Cet article date de plus de dix ans.

Ronaldo/Zlatan : la diva et la rock star

Tantôt exaspérants, souvent géniaux, Ibrahimovic et Cristiano Ronaldo, qui s'affrontent ce soir pour le compte des barrages de la Coupe du Monde 2014, ne laissent personne indifférent. S'ils se ressemblent sur certains points, les deux nominés au ballon d'or se désunissent lorsqu'il est question de leurs objectifs, ou de leur façon de concevoir le foot. Explications.
Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6 min
Ronaldo versus CR7 ! (? RUBEN SPRICH / REUTERS / X00265)

Le hasard fait parfois mal les choses. Zlatan Ibrahimovic et Cristiano Ronaldo, dont les prestations récentes laissent pantois les observateurs et les acteurs du ballon rond, s'affrontent ce soir dans le premier acte d'un combat "à mort", ou en tout cas, d'une lutte acharnée à l'issue de laquelle il n'en restera qu'un. A la différence que le perdant ne mordra pas la poussière, mais regardera simplement la Coupe du Monde au Brésil depuis son canapé. Mais le duel Zlatan/CR7, c'est aussi une rivalité entre deux très gros caractériels. Si le charisme et la franchise outrancière du premier tétanisent et intimident, les lubies narcissiques et l'obsession de la performance individuelle du second agacent. Portrait croisé de deux joueurs unis dans l'arrogance, et longtemps animés par une volonté de revanche.

Leur parcours : deux stars façonnées dans la pauvreté

Communément qualifié d'enfant gâté, Cristiano Ronaldo est pourtant issu d'une famille pauvre de quatre enfants. Originaire de Funchal sur l'Ile de Madère, le jeune prodige rejoint Lisbonne et le centre de formation d'Alcochete à l'âge de 11 ans. Ses six saisons au Sporting Lisbonne sont sportivement excellentes, mais ponctuées - du moins à ses débuts - de quelques épisodes malheureux. Impulsif et colérique, "la petite abeille" (son surnom à Lisbonne car irrattrapable par ses coéquipiers du Sporting) ne supporte pas de vivre loin de sa famille, et prend vite la mouche lorsque que l'on se moque de son accent madèrois (l'un de ses professeurs en fit les frais, recevant une chaise en pleine figure). S'il s'est endurci, l'actuel attaquant du Real Madrid reste un écorché vif.

L'enfance de Zlatan Ibrahimovic n'a pas non plus été un modèle de tranquillité. Et pour cause : le Suédois a grandi à Rosengart, une cité qui jouxte le centre de Malmö connue en Suède pour être le pire ghetto du pays. Le quartier est composé à 86% d’étrangers, et doit faire face à la montée du nationalisme, au rejet, aux soucis d'intégration. "D’où il vient, il faut être dur, sinon tu te fais manger", explique l’un de ses premiers entraîneurs à nos confrères du 10 Sport. Là est sans doute la principale donnée clivante avec le passé de Cristiano Ronaldo : au contraire de son rival portugais, Zlatan Ibrahimovic s'est façonné dans le conflit et la violence. D'ailleurs, lorsqu'il signe son premier contrat avec le club de Malmö, et qu'il est confronté à des petits "footeux" de bonne famille, "Ibra", fils d'un père bosnien et musulman, est très vite la cible de propos racistes et discriminatoires. Pourtant, il ne les encaisse pas. Alors, il se défend comme il peut, souvent avec les mots (gros), parfois avec les mains. Aujourd'hui, il s'est calmé. Mais son côté sauvage, forgé dans ses racines, ne le quittera probablement jamais.

Le style de jeu : Perfection vs Création

Au cours des sept derniers matches qu'ils ont disputés, "Ibra" et CR7 ont respectivement marqué 12 et 13 buts toutes compétitions confondues, dont un triplé chacun le week-end dernier (contre Nice pour le Paris, et la Real Sociedad pour le Madrilène). Mais outre des statistiques ahurissantes, les deux joueurs ne se ressemblent en rien sur le terrain. S'il est le footballeur complet par excellence, Cristiano Ronaldo est une machine, l'athlète parfait, capable de courir plusieurs dizaines de kilomètres sans jamais tutoyer l'essoufflement. Toutefois, à l'inverse de Messi, l'ancien du Sporting a besoin d'être en mouvement pour créer la différence. "Zlatan", lui, dégage une certaine nonchalance, et renvoie même une impression de lourdeur quand il court après le ballon. Mais lorsqu'il met le pied sur le cuir, le géant suédois se mue en joueur créatif capable de mêler finesse, vitesse d'exécution et puissance. Le Taekwendo, qu'il a pratiqué plus jeune (ceinture noire à 17 ans) lui permet de "planter" des buts incroyables, de balancer des coups de pied aériens en équerre. Notons qu'il peut lever son pied à 1m66 du sol, soit la taille de Lionel Messi, qui de fait, lui arrive à la cheville. Au sens propre. 

