lors de la reconnaissance de la descente sur le Roc de Fer, le 10 février 2023 à Méribel. (DR)
Avant l'épreuve de descente femmes, programmée samedi à 11h, franceinfo: sport vous emmène en reconnaissance sur la piste du Roc de Fer, comme si vous étiez, avec comme guide la championne olympique de la spécialité de Salt Lake City.

La montagne et ses habitants se réveillent à peine, sous les premiers rayons de soleil de la journée. Les yeux piquent un peu tandis que les aiguilles indiquent 8 heures. L’heure de monter au front de neige. Car skier une piste de championnats du monde se mérite. En ce jour de repos, le début de la reconnaissance de la piste de descente femmes, le Roc de Fer à Méribel (Savoie), est fixé à 9 heures.

Au moment d’embarquer sur le télésiège, encore fermé aux vacanciers, le calme règne. Quelques personnes s'agitent autour du "team hospitality", cette vaste tente blanche où se regroupent les skieuses et leurs staffs avant de monter au départ.

La tente réservée aux athlètes en bas du Roc de Fer de Méribel, à côté du télésiège Legends qui conduit au départ. (ADRIEN HEMARD-DOHAIN/FRANCEINFO: SPORT)

Pour atteindre l'amorce de la descente, il faut emprunter deux remontées mécaniques aux noms évocateurs : Legends et Olympic. Construite pour les JO d’Albertville de 1992, cette dernière dépose au sommet du Roc de Fer, duquel s’élance la piste féminine des Mondiaux 2023, avec un tracé revu par rapport à celui des JO 1992. "Avant, on passait par ce versant. La piste était beaucoup plus éprouvante", se souvient Carole Montillet, ouvreuse en 1992, en désignant du doigt une autre portion de la piste. "Au départ, j'avais vraiment la trouille", rigole la consultante de France Télévisions, championne olympique de la discipline dix ans plus tard, à Salt Lake City.

"La reconnaissance, c’est le moment clé pour les athlètes. C’est là que la course se gagne, presque, parce que les filles prennent le temps de noter chaque porte, étudier chaque trajectoire, chaque saut."

Carole Montillet, championne olympique de descente en 2002

à franceinfo: sport

Après quelques secondes de glisse sur la cime du Roc de Fer, déserte, nous voilà dans l’aire de départ. Portillon installé, les filets de sécurité aussi, le tracé de la course est déjà en place. Mais au programme ce matin, le dernier des trois entraînements prévus pour les descendeuses. Sofia Goggia, Laura Gauché et Lara Gut-Behrami multiplient les passages en chasse-neige et à vitesse réduite, pour enregistrer toutes les informations du tracé. Tout le long de la piste, des membres des différentes équipes attendent, délivrent les informations. Les skieuses font des sauts de puces de l'un à l'autre. Certaines remontent quelques portes à pied, pour les passer plus rapidement. Pour nous, le départ approche.

Dérapage, chasse-neige et glace

Carole Montillet rappelle les fondamentaux d'une reconnaissance : skier en dérapage, ou en chasse-neige, pour ne pas trop abimer la piste. Impossible donc de se jauger en dévalant le Roc de Fer à toute vitesse. Ce n’est pas le but de la "reco", et vu le nombre de personnes sur la pente, ce serait inconscient. Moins de risques aussi pour nous à se ridiculiser aujourd'hui. Tandis que les skieuses s’élancent du portillon, comme le jour J, le reste des personnes autorisées le contournent. Nous voilà dans la pente.

La vue depuis le haut du Roc de Fer, à Méribel. (ADRIEN HEMARD-DOHAIN/FRANCEINFO: SPORT)

Qu’on se le dise, la première sensation sous les spatules ne rassure pas. En plus du stress lié à la crainte de gêner les athlètes et leur staff, le premier contact avec la neige fait monter la pression. Pour tenir debout, il faut vraiment fléchir dans la pente pour planter les carres du ski dans la neige. Jamais, sur une piste "normale", on n’a vu pareil revêtement. Injectée d’eau pour les besoins de la course, la neige a des allures de plaque de verglas géante, saupoudrée d’une fine épaisseur de neige accrocheuse par endroit. Le bruit sourd et rêche des skis sur ce manteau a de quoi effrayer. Mais pas le choix, il faut y aller. 

Reco Roc de Fer web

Carole Montillet prend les devants. Il faut la suivre entre dérapage et chasse-neige. La reconnaissance du jour étant dite de "ski libre", quelques portes s'enchaînent en skiant normalement. Et là, surprise, le Roc de Fer se révèle bien plus hospitalier quand on se jette dans la pente, que lorsque l’on dérape. "C’est normal, la piste est faite pour cela. Si la neige est si dure, c’est justement pour aider les athlètes à garder leur trajectoire", rassure notre consultante, tout sourire. 

Les minutes passent, la confiance augmente peu à peu. Les nombreuses pauses aident à récupérer sur cette neige énergivore, qui crispe autant les jambes que le stress paralyse le haut du corps. Soyons honnêtes, on ne produit pas un beau ski, loin de là. Alors, comme les athlètes, on observe, on note.

L’occasion de mesurer les énormes différences entre glisser sur la piste, et l'observer depuis son poste de télévision. Rapidement, on comprend mieux la notion de "portes aveugles", expliquée par Carole Montillet. "Parfois, depuis la piste, on ne voit pas la porte suivante. C’est pour ça que la reconnaissance est capitale, car on prend des repères, on mémorise la piste. Sinon, on ne peut pas se jeter dedans à plus de 100 km/h." A plusieurs reprises, un mur se cache en effet derrière un virage, qu'il vaut mieux connaître avant d'y arriver si on veut éviter d'embrasser les filets.

Les skieuses reconnaissent le Roc de Fer, le 9 février 2023. (ADRIEN HEMARD-DOHAIN/FRANCEINFO: SPORT)

La descente avançant, on réalise aussi mieux ce qu’impliquent les changements d’exposition au soleil, tant en termes de visibilité qu’en types de neige. A l’ombre, les plaques de glace surprennent, tandis qu'au soleil la neige accroche davantage. De près, la taille des sauts impressionne également, tout comme les virages en dévers, qui vous sortent de la trajectoire sans une compensation avec le poids du corps.

Le travail minutieux des athlètes et de leur staff prend tout son sens. L'ambiance est studieuse, silencieuse. Après quelques lacets et murs vertigineux, l’aire d’arrivée se dessine dans le village. Le soulagement est de courte durée. Très vite, nous voici dans le mur final qui plonge dans la station via une pente impressionnante. 

Lors de la reconnaissance, tout le monde quitte la piste avant la ligne d'arrivée. (ADRIEN HEMARD-DOHAIN/FRANCEINFO: SPORT)

On ne peut alors s’empêcher de s’imaginer arriver là à pleine vitesse, devant une foule en délire. Mais ce n'est qu'un rêve. Les tribunes sont vides, le passage de la ligne d’arrivée interdit. Il est déjà temps de quitter le Roc de Fer. Les minutes ont filé trop vite, mais ce n'est qu'une impression : une demi-heure au compteur, pour une descente qui ne devrait pas durer plus d'une minute trente samedi. Mais l'émotion était bien là, plus que le plaisir, largement dominé par le stress et la concentration de skier une piste de championnats du monde.

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