Cet article date de plus de neuf ans.

Coupe du monde de rugby : les forces en présence

Coup d'envoi ce vendredi de la huitième édition de la Coupe du monde de rugby en Angleterre. 20 équipes vont se disputer le titre, détenu par la Nouvelle-Zélande. Les All Blacks font figure d'ultra-favoris, devant l'Angleterre, l'Irlande et la France, qui espère au moins rééditer la finale de 2011. France Info vous propose un tour complet des équipes en lice.
Article rédigé par Grégoire Lecalot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 14min
  (Le mythique stade de Twickenham, qui verra le premier coup de pied de la coupe du monde de rugby 2015, avec Angleterre-Fidji à 20h. © Reuters / Henry Browne)

Poule A : deux fauteuils pour trois

L'immense Sergio Leone aurait adoré ce groupe, dont la situation n'est pas sans rappeler la scène finale du film Le bon, la brute et le truand : deux cowboys survivront à ce duel à trois. Car entre l'Angleterre, l'Australie et le Pays de Galles, la poule A hérite du titre de "groupe de la mort", au niveau très relevé. A cela il faut ajouter que les Fidji ne sont pas précisément là pour faire du remplissage : vainqueurs de la Coupe des nations du Pacifique, ils complètent ce tableau. Leur qualification serait une grande surprise, mais ils ne seront pas un adversaire à offrir les points de bonus offensif aux trois favoris. En face de ces "commonwealth killers", l'Uruguay risque de sentir le vent des boulets.

Le premier d'entre eux est bien-sûr l'Angleterre. At home , le XV de la Rose est électrisé par son public, toujours amateur, et ne fait pas mystère de viser le triomphe, qu'il ajouterait volontiers à celui de 2003. Stuart Lancaster, le sélectionneur, est le premier à y croire. "Le talent et le caractère du groupe " devrait constituer le troisième pilier de la victoire anglaise, estime-t-il. Sa deuxième place au tournoi des Six nations lui donne des peintures de guerre impressionnantes.

  (Les Anglais à l'entraînement à Pennyhill Park. James Haskell et Rob Webber commentant une prestation de Joe Marler.  © Reuters / Henry Browne)

Sauf qu'une équipe, un vieil adversaire, those we love to hate , s'est chargé de porter le doute au coeur de la rose : les Français. Lors du match de préparation à Saint-Denis le 22 août, les Anglais se sont montrés en dessous de leur niveau, comme s'ils n'étaient pas dans leurs maillots, incapables de prendre possession du ballon. Depuis ce match, les Anglais savent qu'il y a une faille dans leur système, qu'un Mr. Hyde en crampons peut surgir et rendre méconnaissable cette - presque - invincible armada.

Les Anglais ne seront pas les seuls à jouer à domicile, puisque le pays de Galles va accueillir les matches contre les Fidji et l'Urugay au Millennium Stadium de Cardiff. Bien que favoris, les Gallois auront fort à faire notamment contre les Fidji car leur préparation s'est plutôt mal terminée avec deux blessures face à l'Italie : Stephen Halfpenny, Toulonnais en championnat et grand buteur, et le demi de mêlée Rhys Webb. La perte de ces deux cadres laisse un vide dans la sélection, qui devra trouver les ressources nécessaires pour y pallier, notamment le 26 septembre à Twickenham, pour un derby très attendu contre l'Angleterre.

A LIRE AUSSI : ►►► De fortes retombées économiques attendues pour le Mondial de rugby

Dans cette mêlée, l'Australie est incertaine, inconstante. Tout comme pour l'Afrique du Sud (Groupe B), le moral de l'équipe est fragilisé par des pressions extra-sportives : la démission d'Ewen McKenzie, le sélectionneur, qui a jeté l'éponge après une affaire extra-conjugale présumée, qui a fait couler beaucoup trop d'encre à son goût. A ce volet people s'ajoute la déprime financière d'un sport qui peine à trouver sa place en Australie, concurrencé par le rugby à XIII ou le cricket et ne remplit pas ses stades. Les joueurs quant à eux, ne résistent pas aux sirènes des championnats japonais ou français, plus rémunérateurs. Difficile dans ces conditions de créer un équipage wallaby soudé et stable. Les résultats en sont le reflet, avec de brillantes envolées, glorieuses même, avec la victoire au Four Nations issue d'un succès face aux All Blacks... et d'un autre côté, un cuisant retour de bâton (de boomerang ?) face à ces mêmes Blacks une semaine après. Alors quelle Australie va s'aligner ? Les hommes de Michael Cheika cultivent le suspense.

