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Rufin, de nouveau prêt au combat

Guillaume Rufin avait été l'une des révélations de l'année 2009, rentrant en une saison dans les 200 premiers joueurs mondiaux en ayant débuté l'année au-delà de la millième place. Mais une opération de la hanche en 2010 l'a plongé dans l'inactivité tennistique. Désormais 250e mondial, à presque 21 ans, avec une invitation pour le tableau final en poche, il compte reprendre le bon chemin, avec son entraîneur Emmanuel Planque, qui raconte cette période délicate.
Article rédigé par Grégory Jouin
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8min
 

- Si on se fie à ses derniers résultats, et notamment deux victoires en Futur au Chili, Guillaume Rufin va bien...
- "C'était la reprise après son opération de la hanche le 17 décembre à la Salpétrière, avec le Dr Laude. Il trainait cela depuis Marseille, en février 2010. La saison a été compliquée avec cette blessure, car il a arrêté à Marseille, repris en mai pratiquement pour les qualifications de Roland-Garros. Il a eu mal toute l'année, toute la saison. On a dû se rendre à l'évidence en voyant des spécialistes en fin d'année: on ne pouvait plus continuer comme ça. Il ne pouvait pas envisager une carrière de haut niveau avec une hanche en si mauvais état. Il avait une mal-formation au niveau de la tête du fémur, qu'il a fallu raboter. Il y a eu une longue phase de convalescence, de rééducation, de retour à l'entraînement très progressif physiquement puis de tennis. Il est revenu d'abord en double, en Espagne, à la date anniversaire de son opération le 17 mars, puis on est parti au Chili, sur des Futurs, avec trois tournois dont deux qu'il a gagnés. C'était des tournois de 3e catégorie, mais c'était comme ça qu'il fallait reprendre. Ca lui a fait beaucoup de bien et il a pu enchaîner avec les qualifs d'un Challengeur à Prague, où il a encore gagné des matches, et la semaine dernière à Nice où il a pu se qualifier. Les choses avancent à leur rythme. Ce problème à la hanche est définitivement derrière lui, maintenant il faut retrouver un bon niveau, des repères, des sensations. Ca revient tranquillement, même un peu plus vite que prévu car sur les 16 derniers mois, il a pratiquement arrêté 12 mois. Dans la carrière d'un jeune joueur, ça compte, car il est encore en phase d'apprentissage. Cela s'est ajouté au retard qu'il avait déjà, avec son parcours un peu différent de celui des autres. Il a commencé très tard, il a vraiment débuté sa carrière en juniors, il n'est pas passé par les différents pôles. Les choses s'étaient passées très vite avec sa très bonne année 2008, la meilleure progression française de tous les temps en 2009 en passant de 1150 à 170e mondial, en gagnant des Futurs, des Challengeurs. On pensait que 2010 se passerait aussi bien, puisqu'il avait débuté avec une qualification en Australie, quarts à Marseille pour son premier Grand Prix. Ca a été un sacré coup d'arrêt, et une leçon pour nous."

- Comment avez-vous vécu cette période tous les deux ?
- "On a eu beaucoup de chance car le chirurgien et son équipe ont été très positifs, très optimistes. Ils nous ont rassurés en nous disant que c'était une blessure qu'ils connaissaient, qu'elle était prise tôt, le cartilage n'était pas abimé donc pas de risque d'arthrose. C'était juste un problème mécanique, né d'une malformation. On a été mis en confiance. Il a été opéré le vendredi, le lundi il était sur le vélo. C'était très important, toutes ces petites victoires du quotidien: quitter les béquilles, commencer à marcher plus vite, à faire du vélo plus longtemps, à trottiner... Quand il a repris la raquette dans les mains, même sans bouger, il n'était plus en phase de convalescence, mais de réathlétisation. Il n'a pas ressenti de douleur, donc il a pu rejouer avec intensité, sans arrière pensée. Et puis, dans ces hôpitaux, on voit d'autres pathologies, bien plus importantes, et cela permet de relativiser. Quand les choses avancent aussi vite, on se figure que c'est parti, qu'il est sur une super dynamique, que la demie en Grand Chelem est pour demain. On ne prend pas le temps de regarder ce qui se passe à côté, et la vie te le rappelle. Ca fera partie de son histoire. On a pris toutes les précautions en consultant des spécialistes qui avaient opéré Kuerten, Haas, Hewitt... Tout le monde, au vue des rapports d'IRM, a eu le même diagnostique, ce qui nous a rassuré. Il a pris la décision, et il n'a pas mis trop de temps à la prendre. Il a été très rigoureux et très déterminé dans sa convalescence. On est sorti de cette période là. Maintenant, il reprend le cours de sa carrière. Et il est aidé par la Fédération, qui lui fait confiance en lui donnant une wild-card et qui a toujours été là après son opération. C'est important pour un joueur de sentir qu'il n'est pas hors circuit. C’est cet environnement positif qui permet aussi que les blessures cicatrisent un peu plus vite. C’est la fin de cette histoire là."

- A-t-il changé avec cette blessure ?
- "C’est cruel car pour certains, une blessure peut être salutaire, car ils ne comprennent pas la chance qu’ils ont. Lui, il avait déjà cette forme de maturité, cette forme de respect pour son métier. C’est cruel car il n’avait pas besoin de ça, pas besoin de ça pour se rendre compte de la chance qu’il a de faire ce métier. Est-ce que cela lui a apporté des choses ? Aujourd’hui c’est encore trop tôt pour le dire. Cela fera partie de sa carrière, de son vécu, de son expérience. La période où on a visité les médecins, il ne fréquentait plus les courts ni les salles de musculation mais les cabinets médicaux, à coups d’IRM, de scanner, de radios. Mais maintenant, la hanche est complètement oubliée"

- Recevoir une wild-card à Roland-Garros, est-ce une chance ou une pression de plus pour en être à la hauteur ?
- "L’année dernière, il avait été question de prendre une wild-card. On en avait discuté, et on était tombé d’accord pour se dire que ce n’était pas raisonnable, qu’il n’était pas prêt à jouer au meilleur des cinq sets. Il n’était pas question d’y aller sans être prêt, en ayant peur du tirage. Il est donc passé par les qualifs, et il n’était pas prêt pour elles, ce qui justifiait notre décision. Il a joué le double, ils ont gagné deux matches, ils mènent un set et break contre les futurs vainqueurs Nestor-Zimonjic. Ca a été positif. Mais cette année, on est dans la performance, ce n’est pas une wild-card au rabais, ils ne nous l’ont pas donné par pitié. Il est prêt à jouer, il s’est entraîné, il a fait des matches, il joue bien. Il a le niveau, donc on y va. S’il ne l’avait pas, blessé ou pas, il n’aurait pas eu d’invitation, et ça aurait été normal. On est dans le plus grand tournoi sur terre-battue du monde, il y a 128 joueurs, les meilleurs du monde, il faut s’en montrer digne. L’idée est de jouer sa carte à fond, d’y aller, quelque soit son adversaire, d’être ambitieux. On a des garanties, des certitudes sur son niveau de forme, sur sa hanche, sur son état physique. Il reprend le cours normal de sa carrière. La blessure ne constitue pas du tout une excuse, quelque chose derrière laquelle on va s’abriter s’il ne joue pas bien. Il n’est plus blessé, il est prêt à combattre."

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