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XV de France : Thibaud Flament, qui est la nouvelle pépite lancée par Fabien Galthié ?

Le joueur du Stade Toulousain a honoré sa première cape samedi soir lors de la victoire des Bleus contre l'Argentine.

Article rédigé par Justine Saint-Sevin, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
La joie rageuse de Thibaud Flament après avoir inscrit le premier essai de sa carrière en Bleu pour sa première cape, contre l'Argentine, le 6 novembre 2021. (FRANCK FIFE / AFP)

Ils n’ont de cesse de flairer les pépites. Depuis leur arrivée à la tête du XV de France, Fabien Galthié et son staff dénichent un ovni par saison. Après Mohamed Haouas, Gabin Villière ou encore Melvyn Jaminet, c’est Thibaud Flament (24 ans) que l'on découvre. Pour sa première cape et sa première titularisation, le deuxième ligne a signé une performance remarquable, auteur d'un essai, dans une équipe qui a pourtant livré une prestation en demi-teinte contre l’Argentine, samedi soir. 

Avant la rencontre face aux Pumas, c’est ainsi que Fabien Galthié présentait le joueur : "C’est un deuxième ligne au profil particulier. Un globe-trotteur, passé par l’Argentine, l’Angleterre." Pour lui, la présence de Thibaud Flament en équipe de France est une évidence, il en appelle même à une forme de "destinée". "Comme le disait son père, Thibaud a toujours été habité par cette flamme. Il s’endormait tous les soirs avec le maillot du XV de France accroché à côté de son lit, c’était sa dernière vision avant de s’endormir", poursuivait le sélectionneur.

Il a imposé son talent. Par sa présence à l’entraînement, au quotidien, c’est un joueur qui est venu chercher son maillot dans le vestiaire.

Fabien Galthié, sélectionneur des Bleus

en conférence de presse

Si ses débuts n’ont pas été aussi fracassants que ceux de Melvyn Jaminet (3 matchs, 41 points) lors de la tournée en Australie - l’arrière avait profité d’un collectif plus performant - le Toulousain a rendu une copie solide dans un XV longtemps en difficulté. On se souvient d’une séquence de deux gros plaquages coup sur coup pour stopper l’avancée d’une offensive argentine ; il finit d’ailleurs meilleur plaqueur français avec onze réalisations. Surtout, le deuxième ligne s’est illustré par des courses tranchantes, dont la magnifique prise d’intervalle sur un service de Jalibert qui a offert aux Bleus le premier essai du match. "Il a permis à l’équipe de gagner ce premier rendez-vous", saluait même le sélectionneur des Bleus après la rencontre.  

Les Bleus entrent parfaitement dans leur seconde période en inscrivant leur premier essai du match. Il est signé Thibaud Flament, deuxième ligne du Stade Toulousain avec une belle percée individuelle.
Test-match - le 1er essai international pour le Toulousain Thibaud Flament lors de sa première cape Les Bleus entrent parfaitement dans leur seconde période en inscrivant leur premier essai du match. Il est signé Thibaud Flament, deuxième ligne du Stade Toulousain avec une belle percée individuelle.

Flament, ouvreur reconverti deuxième ligne

Des séquences où l’on a pu admirer des qualités que tous ses coaches soulignent unanimement : mobilité, physique, vitesse, créativité. "L’an dernier, son match contre Brive m’a marqué. Il est allé sauter au-dessus des défenseurs pour passer avec le ballon", débute Pierre-Henry Broncan. L’actuel manager de Castres avait repéré Thibaud lorsqu’il entraînait Bath en Angleterre, avant de glisser un mot à Ugo Mola, le coach de Toulouse, et au staff du XV de France. "Il est capable d'un geste pareil car il n’a pas une culture rugby à la française ou à l’anglaise. Il n’est pas passé par les centres de formation ou les sélections dans les équipes de jeunes. Il peut tenter des choses que tu ne vois pas chez des joueurs un peu trop robotisés par le cursus classique. Il a cette fraîcheur-là, et comme c’est un ancien 10 de formation, il fait des gestes capables de surprendre ses adversaires, mais aussi ses partenaires", abonde-t-il.    

On peut se dire qu’avec son parcours atypique, ça aurait pu être compliqué de passer de l’arrière à l’avant, mais pas du tout. Le combat, il a ça dans la tête, dans le sang, c’est quelque chose qu’il doit tenir de son père. Cette agressivité, ce côté chien fou.

Kevin Paramore, entraîneur de Thibaud en U18 en Belgique

à franceinfo: sport

Car si Thibaud évolue désormais en deuxième-ligne, le numéro 4 floqué dans le dos, c’est au poste d’ouvreur qu’il a été formé. C’est à Bruxelles où il a déménagé à l’âge de 3 ans, pour suivre son père Éric, également rugbyman, qu'il a débuté le rugby à l’ASUB Rugby Waterloo. Un club où il a laissé un souvenir vivace. "Il jouait demi d’ouverture ou à l’arrière selon nos besoins, mais on commençait déjà à se poser la question de le faire jouer en deuxième ligne. Disons qu’il n’avait pas encore les kilos qui vont avec sa taille, il était tout fin", se remémore Kevin Paramore, son entraîneur en U18.

