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Reportage Mondiaux de ski alpin 2023 : "J'ai presque plus pleuré aujourd'hui que pour son globe de cristal"... Dans les coulisses des adieux manqués de Tessa Worley

En position idéale pour accrocher une médaille en slalom géant, Tessa Worley a chuté au milieu du mur final et dit adieu, jeudi, à un troisième sacre pour ses derniers Mondiaux, au terme d'une journée pleine d'émotions.
Article rédigé par Adrien Hémard Dohain - De notre envoyé spécial à Méribel
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4 min
Tessa Worley déçue après sa chute lors de la 2e manche du slalom géant des Mondiaux de ski alpin à Méribel, le 16 février 2023. (MAXPPP)

Il est neuf heures du matin, et des grands coups de cloche réveillent les Mondiaux de Courchevel et Méribel, après trois jours plutôt calmes. Le fan club de Tessa Worley est arrivé. Depuis le matin, la centaine de supporters a fait le trajet depuis le Grand-Bornand en bus et voitures. Dans quelques heures, leur championne s'élancera dans l'épreuve du slalom géant, avec le fol espoir de conclure ses derniers Mondiaux par un troisième sacre.

"Au Grand-Bornand, il y a 2 000 habitants, 2 000 adhérents au fan club de Tessa et autant de vaches !", se marre alors Geoffrey, l'un des responsables dudit fan club. Avec son mégaphone dans une main, et sa flasque dans l'autre, celui qui s'égosille habituellement dans le virage nord du Vélodrome lance des chants repris en chœur par la joyeuse troupe. "C'est notre mégaphone porte bonheur, on l'avait quand Tessa a été championne du monde. Elle a gagné le globe l'année dernière ici avec." 

"Le Grand-Bo" en avant

Quelques sièges plus loin, les enfants du club des sports du "Grand-Bo" se cassent la voix. Entre deux bonbons, Maïwen et Juliette, 13 ans, jubilent : "On est venues pour Tessa. C'est notre idole, c'est l'emblème du Grand-Bo, c'est une grande championne, on veut être comme elle plus tard. Elle a ramené les globes à la maison !". Bonne nouvelle pour elles, et pour le clan tricolore, Tessa Worley termine la première manche au deuxième rang, bien lancée, à un souffle de Mikaela Shiffrin. "L'objectif est rempli, sourit la Tricolore. C'est génial, beaucoup de monde est là, ma famille, le club, c'est des super moments à vivre. Je savoure chaque instant."

En début d'après-midi, les 8 000 spectateurs au pied du Roc de Fer se sont assagis au départ de la seconde manche. Entre le soleil qui cogne et pousse à retirer les bonnets, le repas du midi, et le contenu des flasques qui passent d'une main à l'autre, le public français attend sagement le passage de Clara Direz pour se réveiller. Les chants de stade de foot, remaniés en l'honneur de Worley, se font de plus en plus nombreux. Une troisième médaille d'or en slalom géant pour la skieuse du Grand-Bornand ? Tout le monde y croit. Justement, la voilà dans le portillon de départ. 

Oubliées les voix des speakers, débordée la bande-son musicale : la clameur recouvre tout. Un honneur jusque-là réservé au seul Alexis Pinturault. Tessa Worley apparaît dans le mur final. Le chronomètre est vert. De quoi en faire une médaillée certaine : seule Shiffrin s'élance ensuite. Le compteur de décibels explose. Les cloches sonnent sans s'arrêter, les chants redoublent d'intensité. Le Roc de Fer tremble. Et puis, plus rien. Le silence. Tessa Worley est tombée.

Le spectre de la retraite

Quelques noms d'oiseaux fusent enfin. Les premières larmes coulent. Une standing ovation accueille la Française dans la raquette. Quelques secondes plus tard, Mikaela Shiffrin, tout juste auréolée du titre, vient consoler sa rivale en priorité. Après de longues minutes à digérer tout en répondant aux sollicitations médiatiques, Tessa Worley approche, en jetant un coup d'œil au podium : "J'ai beaucoup de respect pour ces trois filles, c'était une course incroyable. Il fallait tout donner, ce que j'ai fait, j'ai essayé à fond, j'ai joué la victoire. Je m'imaginais ces gradins remplis de Français en train de changer la Marseillaise, mais ce n'est pas comme ça que la journée était écrite. L'idée, c'était d'aller chercher quelque chose de grand, et je l'ai touché du doigt", souffle-t-elle.

"Tessa n'a rien à se reprocher, elle a fait tout ce qu'il fallait pour faire vibrer tout le monde. Notre sport est comme ça, l'année dernière Shiffrin craque sur la seconde manche ce qui permet à Tessa d'aller chercher le globe. Aujourd'hui, c'est l'inverse."

Lionel Pélissier, directeur de l'équipe de France féminine

à franceinfo: sport

Au milieu du dédale de barrières de l'aire d'arrivée, Coralie Frasse-Sombet n'a même pas le temps de savourer sa neuvième place dans ce géant : "Tessa nous fait tout le temps pleurer à Méribel. L'année dernière, on a pleuré parce qu'elle a gagné le globe de cristal ici. Et là, elle nous fait pleurer parce qu'elle est tombée. J'ai presque plus pleuré aujourd'hui, d'ailleurs". La skieuse de Chamrousse vient de signer l'une de ses meilleures performances cette saison, mais, ses premiers mots sont pour sa compatriote. "On y a tous cru. Ça aurait été la cerise sur le gâteau, mais elle nous fait vibrer aujourd'hui comme depuis 15 ans. C'est une énorme déception, mais ça n'enlève rien à tout ce qu'elle a fait", complète Fiona, l'amie d'enfance de Tessa Worley.

Avant de quitter les lieux, Tessa Worley jette un dernier coup d'œil vers son public, bouillant, le 16 février 2023 à Méribel. (Adrien Hémard-Dohain / Franceinfo: sport)

"C'est sûr que la fin de saison n'aura pas la même saveur que ces quinze jours que j‘avais cochés dans mon calendrier, et qui sont déjà finis", souffle la skieuse du Grand-Bo. Quant à la retraite, sujet autant en vogue en ce moment dans le clan tricolore (Clarey, Frasse-Sombet...) qu'à l'Assemblée Nationale, elle confie, dans un ultime sourire : "Je ne voulais pas me poser la question avant les championnats du monde. Il va falloir le faire et on verra à la fin de la saison quelle sera la suite."

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