Mondiaux de ski alpin 2023 : comment sécurise-t-on une piste que les skieurs dévalent à 140 km/h ?
Quinze. Depuis 1959, quinze athlètes professionnels ont perdu la vie lors d’une course ou d’un entraînement de ski alpin. Le dernier en date : le Français David Poisson, victime d’une chute à l’entraînement au Canada le 13 novembre 2017. Les filets de protection n’avaient pas suffi à stopper le Savoyard, décédé sur le coup après avoir percuté un arbre. Un drame qui avait fortement marqué le monde du ski, et qui a, depuis, tout fait pour éviter pareille tragédie.
"On a des normes de sécurité de plus en plus poussées, un peu à l’image de la Formule 1", explique Sébastien Santon, directeur de la piste de l’Eclipse à Courchevel, ce vertigineux théâtre des épreuves masculines. Avec ses équipes, il s’affaire depuis plus de cinq ans pour sécuriser l’Eclipse, longue de 3,2 km à 30% de moyenne : "On a commencé par penser les installations, déployer le système de sécurité, modifier le bas de la piste. Ça nous a pris presque deux ans."
Avant même de penser aux filets de protection, il a ainsi fallu revoir les 200 derniers mètres de la piste, à cause d’un virage trop aigu. "Quand on sait que les descendeurs arrivent à 130, 140 km/h sur la piste, on ne peut rien laisser au hasard", souligne Sébastien Santon. De l’autre côté du col de la Loze, à Méribel, son homologue, Yannick Favières, n’a pas eu, lui, à modifier le tracé du Roc de Fer. En revanche, il a fallu repenser toute la sécurité de cette piste, vestige des JO d’Albertville en 1992.
Beaucoup de filets, mais pas seulement
Elément le plus visible, les filets sont à la base de la sécurisation, avec un objectif précis, explique Yannick Favières : "Notre but est de minimiser la cinétique, c’est-à-dire que l’impact de l’arrêt doit être le plus progressif possible". Concrètement, cela se matérialise par plusieurs types de filets. D’abord, le filet A, accroché à un poteau métallique : "Ils mesurent 4m de haut, avec des mailles de 5 cm. Leur but n’est pas d’arrêter le coureur mais de le dévier pour le réorienter vers la piste. On les installe dès l’automne, puis on ajuste avec la neige", détaille le boss du Roc de Fer.
“Les filets B font 2m de haut, sur des piquets. On en met deux, trois, parfois 4 à 2 m d'intervalle. Ils doivent ralentir le skieur, pas l’arrêter net. Chaque rangée de filets B doit faire diminuer la vitesse de 20 km/h.”
Yannick Favières, chef de course du Roc de Ferà franceinfo: sport
Mais avec la montagne et ses aléas, il faut pouvoir s’adapter, notamment lors des passages plus étroits. Pour cela, Sébastien Santon et Yannick Favières disposent d’un dernier outil : le airfence. "C’est un gros matelas d’air, ça ressemble à un paddle, mais plus mou", décrit Yannick Favières. "Ils absorbent la cinétique et renvoient le coureur dans une autre direction. On en met quand on n’a pas le choix sur des installations dures comme une tour TV". Au total, 17 km de filets ceinturent ainsi le Roc de Fer et le stade d’entraînement de Méribel, et jusqu'à 30 km à Courchevel pour l’Eclipse et le stade Emile-Allais, le tout dessinant de longs serpents rouges dans la blancheur des hauteurs.
Toutefois, lorsque l’on dévale sur quelques centimètres de spatule et à 140 km/h des murs qui pointent jusqu’à 58% de pente sur ces Mondiaux, les filets ne peuvent suffire. La neige, elle-même, joue un rôle central dans la sécurité des athlètes. "On doit maintenir un manteau neigeux stable grâce à la neige injectée d’eau, afin d’éviter la formation de trous et autres pièges pour les athlètes", précise Sébastien Santon.
“Plus la neige est dure, plus la sécurité est facile à assurer, c’est paradoxal. La neige se déforme moins, ça évite les mauvaises surprises.”
Yannick Favières, chef de course du Roc de Ferà franceinfo: sport
Pour compléter le tableau, les organisateurs appliquent également de la peinture sur les pistes. "Ce sont les bandes bleues ciel que vous voyez à la TV. Ça permet de donner du relief à la piste pour que le skieur voit plus loin", précise Sébastien Santon. "D'ailleurs, ce sont des colorants naturels, on peut même en manger (rires)." Un dispositif conséquent, validé en amont par la Fédération internationale de ski (Fis), intransigeante sur le sujet.
Si, malgré tous ces efforts, un athlète sort de piste et termine dans les filets, blessé, là encore tout est prévu. "Sur la descente, on a sept équipes composées de deux pisteurs et un médecin, réparties le long du tracé pour intervenir le plus vite possible", décrit Sébastien Santon. Un hélicoptère et une ambulance sont par ailleurs toujours mobilisés pendant une course, pour évacuer d’éventuels blessés vers les hôpitaux de Chambéry ou Grenoble, en plus du poste médicale avancé dans la raquette d’arrivée. “Tout est au point”, conclut Sébastien Santon. "Même si on espère ne pas en avoir besoin !"
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