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Mathieu Faivre : "Je me demandais si j’étais encore capable d’être performant"

Sacré champion du monde de slalom parallèle et de slalom géant en février à Cortina d'Ampezzo, Mathieu Faivre a enchaîné avec une victoire en coupe du monde. De passage à Paris entre deux courses, le skieur d'Isola 2000 évoque sa confiance du moment, ses doutes du début de saison et son appétit pour l'avenir.
Article rédigé par Adrien Hémard Dohain
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 9min
Le skieur français Mathieu Faivre lors de sa victoire à Bansko le 28 février 2021 (NIKOLAY DOYCHINOV / AFP)

Vous sortez de mondiaux avec deux médailles d'or, et de deux podiums en coupe du monde dont une victoire. Il est confortable le petit nuage sur lequel vous êtes installé ?
Mathieu Faivre : "Tout va bien oui. Mais je n'aime pas parler de petit nuage, enfin ça dépend du sens qu’on donne au terme de 'nuage', parce que la saison n’est pas terminée. Il faut continuer à s’entraîner, à travailler. Dans le sport, dans la vie, rien n’est acquis. Ce que j’ai fait, mes médailles, on ne me les enlèvera pas. Mais si je me relâche et que je reste sur mon petit nuage, ça ne va pas aller. Je vais vite déchanter. Je ne me contente pas de ce que j’ai fait. Je suis fier, je suis sur un élan génial, et en ce sens là, oui je suis sur mon petit nuage, mais je dois entretenir cette dynamique positive".

On vous sent bien plus en confiance depuis quelques semaines, ça change tout ?
MF : "Ça reste assez subjectif la confiance. Elle n’arrive pas d’un coup en fait. C'est progressif. Ça fait un mois et demi que je me sens très bien sur les skis, que je prends du plaisir aux entraînements. J’ai senti cette confiance grandir avant même les mondiaux. Mais elle ne doit pas chasser le petit doute qu’il faut avoir. Car c'est en répondant à ce doute qu'on construit petit à petit quelque chose, et qu'on arrive à l’état de confiance. Une fois qu'on l'a, cela ne suffit pas parce qu’il y a d’autres athlètes qui sont très, très forts. Mais la confiance se construit jour par jour, brique après brique. Ce n’est pas le jour des mondiaux que j’ai eu un déclic, c’est grâce aux semaines précédentes et ça a payé le jour J".

Début de saison raté, il est arrivé aux Mondiaux libéré

Les mondiaux, c’est une course d’un jour. On y arrive avec tout à gagner, rien à perdre, c’était votre cas ?
MF :
"Probablement oui. Après à tous les départs de courses, ce qu’on veut c’est gagner une médaille. Après, oui, vu mon début de saison raté, je suis arrivé aux mondiaux libéré, sans pression extérieure. En revanche, à chaque course, moi je me mets une pression personnelle. Ça dépend de qui vient l’attente, et comment on la gère".

Vous êtes et resterez à jamais le premier champion du monde de slalom parallèle : c’est une fierté ?
MF : 
"A jamais le premier oui (rire). C’est particulier, parce que ce n’est pas forcément la discipline que j’affectionne le plus. C'est dangereux, ça surcharge nos calendriers. On décerne un titre de champion du monde de parallèle alors qu’il n’y a qu’une course dans le reste de la saison, bon… est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux vendre nos disciplines fortes plutôt ? Après le public accroche, parce que c’est beaucoup plus direct. Ma position est contradictoire parce que je suis champion du monde, je savoure, mais je ne change pas d’avis. En revanche, j’ai découvert l’implication sportive que ça demande, parce que je n’avais pas encore fait de phase finale complète en parallèle. J’étais épuisé à la fin, physiquement et nerveusement. Et les médailles, tout le monde les voulait mine de rien".

