Le biathlon français phagocyte le fond
Le biathlon est au programme des Jeux Olympiques depuis 1968 pour les hommes et 1992 pour les femmes. L’équipe de France y a déjà remporté 16 médailles : quatre d’or, quatre d’argent et huit de bronze. Un total à faire pâlir la concurrence qui affiche des résultats sans commune mesure avec le plus grand pourvoyeur de breloques des derniers JO (6 sur les 11 médailles françaises à Vancouver en 2010, 4/9 en 2006 à Turin).
Le biathlon plus ludique
Quelle est la recette du biathlon tricolore ? Et, en comparaison, comment expliquer le bilan médiocre du fond ? « Le côté ludique plaît énormément », explique d’emblée Vincent Jay, sacré il y a quatre ans en sprint à Vancouver. « Le bruit du claquement de la balle qui sort de l’arme à feu. C’est ça qui fait que le nombre de licenciés augmente. On peut se comparer en temps réel à l’autre », poursuit le consultant de France Télévisions. « Susciter des vocations est très important. La médaille en relais féminin à Albertville avait eu un impact énorme. Ca a fait connaître le biathlon au grand public. Après, il y a eu la période Raphaël Poirée puis Martin Fourcade qui ont fait aimé ce sport. Les jeunes veulent faire du biathlon pour ressembler à Martin ».
Fabrice Guy, champion olympique de combiné nordique en 1992 à Albertville, avance une autre explication. « La principale différence vient de la discipline en elle-même. Il y a deux sports dans le biathlon, le tir et le ski de fond, comme il y a deux sports dans le combiné nordique par exemple (le saut et le fond). Les Français sont peut-être plus enclins à maîtriser deux sports qu’à être à fond sur un seul », souligne notre consultant.
Le fond manque de densité
« Le ski de fond est vraiment dominé par les Nordiques. C’est leur sport national. La densité est tellement énorme que ça fait la différence au final. Ils peuvent faire des courses d’équipe pour faire craquer les adversaires ». Cela peut vite décourager. « Le fondeur qui part sait au bout de 2 km s’il n’a pas les jambes et s’il ne va rien faire de bien. C’est frustrant. Le biathlon, vous pouvez vous en sortir en étant moins bien avec un 10/10 au tir », confie Vincent Jay.
« C’est aussi ce qui fonctionne au niveau télégénique », développe-t-il. « Le gars qui arrive sur le pas de tir avec 20 secondes d’avance peut se retrouver 5e juste après avec 30 secondes de retard. Tu ne sais pas qui va gagner. C’est exceptionnel et on est un des rares sports à ne pas l’avoir ».
Le biathlon ménage le suspense
« Le choix, c’est vraiment la discipline », argumente Fabrice Guy. « J’avais des copines dans le ski de fond qui sont partis sur le biathlon. Elles n’ont pas eu plus de caisse après mais elles ont été plus heureuses. C’est plus épanouissant. Tu peux rater en tir et aller vite en ski de fond ou l’inverse. Tu arrives à compenser ».
Le facteur culturel tient également la route. « On est des Latins, on se sent plus proches des Italiens que des Autrichiens qui sont eux plus carrés, plus rigoureux dans l’approche de leur technique, dans l’investissement mis ».
Le ski de fond moins fun
Et d’enchaîner sur la mentalité propre aux deux entités : « L’esprit d’équipe est plus poussé en biathlon parce que le ski de fond est beaucoup plus dur physiquement. C’est de l’aérobie pure. Et là, tu es vraiment tout seul. Il y a vraiment beaucoup de travail et c’est un peu moins fun. Les fondeurs restent des garçons charmants mais peut-être moins ouverts à la déconnade. Une médaille est quelque part encore plus dure à aller chercher en ski de fond qu’en biathlon ».
Et que penser de l’idée selon laquelle le biathlon ne serait qu’un dérivé du ski de fond, et les biathlètes de pâles copies des fondeurs. « On disait dans le milieu que les biathlètes étaient des mauvais fondeurs, des gens qui skiaient moins vite partaient sur le biathlon. Ce n’est plus vrai aujourd’hui », constate Vincent Jay. « On a deux exemples qui le montrent bien. Lars Berger est biathlète et champion du monde de ski de fond. Ole Einar Bjoerndalen, six fois champion olympique de biathlon, a gagné une épreuve de Coupe du monde de ski de fond face aux meilleurs ».
Dernier élément : l’argent. Sur ce point, nos deux consultants ne sont pas d’accord. « Forcément il y a le pognon. Il ne faut pas rêver. On a beaucoup moins d’argent que ces nations là, l’Autriche, l’Allemagne, la Suède, la Norvège. Or il faut beaucoup d’argent pour être en pointe technologiquement. On a des très bons farteurs en France moins on est moins nombreux », analyse Fabrice Guy tandis que Vincent Jay tempère : « Les moyens financiers sont les mêmes entre les deux sports en France ».
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