France-Irlande : nouveaux maestros, discipline, gestion des ballons hauts… Les clés du match d'ouverture du Tournoi des six nations

Des Bleus aux équilibres remaniés se présentent face au tenant du titre irlandais en ouverture du Tournoi, vendredi. Un succès permettrait d'impulser d'entrée une nouvelle dynamique après l'échec du Mondial.
Article rédigé par Justine Saint-Sevin
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6 min
Damian Penaud face à l'Irlande lors du Tournoi des six nations 2023, le 1er février 2023. (PAUL ELLIS / AFP)

Une certaine pression infuse ce match d'ouverture du Tournoi des six nations, prévu vendredi (21 heures sur France 2 et france.tv) à Marseille, entre la France et l'Irlande. Un choc entre deux bêtes blessées, avides de tourner la page d'une Coupe du monde décevante où elles ont pris la porte prématurément, elles qui rêvaient d'être couronnées. Car qui dit retrouvailles post-mondial, dit nouveau cycle, avec les incertitudes qui l'accompagnent. Et le besoin rapide de résultats, histoire de donner le ton.

"Le Tournoi des six nations, c'est toujours une forme de rentrée des classes : on n'a plus vu les joueurs depuis le 15 octobre. Il y a un peu le sentiment que c'est un nouveau début, un renouveau mais aussi la continuité de quatre années déjà passées", résumait le sélectionneur des Bleus, Fabien Galthié au début du rassemblement. Pour ce nouveau départ, il faut composer, de part et d'autre, avec des changements et des absences qui ont redessiné les clés menant à la victoire. 

Le duel inédit des charnières 

Jonathan Sexton (118 sélections) à la retraite, Antoine Dupont concentré sur la préparation des Jeux olympiques, Romain Ntamack toujours blessé… Ce sont de sacrés costumes que la relève devra enfiler pour orchestrer l'animation générale. De leur habileté à le faire découlera en partie le résultat de la rencontre. 

Côté Bleus, il faudra faire sans Dupont, meilleur joueur du monde en 2021, qui compose avec Ntamack la charnière la plus alignée de l'ère Galthié. La grave blessure du second a néanmoins propulsé Matthieu Jalibert comme titulaire lors du dernier Mondial. À 25 ans, le numéro 10 de l'UBB, en grande forme avec son club, en a profité pour assurer l'intérim, confirmant ses grandes qualités offensives et prouvant qu'il sait se faire, au besoin, plus gestionnaire. Le XV de France pourra s'appuyer sur les automatismes qu'il aiguise chaque week-end à l'Union Bordeaux-Bègles avec son demi de mêlée Maxime Lucu, étincelant lui aussi, et jusque-là suppléant de Dupont chez les Bleus. 

Le Tournoi des six nations débutera vendredi. L'Irlande affrontera une équipe de France plus motivée que jamais après leur élimination en quart de finale de Coupe de monde cet automne.
Une compétition mythique du ballon ovale qui perdure depuis plus de 140 ans.
Rugby : le XV de France ouvrir le Tournoi des six nations face à l'Irlande Le Tournoi des six nations débutera vendredi. L'Irlande affrontera une équipe de France plus motivée que jamais après leur élimination en quart de finale de Coupe de monde cet automne. Une compétition mythique du ballon ovale qui perdure depuis plus de 140 ans. (.)

Le vide à combler laissé par le talisman irlandais est tout autre. Le jeu était pensé pour et par lui. L'influence de Sexton fut telle qu'aucune doublure n'a su se démarquer, la faute à un temps de jeu très réduit. Brillant par séquences, mais encore inconstant avec le Munster, c'est Jack Crowley (24 ans, neuf sélections, seulement trois titularisations), qui héritera de cette responsabilité. À titre de comparaison, Matthieu Jalibert compte 30 sélections pour 18 titularisations.

La deuxième ligne, le cœur du combat

Partons du principe que l'Irlande privilégiera, malgré le départ de son maestro, son fameux jeu de possession : chaque phase de conquête sera précieuse. Les rares munitions devront être rugueusement protégées dans les airs en touche, comme au sol dans les rucks. Et il faudra sauter sur la moindre occasion de chiper le ballon. Une mission taillée pour les deuxièmes lignes autour desquelles les attentes techniques n'ont cessé de s'étoffer. 