Le caractère : unis dans l'arrogance mais...

S'il y a bien un trait de caractère que ces deux monstres ont en commun, c'est l'orgueil. Zlatan Ibrahimovic et Cristiano Ronaldo affichent une fierté outrancière, souvent méprisante envers leurs adversaires ou concurrents. Lorsque le Suédois débarque à Paris en 2012, il n'hésite pas à déclarer en conférence de presse :"Zlatan ne connait pas la Ligue 1, mais la Ligue 1" connaît Zlatan". La couleur est annoncée. Sur le terrain aussi, l'ancien Barcelonais a été accusé à maintes reprises de vouloir faire peur à ses adversaires :"Ibrahimovic ? Il essaie d'intimider et joue beaucoup avec l'arbitre", déclare le défenseur Brestois Kantari, au terme d'une rencontre entre le club breton et le Paris Saint-Germain. En témoignent également ses grimaces récurrentes dirigées à l'encontre des hommes en jaune, ou des joueurs adverses. Et puis, Zlatan transpire la désinvolture. Les critiques, les attaques verbales ne semblent avoir aucune prise sur lui, comme s'il était persuadé d'être le plus fort, comme si ses détracteurs ne méritaient même pas d'être écoutés.

Chez Ronaldo, l'arrogance se décline sous une autre forme : moins ostentatoire, elle est perceptible dans son style de jeu. Longtemps dépeint comme un joueur ultra-individualiste, l'ancien du Sporting, a peu à peu compris la nécessité de jouer en équipe et s'appuie désormais sur ses coéquipiers pour briller. Mais CR7 n'accepte pas pour autant la critique. En octobre dernier, quand Sepp Blatter, président de la FIFA, se prononce publiquement en faveur de Lionel Messi pour le Ballon d'or, égratignant au passage l'image de l'attaquant du Real Madrid ("Messi est un bon garçon. C’est un homme bien. L’autre est comme un commandant sur le terrain...l’un dépense plus que l’autre chez le coiffeur...Messi a ma préférence"), Ronaldo se vexe et rétorque :"cela montre clairement le respect et la considération de la FIFA, pour moi, pour mon club et mon pays. Beaucoup de choses s'expliquent désormais… Je souhaite à M. Blatter la santé et une longue vie, avec la certitude qu'il continuera, comme il le mérite, à assister aux succès de ses équipes et joueurs favoris". Zlatan aurait-il répondu ? Pas sûr.

Les objectifs : L'un vise le ballon d'or, l'autre en est obsédé

C'est vrai, Cristiano Ronaldo est un sacré poissard. Ne remporter "qu'une seule fois" le ballon d'or en "plantant" une cinquantaine de buts par saison, ça relève du surréaliste. Le souci, c'est que CR7 est issu de la même génération qu'un joueur un peu plus fort que lui : Lionel Messi. Depuis quatre ans, l'ancien Mancunien mérite de rafler le précieux sésame, mais simplement, le meneur barcelonais le mérite un peu plus. A chaque fois. Sa réaction aux propos de Blatter n'est que la démonstration de sa frustration croissante... Quant à Zlatan, il fait preuve d'une humilité étonnante sur le coup : " Bien sûr que j'aimerais gagner le ballon d'or" déclare t-il sur la chaîne Bein Sport. "Mais Messi est bien placé, Ribéry a fait une année fantastique et Ronaldo est toujours bon. Je suis content je jouer à ma façon et j'essaie de m'améliorer".

La double confrontation entre Zlatan Ibrahimovic et Cristiano Ronaldo ne sera pas décisive en vue de la nomination du Ballon d'Or. Rappelons que les votes qui attribuent le précieux sésame au meilleur joueur de l'année seront clos ce vendredi, date de la première rencontre entre la Suède et le Portugal. Mais l'enjeu n'en reste pas moins important : car au fond, qu'il y a t-il de plus beau qu'une coupe du monde ? Et puis, un grand joueur pense à long terme. Ronaldo et Ibrahimovic savent bien que le lauréat du prochain ballon d'or en 2014 aura forcément été l'auteur d'une belle compétition au Brésil.

Vidéo: Zlatan et ses coéquipiers préparent le choc 

Les autres matches :

Ukraine - France

Grèce - Roumanie

Islande - Croatie

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.