Poule B : tout est ouvert... derrière les Springboks

  (Les Australiens cet été à Auckland. Un goût de défaite qu'ils espèrent conjurer.  © REUTERS / Nigel Marple)

L'équipe sud-africaine avait besoin de tout, sauf d'une ouverture en fanfare. Elle peut se considérer comme chanceuse. Dans la poule B, ils font figure de renard et ils auront donc droit à un tour de chauffe bien nécessaire après des mois difficiles. La défaite à domicile de juillet face à l'Argentine est le plus gros coup de tabac subi par les hommes d'Heyneke Meyer, mais pas le seul. Le championnat Four Nations a été un long bol de bouillon amer : trois matches perdus... sur trois. Et leur succès ultérieur à Buenos Aires n'a pas totalement effacé l'affront : la prestation a été victorieuse, mais n'a pas montré non plus une équipe au mieux de sa forme. La défense, surtout, a fait l'objet de nombreuses critiques.

A cela il faut ajouter un très lourd contexte, avec des accusations de racisme à l'encontre du sélectionneur. Meyer est accusé de reconduire systématiquement une équipe de joueurs blancs au détriment de joueurs noirs confirmés. Se défendant de ces accusations, Meyer a appelé neuf joueurs noirs dans l'équipe "mondialiste", un record, mais il en a rarement aligné plus de quatre à la fois. Le puissant syndicat Cosatu a alourdi la balance en affirmant que des joueurs noirs s'étaient plaints anonymement de discriminations.

Mais les Boks, même déprimés, alignent une telle machine qu'il est difficile d'imaginer une des équipes du groupe B, au palmarès plus léger, leur résister. C'est l'un des XV le plus capés de l'histoire du rugby sud-africain qui va s'aligner, avec neuf champions du monde de 2007. Certains revenant certes de blessure, comme le capitaine, Jean de Villiers ou Fourie du Preez. Une équipe solide qui vise officiellement à ramener un troisième titre à la maison, de quoi étouffer les polémiques. Et ce début de compétition en douceur pourrait leur permettre de garder des forces, avant de tomber sur une des équipes du "groupe de la mort", la poule A, avec l'Angleterre, l'Australie ou le Pays de Galles en quart de finale.

Les premiers à faire face aux Boks seront les Japonais, qui nourrissent de grands espoirs dans ce groupe très ouvert. D'autant que le pays va accueillir la prochaine Coupe du monde en 2019. Face à eux, les Ecossais espèrent s'en sortir, dans la foulée d'une préparation encourageante. Mais la cuiller de bois du Tournoi des six nations montre que l'équipe reste fragile. Une configuration qui rendra chaque match intéressant dans le groupe.

Poule C : un boulevard pour les Blacks 

  (Les All Blacks brandissant la Bledisloe cup, un derby australo-néo-zélandais, à Auckland cet été. © REUTERS/Nigel Marple)

Vue d'ici, le tableau de la poule C a des airs d'apéritif pour les Néo-Zélandais. Aucune équipe ne semble en mesure d'arrêter le train blindé des All Blacks. Même les Pumas, sur le papier, n'ont pas les griffes assez tranchantes. Le calendrier ne laissera pas beaucoup de suspense, puisque les deux équipes se retrouveront aux prises dès le 20 septembre, en ouverture des festivités pour la poule C. Certes, sur un terrain, les Argentins savent faire parler la hargne, mais la sélection encore un peu jeune, ne semble pas en mesure de dominer les double champions du monde, dont l'objectif est le titre, ni plus ni moins. Et avec seulement trois défaites au compteur depuis leur dernière palme, ils ont les moyens de leur ambition.

Du côté des Pumas, l'objectif affiché est la demi-finale, comme en 2007. Et eux aussi en ont les moyens. La calamiteuse année 2014 - où un match nul faisait figure de bonne nouvelle - est digérée, comme l'a montré la victoire sur l'Afrique du Sud à Durban cet été. Mais la seconde place de la poule leur sera disputée par d'autres représentants d'une île du Pacifique sud : les Tonga. Tombeurs de la France en 2011, ils alignent quelques beaux bébés, qui font les belles heures des championnats anglais et français. L'Oyonnaxien Vainikolo ou l'ancien Bayonnais passé au Leicester tigers Opeti Fonua, un des joueurs les plus lourds du monde, constituent des avantages certains sur le terrain. 

Et s'ils passent les poules, les Argentins pourraient retrouver en quarts la France ou l'Irlande, favorites de la poule D. Deux formations qu'ils ont déjà croquées.

Poule D : pour le meilleur et pour le pire, impossible n'est pas français

  (Yoann Maestri célébrant un point lors d'un match contre l'Italie au Tournoi des six nations, en mars dernier. © REUTERS /Stefano Rellandini)

"Il faut y aller avec l'enthousiasme d'un premier de la classe, une envie et une détermination incroyables. Il n'y a pas de frein à main, de limites à avoir ". Pas de doute, Philippe Saint-André tient là un langage qui fait plaisir. Qui se plaindra que les Bleus aient des couleurs, de l'enthousiasme et du plaisir à revendre ? Certainement pas leurs supporters qui n'attendent que ça pour vibrer. L'objectif du sélectionneur est clair : "gagner la Coupe du monde ", un point c'est tout. La haie d'honneur de 200 personnes qui les attendaient à leur premier entraînement en terre anglaise aura certainement mis un peu plus de carburant dans la mécanique. Et au point presse, la presse... se presse. Et finalement, la pression monte. Cette pression que le groupe devra gérer, comptant parmi les grands favoris. Et qui constitue un vieil écueil pour les Français. Entrant en lice dès samedi contre l'Italie, les joueurs n'auront pas longtemps à savoir s'ils sont en mesure de le passer.

