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Patinage artistique : Romain Haguenauer, le faiseur de stars derrière l'avènement du duo Gabriella Papadakis-Guillaume Cizeron

Entraîneur de patineurs multi-médaillés depuis vingt ans, le Français accompagne, depuis 2012, le couple tricolore sur le chemin des succès.

Article rédigé par franceinfo: sport - Louis Delvinquière
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Romain Haguenauer donne des consignes à Guillaume Cizeron et Gabriella Papadakis lors du programme court des Jeux oylmpiques de Pyeongchang, le 19 février 2018 (PHILIPPE MILLEREAU / DPPI MEDIA / AFP)

Son nom ne vous dit peut-être rien. Il est pourtant l'un des grands manitous du patinage artistique mondial. 11 des 23 duos en danse sur glace aperçus aux Jeux olympiques de Pékin s'entraînent sous sa houlette à Montréal, dont les Français Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron, devenus champions olympiques en danse sur glace. Il était déjà l'entraîneur en or à Pyeongchang, avec les Canadiens Tessa Virtue et Scott Moir. Romain Haguenauer est l'un des personnages importants autour de la patinoire de Montpellier, où se déroulent les championnats du monde jusqu'au 27 mars. Découverte de celui qui s'est imposé comme l'une des références du patinage mondial.

"Je ne m'étais jamais projeté patineur, ni entraîneur." Pourtant, à 45 ans, Romain Haguenauer évolue aujourd'hui dans les plus hautes sphères de son sport, sans y avoir été prédestiné. "Ce n'était pas trop dans l'esprit de la famille de faire du sport, mais elle m'a toujours soutenu et je lui dois beaucoup", confesse-t-il. "Avec le recul, je me dis que j'ai toujours admiré les entraîneurs." Après une courte carrière de patineur, notamment aux côtés de sa soeur Marianne, il range les patins à 20 ans pour devenir professeur de sport. À côté, il remplace l'entraîneur des jeunes au club des sports de glace de Lyon. Une vocation est née.

24 médailles et 15 titres depuis 2014

"C'est quelqu'un qui est vraiment passionné par l'enseignement et le coaching, plus que par le fait d'être athlète", souligne Gabriella Papadakis à l'AFP, l'une de ses protégées. "Ça se sent que l'enseignement est sa passion, ajoute son complice Guillaume Cizeron. Et c'est super chouette parce tu sens qu'il veut vraiment ton bien". "Il sait s'adapter à chaque athlète pour le faire progresser", complètent Patrice Lauzon et Marie-France Dubreuil, entraîneurs aux côtés de Romain Haguenauer au Canada. Il est entraîneur dans l'âme, il a un coaching naturel, ça se sent et ça se voit. C'est un très grand entraîneur avec un oeil très précis." Ce couple canadien, médaillé d'argent aux Mondiaux 2006 et 2007 en danse sur glace, a d'abord été entraîné par le Français, avant de venir l'épauler à l'Académie de glace de Montréal. Depuis, le trio accumule les récompenses.

Romain Haguenauer donne des consignes à Daisuke Takahashi à l'entraînement dans la patinoire de Lyon, le 11 août 2011. (PHILIPPE DESMAZES / AFP)

Depuis son départ de France pour le Québec, le Français a compilé 24 médailles sur toutes les compétitions majeures, dont 15 titres. Les noms les plus glorieux de leur discipline ont brillé sous sa coupe : Marina Anissina et Gwendal Peizerat – champions mondiaux et olympiques en 2000 et 2002 – le couple Isabelle Delobel-Olivier Schoenfelder – titré aux Mondiaux en 2008 – Tessa Virtue et Scott Moir – les champions olympiques 2018 – et donc le duo Gabriella Papadakis-Guillaume Cizeron – quadruple champion du monde entre autres. En individuel, il a mené aux podiums les Japonais Daisuke Takahashi, champion du monde 2010 et bronzé aux JO 2010, ainsi que Shoma Uno, vice champion du monde 2017 et olympique 2018. Malgré ces succès, son chemin est loin d'être fini.

