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Covid au sein du XV de France : "On est dans le cas du variant britannique", indique le professeur et conseiller de la FFR Éric Caumes

Le XV de France, et donc le Tournoi des Six Nations, ne sont pas “sortis d’affaire” selon Éric Caumes. Chef du service d’infectiologie à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière et membre de la commission médicale de la Fédération française de rugby (FFR), le médecin estime qu’il sera difficile de casser la chaîne de contamination qui a conduit au report de France-Ecosse. Variant britannique, quatorzaine, contamination par un joueur du “7”, il fait le point sur un sujet qui fait trembler jusqu’aux JO de cet été.
Article rédigé par franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
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Paris: Eric Caumes, chef du service des maladies infectieuses. (RETMEN/SIPA)

Vous avez fait des recommandations au XV de France. Que leur avez-vous dit ?
Éric Caumes : "Je leur ai recommandé des choses qui n’étaient pas recommandables (rires). Je leur ai recommandé d’éviter de s’entraîner en groupe jusqu’au match et je leur avais initialement recommandé de ne pas jouer le match contre l’Écosse. Quand on a discuté de la reprise des entraînements, j’avais mis un warning en disant ‘Attention aux entraînements collectifs parce que si jamais il y en a un qui se révèle positif cela va être compliqué’. Mais les impératifs du sport de haut niveau, c’est qu’il faut pouvoir s’entraîner de manière collective avant un match de cette importance."

Pour quelles raisons cela ne vous semblait-il pas recommandable de jouer le match ?
ÉC : "Je suis parti du principe qu’avec deux personnes positives dans l’encadrement des Bleus lundi (15 février), elles étaient potentiellement contagieuses dimanche (14 février) et potentiellement, tout le groupe avait été exposé soit pendant le match contre l’Irlande, soit dans les vestiaires, soit pendant le dîner d’après-match, soit dans l’avion pour rentrer en France. Je leur avais dit qu’il pouvait y avoir des cas qui allaient se déclarer pendant 14 jours après le contact."

Il y a-t-il eu un non-respect du protocole ?
ÉC : "La situation est compliquée. Sport et Covid c’est compliqué. Vous avez vu ce qu’il s’est passé à l’Open d’Australie. Les Australiens ont fait tout ce qu’il fallait pour respecter la quarantaine pendant 14 jours et malgré tout ils ont quand même eu un problème dans un hôtel. Là, les Bleus ont appliqué la procédure exactement comme il fallait mais malheureusement il y a un joueur qui s’est glissé entre les gouttes, c’est-à-dire qui avait un test PCR négatif mais qui était dans la période d’incubation."

Savez-vous de quel joueur il s’agit ?
ÉC : "Oui, je le sais. C’est un joueur de rugby à sept et cela s’est passé en fin de semaine dernière lors d’un entraînement."

Pour vous cela ne relève pas d’une imprudence ?
ÉC : "Non, cela ne relève pas d’une imprudence. Cela relève d’une tentative de concilier les impératifs du sport de haut niveau avec les impératifs du virus et malheureusement les choses ne sont pas complètement compatibles parce qu’il est difficile de maintenir les gens 14 jours en quarantaine avant de les faire rentrer dans une bulle qui soit sécurisée. Ce qui a été décidé c’est que les gens rentrent dans les bulles uniquement s’ils ont été testés négatifs mais le problème c’est que s’ils sont en incubation, ils peuvent être testés négatifs et être positifs 48 heures plus tard. C’est ce qu’il s’est passé et c’est comme ça que le virus est entré dans la bulle."

Était-ce une fatalité ?
ÉC : "En quelque sorte, c’est une fatalité sauf si vous voulez imposer des quarantaines de 14 jours avant de rentrer dans la bulle. C’est la seule manière pour que les bulles soient totalement efficaces, totalement étanches. Dans des équipes de compétition c’est impossible à faire. Ça a été fait pour l’Open d’Australie mais vous ne pouvez pas répéter ça tous les week-ends pour un match de rugby, c'est impossible. On oublie trop souvent que la période d’incubation du virus est de 14 jours maximum et non 7 jours maximum et cela est très difficilement compatible avec le sport de haut niveau."

Le Tournoi des Six Nations est-il potentiellement terminé pour l’équipe de France ?
ÉC : "Non."

Combien de temps est nécessaire pour mettre fin à ce "cluster" et revenir à la normale ?
ÉC : "C’est compliqué. Il faut espérer que le dernier joueur qui ait été identifié positif n’était pas contagieux. On est contagieux deux jours avant l'apparition des symptômes donc la personne qui a été testée positive hier soir était négative les deux jours précédents. C’est diabolique. Il y a des protocoles qui ont été écrits par le protocole des Six Nations et qui disent 7 jours mais cela a été allongé à 10 jours parce qu’on est dans le cas du variant britannique."

Par rapport à la réalité médicale, pour sécuriser tout le monde, combien de temps est-il vraiment nécessaire ? Après sept jours, le Tournoi pourra reprendre mais est-ce que cela garantit qu’il ne va plus y avoir de cas positifs ?
ÉC : "Malheureusement non. Le risque zéro n’existe pas. Ils vont être extrêmement prudents mais le risque zéro n’existe pas."

Comment on explique que cela se soit passé aujourd’hui et pas à l’automne ?
ÉC : "Ça circulait moins à l’époque, ce n’était pas le variant britannique."

Vous seriez conseiller médical de l’équipe d’Écosse, que leur auriez-vous dit lorsque le match était maintenu ?
ÉC : "Heureusement, je ne suis pas conseiller de l’équipe d’Écosse (Rires). J’ai assisté aux discussions, les Écossais avaient envie de le jouer, et je pense honnêtement qu’il ne leur est pas venu à l’esprit de ne pas le jouer ce match."

Qu’est ce que cela vous inspire en vue de l’Euro de football et des Jeux olympiques ?
ÉC : "Je pense qu’il faut les maintenir. Il faut se baser sur le principe des bulles sanitaires exactement comme à l’Open d’Australie. La bulle peut être en France ou au Japon, si on pense aux JO, même si je pense que cela serait plus raisonnable qu’elle soit au Japon. D’abord parce que les Japonais sont rigoureux et de plus cela permettra de gérer le décalage horaire. Il faut mettre les équipes en quarantaine pendant 14 jours avant qu’elles ne rentrent aux JO (le CIO prévoit une arrivée cinq jours avant le début de la compétition) et à l’Euro de football. Si cela est respecté, il n’y aura pas de problèmes. Ce n’est pas très compliqué à organiser, c’est juste une histoire de volonté politique et sportive mais il faut être très rigoureux."

Propos recueillis par Thierry Vildary, Cécile Sauzay, avec Jean-Baptiste Lautier.

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