Sauf qu'ici aussi, c'est l'incertitude. En raison des blessures du leader Thibaud Flament et d'Emmanuel Meafou dont le lancement était très attendu - le Toulousain dispose d'un profil rare par sa carrure aussi épaisse (145 kg) que mobile - les Bleus s'avancent avec une association inédite Willemse-Gabrillagues, bien moins expérimentée que leurs adversaires. Le premier (30 sélections), qui aurait participé au Mondial s'il n'avait pas été blessé, pourra guider le Parisien Paul Gabrillagues (16 sélections), lui qui n'avait plus été sélectionné depuis quatre ans. Son profil de l'ombre, travailleur rugueux dans les zones de combat, a motivé en partie sa titularisation.

Une histoire de discipline

Ne pas concéder plus de dix pénalités par match pour espérer la victoire, voici l'une des recommandations inlassablement répétées à toutes les équipes de rugby. La consigne est d'autant plus pertinente face à un collectif huilé comme celui du XV du Trèfle qui vampirise le ballon. Plus vous défendez, plus vos chances de faire des fautes croissent. "On va devoir être patients, choisir les bons rucks, ne pas se retrouver coincés sur les zones de plaquage. Ce sera un secteur très important", confiait d'ailleurs Jérôme Garcès, ancien arbitre international et désormais membre du staff, à L'Equipe le 27 janvier.

Pas de cadeau pour les buteurs donc, même si Jonathan Sexton (1108 points en sélection) n'est plus là. "Sexton n’est pas remplaçable, il leur a marqué tellement de points, avec une régularité et une longévité exceptionnelles, souligne notre consultant France Télévisions, Dimitri Yachvili. Là où Sexton était efficace c’était dans son aura, dans l’emprise qu’il avait sur les autres joueurs, et sa régularité sur le jeu au pied, les tirs au but. On sait que le rôle du buteur est majeur pour le résultat d’une équipe."

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Six Nations : Grégory Alldritt nommé capitaine des Bleus . (.)

Jérôme Garcès n'a guère envie de vérifier si le successeur de Jonathan Sexton est aussi efficace face aux perches que son illustre aîné. Il espère surtout que ses troupes se garderont de rééditer la contre-performance de l'édition passée. Malgré la victoire finale, les Bleus s'étaient mis en difficulté lors de leur entrée en lice contre l'Italie en étant pénalisés... 28 fois ! Le troisième ligne centre et nouveau capitaine Grégory Alldritt, bilingue par ses origines écossaises, aura aussi son rôle à jouer. Le Rochelais devra assurer le lien le plus efficace possible avec le corps arbitral pour déterminer au plus vite ses attentes.

Alerte ballons hauts

Comme la plupart des équipes anglo-saxonnes, mais avec une précision plus létale que d'autres, l'Irlande a fait des jeux au pied de pression l'une de ses armes favorites. Quitte à se débarrasser du ballon, autant que cela soit fait de façon à pousser l'adversaire à la faute pour le récupérer derechef dans un duel aérien ou dans le ruck qui suit. Manque de pot, il s'agit du talon d'Achille de la formation tricolore, que les cafouillages en quarts de finale du Mondial ont remis en lumière.

"On a vu quelques situations qui nous ont fait défaut sur ce match-là et qu'on aurait pu améliorer avec deux-trois changements. On se serait moins exposé, c'est surtout ça. On travaille aujourd'hui pour limiter les situations périlleuses où on se met en danger", livrait sans nommer le troisième ligne François Cros avant la rencontre. La titularisation du puissant Yoram Moefana sur l'aile au détriment du feu follet plus léger Louis Bielle-Biarrey, en difficulté sous ces ballons contre l'Afrique du Sud, est une façon d'apporter de la solidité pour répondre à ces duels. Bonne nouvelle pour les Tricolores : les Irlandais ne pourront pas s'appuyer sur l'un de leurs meilleurs receveurs, Mack Hansen, forfait pour le Tournoi.

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