Cet article date de plus d'onze ans.

Aucun joueur français dans le onze du PSG, et alors ?

Et si on profitait de la composition d'équipe de Laurent Blanc pour démolir quelques idées reçues sur les étrangers dans le sport ?

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Zlatan Ibrahimovic, l'attaquant du PSG, fête son but contre Lyon le 1er décembre 2013, avec son coéquipier Marco Verratti sur les épaules.  (JEAN MARIE HERVIO / DPPI MEDIA / AFP)

Jamais un club français n'avait débuté une rencontre avec une équipe à 100% étrangère jusqu'au dimanche 1er décembre, quand le PSG a défié l'Olympique lyonnais en alignant quatre Brésiliens, trois Italiens, un Suédois, un Néerlandais, un Argentin et un Uruguayen. Ce qui lui a bien réussi, puisque le club de la capitale s'est imposé 4-0. Encore une conséquence de l'argent qui coule à flots des poches des mécènes du foot-business ? Stooooop ! Il n'est pas trop tard pour battre en brèche les idées reçues sur le sujet.

Les équipes 100% étrangères sont un phénomène récent

Faux. Les mercenaires du sport, ces joueurs qu'on arrache à leur famille dès 12 ans pour les enfermer dans un centre de formation à des milliers de kilomètres de chez eux dans l'espoir qu'ils percent, ne seraient-ils que des purs produits du foot-business actuel ? Pas tout à fait. Lors de la préhistoire du foot, les Ecossais avaient la cote. Dans le championnat d'Angleterre, on s'arrachait littéralement les joueurs des Highlands. Jugez plutôt : en 1883, le onze de Burnley comportait neuf Ecossais quand Preston North End en alignait dix, rappelle l'historien du football David Goldblatt dans The Ball is Round (en anglais). Pour atteindre un tel niveau en France, il faut attendre le PSG de Carlo Ancelotti, en 2012-2013.

Seuls les gros clubs n'alignent que des étrangers

Faux. La saison passée, le club de Turnhout, en 3e division belge, a aligné un onze 100% égyptien. Le patron du club, le magnat égyptien Maged Samy, a eu l'idée de prêter l'intégralité de l'effectif du club qu'il possède au Caire pour aider l'équipe belge à se maintenir, en profitant de l'arrêt du championnat local après la catastrophe de Port-Saïd"Cela peut surprendre, en effet, mais c'est tout à fait permis parce qu'il n'y a pas de limites de nationalité", expliquait à la RTBF Stefaan Van Loock, de l'Union belge de football.

Dans les années 1990, l'équipe de Beveren, toujours en Belgique, était entièrement composée d'Ivoiriens en provenance de l'ASEC Mimosas, qui trouvaient là une occasion de se frotter au haut niveau européen. Des joueurs comme Yaya Touré, désormais à Manchester City, ou Emmanuel Éboué, qui a fait les beaux jours d'Arsenal, sont passés par ce club basé à Abidjan.

Les équipes 100% étrangères, ça n'existe pas en France

Faux. L'étude Legisport Sport et Nationalités (PDF) montre qu'en France, c'est dans le championnat de volley-ball féminin que le taux d'étrangers est le plus élevé (52% des joueuses). Dans les meilleures équipes, c'est bien plus : le RC Cannes, qui règne sur le championnat depuis onze ans, n'aligne qu'une Française dans son équipe-type. Il s'agit de Victoria Ravva, d'origine géorgienne et qui doit sa double nationalité à son long bail sur le territoire national. 

La joie des volleyeuses du RC Cannes, après leur victoire en finale de la Coupe de France, le 17 avril 2011. (MAXPPP)

Les équipes 100% étrangères sont de la faute de l'UE

Pas tout à fait. Jusqu'en 1995, les clubs de foot européens n'avaient droit qu'à trois joueurs étrangers maximum. Jusqu'à ce que l'arrêt Bosman abolisse les frontières pour les joueurs communautaires. L'arrêt Malaja, fin 2002, étendra cette liberté de circulation à une centaine de pays dans le monde. "A l'époque, le président de Sochaux, Jean-Claude Plessis, avait prédit l'arrivée massive de 'charters de joueurs polonais'. Presque les mêmes termes que le fameux 'plombier polonais' du débat sur la Constitution européenne", rappelle Michel Pautot, l'avocat de la basketteuse Lilia Malaja, contacté par francetv info.

