Coupe du monde de rugby : pourquoi certains joueurs ont-ils les oreilles en "chou-fleur" ?
Il se dit dans le rugby que celles de Marc de Rougemont étaient les plus impressionnantes. Francetv info s'est penché sur les "oreilles en chou-fleur", cette déformation dont souffrent certains rugbymen.
C'est l'un des attributs les plus emblématiques des joueurs de rugby : l'oreille en chou-fleur. Boursouflée, déformée, elle est souvent l'apanage des avants. "C'est ce que je déteste le plus dans le fait d'être rugbyman", expliquait à la BBC (en anglais) le talonneur du XV de la Rose, Phil Greening, en février 2003.
Le chou-fleur, dont on pourra admirer de beaux spécimens pendant la Coupe du monde, fascine pourtant beaucoup de supporters. Mais d'où vient-il, exactement ? Francetv info s'est penché sur la question.
Une oreille "boursouflée" ou qui semble avoir été "grignotée par un lapin"
L'othématome, le nom scientifique de cette déformation, est courant dans les sports de contact. "Il est dû à un hématome qui se produit à l'intérieur du pavillon de l'oreille, après un choc direct violent, explique à francetv info Nicolas Barizien, ancien médecin fédéral au Centre national du rugby de Marcoussis (Essonne) et chef du service de médecine du sport à l'hôpital Foch de Suresnes (Hauts-de-Seine). Le problème, c'est qu'hématome et cartilage de l'oreille ne font pas bon ménage."
Si le choc se répète, le sang finit par dissoudre le cartilage. "Au lieu d'être une poche de liquide, l'hématome se mélange alors avec le cartilage et se tuméfie", poursuit Nicolas Barizien. Résultat, soit l'oreille devient "grosse" et "boursouflée", soit elle s'affine "jusqu'à avoir l'air grignotée par un lapin".
Tous les joueurs peuvent développer un othématome, s'ils reçoivent un coup de coude, de tête ou de genou au niveau de l'oreille. Les joueurs de première ligne "sont plus souvent touchés, car ils risquent en outre d'avoir les oreilles pliées dans la mêlée", note toutefois Nicolas Barizien.
"Szarzewski est naturellement protégé parce qu'il a de petites oreilles"
Pour éviter les bleus aux oreilles, de nombreux joueurs se protègent avec des bandes d'Elastoplast, comme le talonneur des Bleus, Guilhem Guirado. D'autres optent pour le casque, à l'image du capitaine de l'équipe de France, Thierry Dusautoir. Des solutions certes peu esthétiques sur le terrain, mais qui évitent l'apparition d'othématomes.
Et le talonneur Dimitri Szarzewski, dont les oreilles sont épargnées alors qu'il ne porte ni bandeau ni casque ? Est-il sauvé par son impressionnante crinière blonde ? "Dimitri Szarzewski a de la chance : il est naturellement protégé parce qu'il a de petites oreilles, confie Nicolas Barizien. Les joueurs qui ont de plus grands pavillons ont plus de risques d'être affectés."
La ponction ou les sangsues pour évacuer le sang
Ceux qui ne sont pas aussi chanceux que Dimitri Szarzewski ou prudents que Thierry Dusautoir n'ont qu'un court laps de temps après le choc pour éviter l'othématome. Durant les quelques jours où le bleu se forme, tant que le sang est encore liquide, un médecin peut le ponctionner avec une aiguille puis poser un pansement compressif.
Pour éviter cette opération désagréable, l'Anglais Dave Attwood a eu recours à une solution plus originale, rapporte le Daily Mail (en anglais) : une sangsue. Le deuxième ligne de Bath a posté des photos de lui sur Twitter, avec le petit animal acroché à son oreille, comme une limace sur un chou.
Anyone ever cured a cauliflower ear with leeches? @bathrugby @davidflatman pic.twitter.com/f8pg8OkFW0
— Dave Attwood (@Dmjattwood) 8 Décembre 2014
Une pratique peu courante, selon Nicolas Barizien. "Ce n'est pas une idée absurde, puisque cela permet d'éliminer l'hématome et sans doute de calmer la douleur plus rapidement, sourit l'ancien médecin de la FFR. Mais on n'utilise pas de sangsues en France !"
Un risque rare pour le conduit auditif
Les ponctions sont toutefois inutiles si l'hématome a déjà commencé à s'enkyster. La plupart des oreilles en chou-fleur continuent donc de pousser, au fil des années et des chocs. Si le phénomène n'a normalement aucun impact sur la santé, certains cas nécessitent une intervention chirurgicale. "Cela ne concerne que les hématomes situés près du conduit auditif, explique Nicolas Barizien. Le gonflement risque en effet de le boucher et de provoquer des problèmes d'audition."
Certains joueurs ont aussi recours à la chirurgie après leur reconversion, pour des raisons esthétiques cette fois. Une opération "assez complexe" permet de redonner au pavillon "une forme plus régulière", selon Nicolas Barizien.
"En fin de carrière, c'est toute la façade que je vais me faire refaire : les oreilles bien sûr, mais aussi le nez et les dents", avait ainsi promis Marc de Rougemont, dont les oreilles sont sans doute les plus célèbres du rugby français, à Libération. Mais, en regardant cet entretien donné au Rugby Club Toulonnais en mai, il semblerait qu'il ne soit pas encore passé sur le billard.
"Les choux-fleurs font partie des lettres de noblesse du rugby"
Si les jeunes générations sont entraînées dès l'école de rugby à porter un casque ou un bandeau, la plupart des joueurs portent leurs boursouflures avec fierté. "Certains considèrent que les choux-fleurs font partie des lettres de noblesse du rugby, au même titre que le nez cassé", estime Nicolas Barizien.
Cette déformation plaît d'ailleurs en dehors des terrains, selon le Guardian (en anglais). Cauliflower Ears propose depuis un an des prothèses, fabriquées à partir de moulages d'oreilles de rugbymen ou de lutteurs. Difficile de savoir si la compagnie américaine a fait fortune avec cette idée, mais plusieurs clients ravis postent des photos de leur achat sur Twitter. De quoi préserver son pavillon, tout en étant (presque) aussi impressionnant que Marc de Rougemont.
@RondaRousey for president #2016 pic.twitter.com/ZybnQ90cQW
— Cauliflower Ears (@MMA_Ears) 3 Août 2015
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