L'avis d'un supporter de l'équipe de France de rugby : Didier Deschamps

Tant mieux si le moral est élevé, car les résultats posent pour le moins question. Cette Coupe de monde s'ouvre en effet sur trois ans de marasme pour les Bleus de Saint-André : 16 victoires, deux nuls et... 21 défaites. Aucun titre au Tournoi des six nations entre cette Coupe du monde et la dernière, ce qui n'était encore jamais arrivé. La France a même pointé bonne dernière en 2013. La Nouvelle-Zélande, l'Afrique du Sud, le Pays de Galles ont battu les Bleus à chaque rencontre. Deux nuls ont été arrachés à l'Irlande sur quatre matches. Des succès ont été enregistrés contre l'Angleterre ou l'Australie. Encadrement incertain, changements d'hommes permanents, blessures à répétition, carences techniques, défense parfois flageolante. Alors pourquoi pavoiser ?

C'est que pour la première fois dans un calendrier bourré à craquer par les championnats et les obligations de l'équipe de France, les joueurs ont pu bénéficier de deux mois pleins de préparation, un luxe qui, espère le sélectionneur, permettra de travailler au physique et à la technique. Un premier résultat pourrait être cette belle victoire il y a deux semaines contre l'Angleterre (25-20) : maîtrise du ballon et envolées ont montré une équipe de France des grands jours. Ceux où elle semble voler et briller dans la joie. Mais le dernier test-match contre l'Ecosse a un peu douché l'enthousiasme, avec une prestation victorieuse, mais médiocre.

 

  (Le sélectionneur, Philippe Saint-André, espère que deux mois d'entraînement consécutifs sortiront l'équipe de la spirale des résultats déprimants qu'elle connaît depuis le dernier Mondial. © REUTERS/ Andrew Boyers)

Philippe Saint-André, le doigt sur le pouls de son équipe, la juge par ailleurs arrivée à maturité. Après le mondial néo-zélandais, de nombreux cadres ont pris leur retraite, comme Yachvili, Harinordoquy, Rougerie ou Nallet. Une nouvelle génération s'est forgée dans la douleur : Maestri, Fofana, Slimani ou Ben Arous. Et l'heure est venue pour elle, espère le meneur de jeu.

Et puis la Coupe du monde est LA compétition où la France fait peur. Que ceux qui en doutent aillent demander aux All Blacks, battus en 1999 et en 2007 par des Français présumés au bout du rouleau. Sans parler de l'incroyable finale de 2011, remportée d'un petit point par la Nouvelle-Zélande dans un Eden Park transformé en chaudron, à l'issue d'une compétition où les Bleus s'étaient attirés les qualificatifs les moins flatteurs. 

A LIRE AUSSI : 

►►► Les Bleus ont reçu leurs "caps"

►►► XV de France : un tweet à 10.000 euros ?

Sachant donc qu'un accident peut arriver avant, il est toutefois probable que la messe dans ce groupe D se dira le 11 octobre au Millennium Stadium, sur l'air d'un France-Irlande alléchant. Et le vainqueur gagnera non seulement la place d'honneur, mais aussi le droit de ne pas rencontrer le premier de la poule C en quart de finale, selon toute vraisemblance néo-zélandais. Et dans ce mano a mano, l'Irlande se présente en grande puissance du rugby européen, avec deux années dynamiques, couronnées notamment par deux victoires consécutives au Tournoi des six nations. Le jeu irlandais est désormais bien rôdé et l'équipe à pleine maturité, menée par un Jonathan Sexton omniprésent. En face de ce bon bilan, un constat : les Irlandais n'ont jamais dépassé un quart de finale en Coupe du monde. De quoi donner faim et soif au XV au trèfle.

Face à ces deux cylindrées, l'Italie tentera le difficile défi de la qualification. Mais elle relèverait de l'exploit au vu de ses résultats : 18 défaites sur 20 matches, dont un très dur 48-7 le 29 août dernier face à l'Ecosse. Il faut ajouter à cela,  une semaine de grève des joueurs pour des questions de primes et deux ouvreurs de 22 et 23 ans, la sélection paraît donc fragile. La Roumanie quant à elle affiche moins d'ambitions mais peut-être un jeu de fond plus stable. Pour sa huitième Coupe du monde, elle espère simplement se montrer un adversaire coriace et à la hauteur. Elle a déjà gagné côté esprit sportif.

 

  (© ide)

 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.