Est-ce que vous auriez fait la même course sur le slalom géant si vous n’aviez pas gagné quelques jours plutôt en parallèle ? 
MF :
"On ne le saura jamais (rires). Ce qui est sûr, c’est que je me sentais très bien aux entraînements et que le parallèle est venu confirmer cela. En finale je bats Zubcic, un des meilleurs mondiaux. Là je comprends que si je fais les choses correctement, je peux jouer ma chance sur le géant ensuite. Sur le parallèle, je sais que j’ai mis le curseur au bon niveau, que quoi qu’il arrive sur le géant, je repars avec une médaille. C’est libérateur pour la suite oui".

"Après Killy, la ligne en-dessous, ce sera Faivre, c'est cool"

A peine dans l’aire d’arrivée, vous savez qu’Alexis Pinturault va refermer le portillon pour la médaille d'or. Vous vous dites quoi quand il sort de piste ?
MF : "C'est allé hyper vite. Je m’installe dans le siège de leader, Schmid sort donc je sais que je vais faire une médaille parce qu’il ne reste plus que Luca De Aliprandini et Alexis. Je vois que Luca finit juste derrière moi, donc l’argent est assuré. L’aire d’arrivée, j’y entre en me disant que je vais être vice-champion du monde parce qu’Alexis a écrasé la première manche, et je suis déjà hyper heureux. C’est déjà énorme. Et là je vois Alexis dehors et je comprends que je suis champion du monde. C’est fou. J’essaye de retrouver mes esprits, de comprendre ce qui m’arrive". 

Cela fait quoi de succéder à Jean-Claude Killy à ce palmarès, 53 ans après ?
MF : 
"En tant que Français, Killy, c’est la référence. Il a été au top, reconnu en France et dans le monde entier pour son ski. C’est un ponte de notre sport, et aujourd’hui après Killy, la ligne de dessous ce sera Faivre, c’est vrai que c’est cool"

A 29 ans, vous croyiez encore à ces médailles ?
MF : "
Non, plutôt l’inverse même. Au début de saison, je me demandais si j’étais encore capable d’être performant, très honnêtement. Il y a eu des moments où cette année, même si je n’ai que 29 ans, je me suis posé des questions. Il y a des entraînements où j’avais l’impression de tout donner et de ne pas être rapide. Je me suis vraiment posé la question de savoir si je pouvais encore performer. Bon, la réponse est assez claire finalement (rires). Et puis, finalement j’ai toujours été dans le top 15 mondial depuis 2014. J’ai entendu parler d’une résurrection après mes médailles là, mais j’étais quand même toujours pas trop mal placé".

"L’année prochaine je peux aller chercher autre chose"

Dans la foulée, vous avez gagné votre deuxième course de coupe du monde à Bansko, cinq ans après votre succès à Val d’Isère. C’est la preuve que vos médailles n’ont pas été volées ?
MF : 
"Beaucoup disaient que j’allais devoir confirmer. Mais dans tous les cas, mes médailles d’or, je les ai gagnées, elles sont à la maison et ne bougeront pas. Effectivement ça s’est bien passé ensuite en coupe du monde à Bansko, mais c’est la continuité de la confiance du moment, de la dynamique du moment, du plaisir que je prends sur les skis depuis janvier. Je vais profiter de ma fin de saison, ça peut aller très vite dans les deux sens. Il faut rester calme quand ça va mal, et aussi quand ça va bien. Je l’ai bien vu cette année puisque je fais mon pire début de saison et ma meilleure fin de saison dans la foulée."

Est-ce que ça va rehausser vos ambitions pour la suite ?
MF : 
"Même si je me suis posé des questions au début de saison, ça n’a jamais été une option d’arrêter hein ! Mais ce qui est sûr, c’est que là j’ai eu la confirmation que je peux encore être performant et jouer devant. La dynamique s’est inversée : l’année prochaine je peux aller chercher autre chose. L’énergie n’est plus mise à disposition pour retrouver de la confiance, mais pour skier devant, aller chercher un globe, une médaille aux JO. On va déjà finir la saison actuelle et on fixera les objectifs ensuite. Déjà c’est appréciable d’avoir pu vivre une saison pleine".

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