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Toulon, l'heure de la reconnaissance

Le Rugby Club Toulonnais est depuis longtemps l’un des grands clubs de l’ovalie française. Mais il est aujourd’hui reconnu à sa juste valeur comme jamais auparavant. Après avoir cultivé son image de mal-aimé durant des décennies, le RCT des controversés Mourad Boudjellal et Bernard Laporte a réussi son pari : remporter des trophées et faire rêver les fans, de plus en plus nombreux à soutenir cette constellation de stars, cette invincible armada.
Article rédigé par Grégory Jouin
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
 

On compare souvent le Rugby Club Toulonnais à l’Olympique de Marseille. Même ferveur des supporters, même passion pour le sport qui grandit la ville, même histoire faite de (très) hauts et de bas. C’est oublié que l’OM possède des clubs de supporters partout en France depuis longtemps alors que le RCT a attendu ces dernières années pour commencer à vraiment être apprécié par les non-Provençaux.

Le RCT seul contre tous

Historiquement, le club de la Rade était respecté mais pas forcément aimé par beaucoup de fans. Un peu isolé dans le sud-est tandis que le sud-ouest vampirisait le rugby hexagonal avec de nombreux clubs phares (Toulouse, Agen Biarritz, Castres, Bordeaux-Bègles), le Ercété s’est construit en opposition au rugby français, un peu seul contre tous.

Même du temps de sa période phare de la fin des années 80, Toulon n’a curieusement compté que peu de titulaires durables au sein du XV de France, l’ancien 3e ligne Eric Champ faisant figure d’exception quelques années après la période Jérôme Gallion. A l’époque, la FFR présidée par Albert Ferrasse privilégiait clairement Agen et détestait les Rouge et Noir. Toulon était déjà trop exubérant, trop différent. Et les gros pardessus n’aimaient pas ceux qui sortaient du rang.

Club unique

Club singulier s’il en est, le RCT s’est forgé une âme au fil des années. Encore aujourd’hui, il aime cultiver cette particularité. A Mayol, les Mordus et autres Fadas se sont toujours davantage excités pour une grosse poussée en mêlée que pour un bel enchaînement de trois-quarts. Bomber le torse fait partie intégrante de la mentalité varoise. Cela fait partie du folklore local qui aime le verbe haut et les défis immenses.

Le challenge relevé par les Toulonnais ce samedi au Stade de France, le fameux doublé impossible, émane d’une politique loin de faire l’unanimité dans le très conservateur rugby tricolore : un recrutement onéreux de stars pour faire rêver les foules et pour gagner des titres. Si Toulon a disputé six finales ces trois dernières saisons*, il le doit en premier lieu à ses joueurs, extraordinaires au sens propre : Wilkinson, bien sûr, qui a tiré sa révérence en beauté, mais aussi Botha, Giteau, Hayman, Smith, Fernandez-Lobbe ou encore Williams.

Laporte-Boudjellal, duo de grandes gueules

Mais le tandem atypique composé de Bernard Laporte et Mourad Boudjellal a été plus que déterminant dans ce triomphe toulonnais. L’ancien coach du XV de France a parfaitement su amalgamer les stars de l’hémisphère Sud et les joueurs français, moins nombreux mais importants tout au long d’une saison à rallonge où il a bien fallu faire tourner et composer avec les blessures. Loin d’être un assemblage de mercenaires comme se plaisent à le dire leurs détracteurs, Toulon a formé une vraie équipe, unie et tendue vers un même objectif : la conquête d’un doublé Europe-France exceptionnel.

Modeste dans la victoire, Laporte a tenu à rendre hommage à l’autre homme clef de cette réussite admirable qui ravit beaucoup plus d’amateurs de rugby que prévu, partout en France. Je tiens à dédier cette victoire à Mourad Boudjellal. Il est allé chercher le club en ProD2 et il l’a relancé.

"C'est un  truc incroyable, a expliqué, très ému, le patron du RCT, véritable poil à gratter du rugby français**. Cette soirée-là je l'ai vécue 50.000 fois, comme un fantasme, un truc impossible... Et là t'as l'impression que tu la revis une 50.001e fois.  Je suis venu dans ce club pour changer son destin, et aujourd'hui, j'ai  l'impression d'avoir réussi, il est champion de France, il est champion d'Europe. Je suis Toulonnais, je l'ai fait pour ma ville, je m'étais juré, quand ça n'allait pas bien, de ramener le Brennus à Mayol. Rarement un titre a autant appartenu à une ville. Je suis très fier de ça. Moi, j’étais là en 1987 et en 1992. Beaucoup de jeunes vont rêver grâce à ce titre et ils s’en souviendront toute leur vie".  Beaucoup de minots qui ne viennent pas tous des bords de la Méditerranée, mais de partout. Le privilège des clubs rares.

*Le RCT a disputé six finales depuis 2012 : trois perdues (finale du Challenge européen en 2012, perdu 21-18 face à Biarritz, finale du Top 14 2012 perdue 18-12 contre Toulouse et finale du Top 14 2013 perdue devant Castres 19-14) et trois gagnées (finale de la H Cup 2013 gagnée 16-15 contre Clermont, finale de la H Cup remportée 23-6 devant les Saracens, et finale du Top 14 2014 gagnée 18-10 face à Castres).

**Mourad Boudjellal et, solidairement, le RCT ont été sanctionnés pour les propos du président du club qui avait déclaré le 8 janvier 2012 avoir vécu une "sodomie arbitrale" après la défaite (25-19) de son équipe à Clermont en Top 14. Il avait également été suspendu 130 jours par la Commission de discipline de la Ligue nationale de rugby (LNR). Bernard Laporte, de son côté, a écopé de 15 semaines de suspension pour des insultes visant l'arbitre Laurent Cardona après la défaite de Toulon (22-21) à domicile face à Grenoble en Top 14 le 4 janvier.

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