Ce n'est pas (encore) arrivé dans le foot. L'UEFA a mis en place une restriction pour les clubs participant aux coupes d'Europe de foot : sur les 25 joueurs inscrits pour prendre part à la compétition, huit doivent avoir été "formés localement". L'Espagnol Cesc Fabregas, arrivé à Arsenal à 16 ans, ne comptait pas comme un étranger dans l'effectif du club londonien. Ce qui n'empêche pas le PSG, par exemple, de laisser ces joueurs sur le banc ou dans les tribunes pour les gros matchs de Ligue des champions. En 2011, le quotidien britannique The Independent se faisait l'écho d'un projet de 9+9, neuf joueurs sur les dix-huit de la feuille de match formés localement. Sans avancée concrète pour l'instant.

Trop d'étrangers dans les clubs nuit à l'équipe nationale

Faux. Une croyance tenace veut que, quand l'équipe de France va mal, c'est la faute des joueurs étrangers qui prennent leur place dans le championnat français. "Ce n'est quand même pas la faute de Jonny Wilkinson [l'ouvreur vedette du RC Toulon] si le XV de France a perdu contre les All Blacks, résume Michel Pautot. Les critiques vis-à-vis du trop grand nombre de joueurs étrangers se produisent toujours quand l'équipe nationale perd. Le sportif étranger fait figure de bouc-émissaire." 

Les chiffres sont là : en 2011, quand la bande à Thierry Dusautoir échoue d'un rien en finale de la Coupe du monde, le Top 14 compte 43% d'étrangers, et ça ne gêne personne. Après un Tournoi des six nations 2013 calamiteux, le taux est retombé à 40%. Pourtant, le nombre d'étrangers dans l'élite redevient un problème.

L'élite du rugby français a voté l'obligation pour les clubs de compter une majorité de joueurs issus de la formation française (Jiff) dans leurs rangs. Ce qui crée une inflation démesurée des salaires, rendant les joueurs étrangers bien moins chers ! Beaucoup de clubs se mettent à former des joueurs pour rentrer dans les statistiques… et ensuite les laisser sur le banc. "Au rugby, on passe son temps à compter les Français et les étrangers", regrette le président toulonnais, Mourad Boudjellal, dans La Dépêche.

Les équipes bourrées d'étrangers dégoûtent les fans

Faux. Le débat pour imposer des quotas n'existe pas qu'en France. En Angleterre, en octobre dernier, le président de la fédération a proposé d'en instaurer. Et ce en réaction à une étude montrant que les joueurs anglais n'ont plus que 30% du temps de jeu en Premier League, chiffre historiquement bas. L'ancien joueur de Newcastle David Ginola a approuvé : "Quand votre équipe gagne le championnat ou une coupe avec sept ou huit joueurs nationaux, vous êtes heureux, a-t-il estimé, cité par BT Sport. Quand vous gagnez un trophée avec onze étrangers… Je ne vois pas l'intérêt !"

Eric Cantona, sous les couleurs de Manchester United, argumente avec un arbitre, lors d'un match contre Sheffield, le 26 décembre 1992.  (BOB THOMAS / GETTY IMAGES)

Est-ce si vrai ? La deuxième division anglaise a, elle, imposé un quota de joueurs étrangers dès 2008, pensant que la Premier League allait suivre. Erreur. "Nous avons le meilleur championnat du monde, on devrait s'en féliciter au lieu de le dénigrer", a répliqué Sir Alex Ferguson, le légendaire entraîneur de Manchester United, dans le Guardian (en anglais) en 2008. Les fans, eux, ont choisi leur camp, équipe d'étrangers ou pas. La Premier League n'a jamais été autant suivie dans le monde. Et les joueurs étrangers n'ont rien à envier aux locaux en termes de cote d'amour. N'oubliez pas que les fans de Manchester United ont élu Eric Cantona, un froggy, comme meilleur joueur de l'histoire du club, devant David Beckham ou Ryan Giggs, pourtant symboles de la génération dorée de United. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.