Thibaud Flament a réussi ses débuts avec le XV de France, samedi 6 novembre, contre l'Argentine. (ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP)

Son passage à l’avant n’étonne donc pas le Bruxellois, "fier" comme le reste du club, d’observer une telle trajectoire. "Je me souviens très précisémment d’un match en Géorgie où on arrive avec un effectif réduit, poursuit Kévin Paramore. Ils ont des gabarits impressionnants très jeunes les petits Géorgiens. Face à eux, beaucoup sont impressionnés. Les nôtres tombent comme des mouches et à côté il y avait Thibaud. Il a défendu comme un lion pendant 80 minutes, en plaquant très bas, dans les jambes, sans se plaindre. Si on n’a pas de mental, on ne devient jamais un bon rugbyman. Lui il l’a toujours eu", appuie-t-il.   

Un parcours atypique précieux

Outre ses qualités physiques et techniques, le Golgoth (2,03 m), a marqué dès son plus jeune âge par sa capacité d’écoute et sa vitesse d’apprentissage. "C’était un chouette gamin, très appliqué, réceptif aux consignes. Il n’y avait pas besoin de lui répéter plusieurs fois les choses, ça lui venait plutôt naturellement", relate Kevin Paramore. Une application qu’il n’a pas perdue au fil des années, au contraire. Une semaine après son arrivée à Toulouse, l’arrière international Thomas Ramos le qualifiait de "garçon sérieux et appliqué" qui "connaît déjà tous nos systèmes." 

"Il a une capacité d’écoute et de retranscription assez impressionnante, on sent que c’est un joueur qui n’a pas de temps à perdre. Tout ce que tu lui dis, il le prend, il le restitue. Il passe des paliers à chaque fois qu’il entre sur un terrain. C’est un joueur qui a un bel avenir devant lui."

Jean Bouilhou, entraîneur des avants au Stade Toulousain

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Preuve supplémentaire, s’il en fallait, le joueur de 24 ans tient un carnet qui le suit partout. "La formation à l’anglaise, c’est du carré, j’aime bien avoir mon petit carnet avec toutes les infos, toutes les combinaisons en touche, etc. Que ce soit au niveau du plan de jeu, de la prépa mentale, ça m’aide beaucoup, ça me permet d’arriver détendu et prêt à tout péter sur les matches", partageait-il sur France Bleu Occitanie il y a plusieurs mois. 

Une évolution dans l’approche mentale de sa pratique du rugby qui n’a pas échappé à son ancien entraîneur belge. "Il paraît plus détendu, moins emprunté, il a l'air de se lâcher plus qu’avant. C’est agréable à voir." Pour Pierre-Henry Broncan, ce changement est en partie lié à son baroudage de l’université de Loughborough en Angleterre, avant son passage en stage à l’ambassade de France en Argentine et au club Newman, puis à ses débuts en professionnel en Premiership chez les Wasps. "Thibaud a un cursus universitaire, il a vu autre chose, il n’a pas connu que le rugby, c’est pour ça qu’il a la tête froide. Pour lui, le rugby est un jeu. C’est aussi le prototype du rugbyman universitaire qu’on a perdu en France. Là-bas, les gamins s’entraînent tous les jours, leur emploi du temps est aménagé au maximum pour les accompagner. Les coaches sont très compétents, ce sont des professionels du rugby pas des profs d'EPS. Le rugby universitaire anglais, c'est notre ProD2." 

"Il est diplômé, il sait très bien qu’avec son bagage scolaire il pourra travailler plus tard. Il ne se dit pas ‘si je n’y arrive pas au rugby qu’est-ce que je vais faire ?' Donc il peut aborder des matches comme celui de l’Argentine en se disant 'je vais prendre un maximum de plaisir.'"

Pierre-Henry Broncan, entraîneur de Castres et proche de Thibaud Flament

à franceinfo: sport

Malgré toutes ces qualités, l’entraîneur du CO ne s’attendait pas à une éclosion aussi rapide de son protégé. "L’ascension est quand même fulgurante. Quand il est parti au Stade Toulousain, je ne pensais pas à l’équipe de France, même si j’avais eu très peur que les Anglais et Eddie Jones le sollicitent pour un match et après c’était fichu pour les Bleus. Même si, il est quand même à 2m03, il est athlétique, il va vite, avec des mains et un cerveau, il a toutes les caractéristiques du haut niveau", conclue-t-il.

Un destin d’ores et déjà pas comme les autres, qui l’aura mené loin de la France, pour revenir grandi et capable de s’imposer en quelques semaines comme titulaire indiscutable au Stade Toulousain avant de gratter -excusez-nous du peu- une coupe d’Europe et un bouclier de Brennus. La "flamme" évoquée par Fabien Galthié a permis à Flament de voir la vie en rose sous le maillot rouge et noir et de rêver d’un avenir que l’on espère aussi brillant sous la tunique bleue.  

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