Les championnats du monde de Montpellier sont un autre défi pour lui. Il a de bonnes chances de garnir encore plus son palmarès puisque 13 des 31 couples alignés en danse sur glace s'entraînent avec lui : "L'objectif sera de prendre les trois premières places. C'est ce que l'on a été proches de faire à Pékin", lance l'ancien professeur d'EPS au collège Jean Monnet de Lyon. L'Académie montréalaise rejoindrait alors les danseurs sur glace de l'école de Detroit, entraînés par Igor Shpilband et Marina Zoueva qui avaient trusté toutes les places du podium aux championnats du monde de Moscou en 2011.

Montréal, son nouvel eldorado

"C'est quelqu'un de très sociable", décrit Patrice Lauzon. "Il aime être entouré de personnes de milieux très différents", appuie sa partenaire sur la glace et dans la vie. Mais est-ce là le secret de la réussite de ses athlètes ? "On cultive l'excellence à Montréal, entame la chorégraphe. Ce qui est important, c'est d'entraîner l'élite en prenant soin de l'athlète pour le rendre plus heureux. Il a les ingrédients pour former les champions. C'est aussi un travail d'équipe." Les moyens et le staff mis à disposition peuvent aussi expliquer de tels résultats : plusieurs entraîneurs, des chorégraphes, un préparateur physique... Un assembleur de musiques est même parfois mis à disposition des couples pour travailler leur programme.

"Il faut être très professionnel pour gérer autant de couples. La base de l'entraînement est l'égalité de traitement : chacun a ses heures de cours, chacun a son moment avec moi. Pour le travail technique et artistique, la recherche est individualisée car quelque chose peut être bon pour l'un, mais ne le sera pas pour l'autre. Il faut savoir faire les bons choix."

Romain Haguenauer

franceinfo: sport

Partir de Lyon pour rejoindre le Canada, où "le système est plus libéral", s'est presque imposé à lui. Le couple Papadakis-Cizeron n'y est pas étranger : "À travers eux, je me suis rendu compte que je devais partir, pour moi-même, je voulais trouver des choses à mettre en place et j'avais des idées de fonctionnement différents", se souvient-il. Après avoir éprouvé des "difficultés" à travailler en France sur fond de désaccords avec la Fédération française des sports de glace (FFSG), il découvre une nouvelle vie à Montréal : "Ce qui change, c'est la place du sport dans la société. Le sport est au centre, se pratique au cœur de la ville. Je le retrouve dans les élèves canadiens, dans l'ambiance avec les entraîneurs. Au-delà de cela, dans la ville de Montréal, il y a plus de patinoires que dans la France entière", dévoile celui qui a découvert le patinage à quatre ans avant d'ajouter : "L'accès à la glace est un confort extraordinaire".

Marie-France Dubreuil (à gauche), entourée de Guillaume Cizeron et Gabriella Papadakis avec Romain Haguenauer (à droite) lors des championnats du monde de Boston le 31 mars 2016 (MADDIE MEYER / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

Entre le couple Papadakis-Cizeron et Romain Haguenauer, c'est plus qu'une collaboration. Depuis qu'ils sont arrivés à Lyon en 2012, le technicien, alors responsable du pôle France, ne les a jamais lâchés. "Ils sont partis de France en même temps pour venir au Canada. Ils ont vécu ce changement ensemble, et c'est quelque chose qui les rapproche", souligne Marie-France Dubreuil.

Il a toujours cru en nous, en nos capacités, il a toujours eu une vision de comment on pouvait se développer. C'est quelqu'un qui a su nous guider tout au long de notre carrière d'adultes"

Guillaume Cizeron

AFP

En plus des quatre sacres aux championnats du monde, la médaille d'or olympique de l'hiver, quatre ans après l'immense déception de l'argent à Pyeongchang, a nourri un peu plus leur histoire commune. "J'ai eu plein de moments forts dans mon métier, mais celui-ci en particulier avec Gabriella et Guillaume était puissant. Il a une saveur particulière", reconnaît Romain Haguenauer

Malgré son groupe cosmopolite et son lieu de vie loin de la France, Romain Haguenauer conserve une fibre tricolore : "Cela me fait plaisir que ce soient des Français qui remportent l'or. Je suis aussi content d'apporter une médaille à la France. Je ne fais pas de favoritisme entre mes athlètes, mais il y a quand même un peu de chauvinisme."

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