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Les supporters de rugby sont-ils des pigeons ?

Le taux de remplissage du Mondial de rugby, événement le plus cher du monde, frôle les 95%. Vous avez dit "vache à lait" ? 

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Trois supporters de l'équipe de France avant la finale du Mondial 2011 qui opposait les Bleus aux All Blacks, à Auckland (Nouvelle-Zélande), le 23 octobre 2011. (WILLIAM WEST / AFP)

"Too big to miss it !" Trop gros pour rater ça. C'est le slogan de la Coupe du monde de rugby, qui débute vendredi 18 septembre en Angleterre avec le match entre le pays hôte et les Fidji. Trop gros, sûrement. Trop cher, également. Les prix des billets ont atteint des sommets, faisant de l'événement sportif le plus cher de tous les temps pour les supporters, relève une étude du Daily Mail. Avec une place moyenne à 142 euros, la Coupe du monde anglaise écrase la concurrence. Le précédent record était détenu... par le dernier Mondial de rugby en Nouvelle-Zélande. Les instances du rugby ne prendraient-elles pas les supporters pour des vaches à lait ?

Des prix multipliés par dix en huit ans

Quand ils ont découvert le prix des billets pour la Coupe du monde de rugby, de nombreux supporters ont remisé leurs espoirs au vestiaire. Ben, un supporter anglais qui avait vu Australie-Angleterre lors du Mondial 2007, en France, moyennant 25 euros, le regrette. "Aujourd'hui, voir un tel match coûtera dix fois plus." Jonathan, qui avait assisté à la rencontre Australie-Roumanie en 1999 en Angleterre pour 12 livres sterling (environ 16 euros), se veut fataliste : "Les temps ont changé." Verre à moitié plein : les organisateurs assurent que 200 000 des 2,4 millions de tickets vendus sont à moins de 10 euros. Verre à moitié vide : plus de la moitié des billets excèdent 100 livres (près de 140 euros). Prix d'entrée pour les gros matchs, comme France-Italie : 70 euros minimum pour un siège en haut de la tribune. N'espérez pas décrypter les combinaisons de la mêlée bleue à ce tarif. Juste voir quelques points de couleurs s'agiter sur le rectangle vert. 

Comment expliquer une telle hausse ? Les coupables sont nombreux. A commencer par World Rugby, la fédération internationale. La Coupe du monde est sa principale source de financement pour les quatre ans à venir. Résultat : la somme réclamée au pays hôte pour l'organisation de l'événement a grimpé de 75 à 110 millions d'euros en quatre ans. "Quand on passe de la Nouvelle-Zélande à l'Angleterre, on doit monter en gamme", s'est justifié Brett Gosper, le président de World Rugby, cité par Bloomberg.

Et pourtant, un taux de remplissage de 95%

En 2011, la Coupe du monde n'avait pas généré assez d'argent pour payer la facture, et c'est le gouvernement néo-zélandais qui avait couvert les pertes. En Angleterre, hors de question pour David Cameron de régler la note. Le surcoût est donc amorti par les supporters. "On est dans une compétition où dominent les pays du Commonwealth, qui ont une relation différente au prix du billet que chez nous", remarque l'économiste du sport Vincent Chaudel. L'illustration la plus frappante, ce sont les hordes de supporters venus d'Océanie – 80 000 d'après le cabinet Ernst & Young – prêts à dépenser plus de 10 000 euros pour suivre leur équipe tout au long de la compétition. Et ce malgré les tarifs usuraires pratiqués par les hôteliers ou les particuliers : 1 500 livres la semaine (2 043 euros) pour un studio, c'est le tarif moyen pratiqué aux abords du stade de Twickenham, rapporte le Telegraph.

Le quart de finale du Mondial de rugby 2003 France-Irlande disputé devant des tribunes désertes, à Melbourne (Australie), le 8 novembre 2003. (WILLIAM WEST / AFP)

Tarifs exorbitants ou pas, les organisateurs annoncent un taux de remplissage proche de 95%. Les images des rangées de sièges vides pour les quarts de finale du Mondial australien de 2003, à Melbourne, ne devraient pas se reproduire. Le rugby est-il victime de son positionnement marketing sur les CSP + ? "La sociologie du rugby s'est construite en miroir de celle du foot, avec lequel le ballon ovale se compare sans cesse, note Vincent Chaudel. En forçant le trait, on dirait que le rugby se positionne sur le qualitatif, et le foot sur le quantitatif." Avec des supporters plus disposés à faire du chemin pour assister aux grands événements. "Prenez un match de rugby des Bleus au Stade de France, vous avez toute la France qui monte à Paris. C'est moins vrai pour un match de l'équipe nationale de football, où le public reste en grande majorité régional."

Tout le monde veut sa part du (gros) gâteau

Il n'y a pas que le prix du billet qui a augmenté. Tous les acteurs ont cherché à obtenir une plus grande part du gâteau. Les organisateurs anglais qui ont cherché à faire des bénéfices, contrairement à ceux du Mondial en France, où la priorité était d'offrir des tarifs raisonnables. Les équipes nationales ont réclamé plus d'argent – les Néo-Zélandais ont même menacé de boycotter le Mondial –, ce qui leur a été accordé. Du coup, la fédération internationale a cherché à gonfler les droits télé et ouvert grand les vannes aux sponsors.

Discrets il y a douze ans dans la Coupe du monde en Australie, omniprésents aujourd'hui. Les joueurs ont ainsi interdiction de communiquer sur les réseaux sociaux pour des sponsors différents de ceux du Mondial. Ce qui est vite arrivé sur un selfie de groupe où un joueur arbore un téléphone portable d'une autre marque que celle qui a payé pour être associée à l'événement. N'est-ce pas, Fulgence Ouedraogo ? 

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