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Christelle Chobet, pilier du XV de France et amoureuse "irraisonnée" du rugby

Le XV de France féminin s'apprête à affronter l'Australie, samedi 9 août. Son pilier droit est une jeune ambulancière de 28 ans.

Article rédigé par Marie-Violette Bernard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Christelle Chobet participe à un entraînement avec le XV de France féminin, le 15 juillet 2014, lors d'un stage de préparation à Saint-Laurent-de-Cerdans (Pyrénées-Orientales). (MAXPPP)

Si le XV de France féminin continue sa série de victoires, comme mardi 5 août contre l'Afrique du Sud (55-3), on entendra peut-être la trompette de Christelle Chobet résonner dans les vestiaires. "Elle n’en joue plus aujourd’hui, mais à l’époque, c’était la troubadour de nos troisièmes mi-temps", se rappelle Marie Sempéré, ancienne internationale et coéquipère de la jeune femme à Perpignan. "Ma trompette est un peu à l’abandon, confirme le pilier de l’équipe de France, qui a fêté ses 28 ans en avril. Il faut croire que je suis devenue sérieuse."

Le sérieux, un trait de caractère nécessaire en cette période de Coupe du monde. "Christelle est concentrée, elle a fait beaucoup d’efforts pour répondre aux exigences de l’équipe de France, raconte Jean-François Lombard, président du RC Lons (Pyrénées-Atlantiques), où la joueuse évolue depuis trois saisons. C'est aujourd’hui une des meilleures rugbywomen au monde."

Mener deux carrières de front

Christelle Chobet a chaussé les crampons pour la première fois à 15 ans, lors d’une séance d’initiation au lycée, et ne les a plus jamais quittés. "J’aime l’état d’esprit du rugby, la solidarité qui existe entre les joueuses", explique la jeune femme originaire de Narbonne. "Ses copines jouaient au rugby, nous [ses frères] aussi, ça a dû lui donner des idées", ajoute son frère Sébastien, rugbyman professionnel évoluant lui aussi au poste de pilier.

Christelle Chobet intègre, en 2007, l'USA Perpignan, qui évolue en Top 10, l’élite du rugby féminin. Elle enchaîne en parallèle les petits boulots, notamment au service espaces verts de la mairie de Pollestres (Pyrénées-Orientales), pour payer ses factures. Car Christelle Chobet est amatrice : même à très haut niveau, les rugbywomen ne bénéficient pas du statut de professionnelles.

Lorsqu’elle s’engage en 2011 avec le RC Lons, après six mois de négociations, les perspectives d’emploi pèsent donc lourd dans la balance. "L’ancien vice-président, Bruno Biscaycacu, l’a convaincue de venir en lui proposant une formation d’ambulancière dans une de ses sociétés", explique Jean-François Lombard. Une situation rare dans un milieu où les joueuses sacrifient parfois leur plan de carrière au profit de leur recrutement en club. "Je comprends son choix : il est capital d’avoir une stabilité financière en parallèle de notre vie sur les terrains", approuve Marie Sempéré.

“Ce n’est pas évident d’avoir une vie de famille”

Le quotidien de Christelle Chobet n’est pas plus facile pour autant : elle parcourt les routes de la région de Pau dans son ambulance 45 heures par semaine et s'entraîne chaque soir au rugby. "Nous avons trois entraînements hebdomadaires d’environ 1h30, en groupe, détaille l’ancien entraîneur du XV féminin du RC Lons, Patrice Estecahandy. Christelle s’astreint en plus à des séances individuelles de technique et de musculation, pour être au niveau pour l’équipe de France."

Soit six à dix heures sur les terrains chaque semaine, auxquelles s’ajoutent les matchs le week-end ainsi que les stages de préparation et les rencontres avec le XV de France. Et le temps libre dans tout ça ? "On n'en a pas beaucoup, donc ce n’est pas évident d’avoir une ‘troisième vie’, de famille cette fois, à côté, témoigne Christelle Chobet, célibataire. Mais c’est un rythme à prendre…"

"Le plus dur est de gérer la fatigue, en particulier le lundi matin, après avoir disputé un match et passé des heures dans le bus", poursuit-elle. Pour son frère Sébastien, les rugbymen ont plus de facilité de ce point de vue. "Nous avons des phases de repos, alors que les filles enchaînent travail, entraînements et récupération… Leurs journées sont très longues !"

Mais le pilier ne se décourage jamais. "Elle a une grande force de caractère", affirme Nadège Casenave, sa coéquipière à Lons. Le club des Pyrénées-Atlantiques compte plusieurs internationales, qui "se sont mutuellement motivées" dans les mois précédant la Coupe du monde. "Le reste de l’équipe les soutient aussi, mais nous avons plus un regard admiratif", ajoute la numéro 10.

Un contrat négocié pour vivre sa passion

Christelle Chobet ne perçoit aucune rémunération au RC Lons, club entièrement bénévole, pour compléter son salaire de 1 300 euros. La situation est différente en équipe de France, où le pilier reçoit un dédommagement de 129 euros par jour, plus une prime si les Bleues se qualifient pour les phases finales de la Coupe du monde. La Fédération française de rugby (FFR), contactée par francetv info, a refusé d’en communiquer le montant.

Contrairement à d’autres joueuses, la jeune femme bénéficie en outre d’un contrat négocié avec la FFR. "Je peux participer aux stages et aux matchs avec les Bleues sans avoir à prendre des jours de congés, explique Christelle Chobet. En contrepartie, la Fédération et le ministère de la Jeunesse et des Sports reversent à mon employeur de quoi me trouver un remplaçant."

De l'ambition à revendre

Mais quelle est la motivation pour mener deux carrières de front ? "Christelle, comme toutes les rugbywomen, porte un amour irraisonné au rugby", sourit Jean-François Lombard. "Ce n’est pas toujours évident, mais on retire beaucoup de ce sport, confirme Christelle Chobet, connue pour être le boute-en-train de l’équipe. On vit de belles choses et on rencontre des gens qui nous resteront chers."

Après tant de sacrifices pour intégrer les Bleues, Christelle Chobet a de l’ambition à revendre. "Nous voulons aller le plus loin possible et pourquoi pas remporter le titre, déclare-t-elle. Sur le plan personnel, je veux juste avoir du temps de jeu, surtout après avoir failli passer à la trappe en me blessant durant un des matchs de préparation."

Beaucoup de spectateurs se disent impressionnés par l'intensité de certains placages. Même si le rugby féminin est moins "rude" que celui joué par les hommes, il n'est pas rare pour les joueuses de sortir du terrain un peu amochées. "J'ai raté le Tournoi des six nations au printemps, après m'être cassé trois côtes durant un match", raconte la brune de 1,68 m pour 93 kilos de muscle. "On est prêtes pour ça et pour les remarques des machos, martèle Marie SempéréSi nous faisons du rugby, c'est parce que nous sommes des femmes de caractère." Les deux rugbywomen espèrent que la Coupe du monde donnera envie à d’autres filles, quel que soit leur gabarit, de se mettre à ce sport encore méconnu en France.

"C'est bizarre de voir l'intérêt qu'on nous porte"

D’autant que la compétition crée un engouement sans précédent autour du rugby féminin. Depuis le début du tournoi le 1er août, les rencontres se jouent à guichets fermés au Centre national du rugby de Marcoussis (Essonne). Dans les tribunes comme sur les réseaux sociaux, les spectateurs ne tarissent pas de louanges sur le jeu fluide des Bleues. "C’est bizarre de voir tout l’intérêt que les médias et le public nous portent, avoue Christelle Chobet. La FFR nous avait prévenues, mais nous ne pensions pas que ça prendrait une telle ampleur." 

Et l’après-rugby ? Christelle Chobet n’y pense pas encore. "Je ne suis pas dans le même cas de figure que les rugbymen professionnels : j’ai déjà un métier", souligne le pilier. Même s'il ne s'agira pas d'une reconversion à proprement parler, la fin de sa carrière rugbystique nécessitera un certain temps d’adaptation. "Je vais devoir me trouver d’autres hobbies, comme les voyages, ou bien revenir vers la musique… sourit-elle. Avec tout ce temps libre, il va falloir improviser !"

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