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Réhaussement de la taxe Buffet : "un tour de passe-passe budgétaire" pour le député Régis Juanico

Adopté lundi à l'Assemblée nationale, un amendement permet de réhausser le plafonnement de la taxe sur les droits TV et faire gagner 10 millions d'euros au budget de l'ANS (Agence Nationale du Sport). Mais pour Régis Juanico, député Génération. s de la Loire, membre du conseil d'administration de l'ANS et ancien rapporteur spécial des crédits du Sport, cette mesure n'est pas suffisante pour faire face à l'ampleur de la crise qui secoue le monde du sport.
Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
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Régis Juanico, député Génération.s de la Loire (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Vous demandez depuis longtemps un déplafonnement de la taxe Buffet. C'est chose faite depuis ce lundi. Etes-vous satisfait ?
Régis Juanico :
"Pas vraiment. Il y a un gros problème concernant le réhaussement du plafond de la taxe. Aucune analyse précise n'a été réalisée sur les effets que va avoir la crise sanitaire sur le rendement de la taxe Buffet. On dit que cette taxe va rapporter 74 millions d'euros, mais c'est un chiffre théorique. Il ne prend pas du tout les reports et les annulations de compétitions d'un côté, ni les difficultés sur certains gros contrats de droits de diffusions (Mediapro, qui a obtenu les droits de diffusion de la Ligue 1 et de la Ligue 2 pour près de 800 millions d'euros ne serait pas dans la capacité de payer, ndlr). Cette estimation du rendement de la taxe sur droits les télévisées n'est pas une ressource financière sûre."

Vous avez déposé à plusieurs reprises des amendements pour augmenter le plafond des deux autres taxes affectées au sport (celle sur les paris sportifs, et celle sur les jeux hors paris sportifs de la FDJ, ndlr), mais ils ont toujours été rejetés. Pourquoi serait-il plus judicieux d'agir sur ces deux taxes-là ?
RJ
 : "Parce qu'elles pourraient rapporter beaucoup plus au budget du sport. Le plafonnement pour les jeux, hors paris sportifs, est de 71 millions d'euros, alors que le rendement de cette taxe en 2020 était de 218 millions d'euros. C'est-à-dire que seulement 32% de cette taxe revient au sport, le reste va dans les caisses de l'Etat. Pour les paris sportifs c'est encore pire. Sur les 111 millions d'euros qu'ils rapportent chaque année, seulement 34 millions d'euros reviennent au financement du sport, soit à peine 30% du rendement total. Pourtant il y a vraiment une piste à exploiter sur cette taxe puisqu'en cinq ans son rendement a augmenté de 200%. Mais la part de la taxe accordée au budget du sport reste bloquée à 34 millions depuis 2018. L'Etat est le grand gagnant dans l'histoire. Ce qu'il faudrait vraiment, c'est un rééquilibrage dans la part des taxes accordée au sport. L'intégralité de la taxe Buffet ira dorénavant au financement du sport, mais les taux des deux autres taxes sont trop faibles."

Cette hausse du plafonnement de la taxe Buffet à 74 millions ne serait donc qu'un effet d'annonce selon vous ?
RJ
 : "Les parlementaires avaient mal digéré le revirement de situation qui a eu lieu en 2018. Un amendement avait adopté pour augmenter le plafond de la taxe Buffet de 15 millions d'euros, mais le gouvernement était revenu dessus trois heures après. Cette année, les députés avaient à cœur que l'amendement sur cette taxe passe. Toujours est-il que rehausser le plafond de la taxe Buffet à 74 millions d'euros, c'est un tour de passe-passe budgétaire. Les crédits accordés à la mission sport sont plafonnés, et Bercy est chargé de respecter ce plafond. Alors certes les 34 millions d'euros qui proviennent du réhaussement de la taxe Buffet iront à l'ANS. Mais ce qu'on sait moins, c'est qu'en contrepartie, la subvention ministérielle à l’agence va être diminuée de 24 millions. Alors oui le budget de l'ANS va augmenter, mais seulement de 10 millions d'euros, une somme qui n'est pas à la hauteur de la crise qu'on est en train de traverser."

"Le sport, c'est la dernière roue du carrosse"

Alain Fouché, auteur du rapport “Mutualiser, renouveler et légitimer pour affûter l’esprit d’équipe des fédérations sportives”, déclarait il y a un mois à France tv sport que "le sport (était) depuis très longtemps le parent pauvre du point de vue des finances." Est-ce-que vous partagez ce point de vue ?
RJ
 : "Oui complètement. L'Etat se fait beaucoup d'argent grâce au sport mais ne lui accorde pas assez de subventions. Depuis 2018 et les décisions de la majorité au Parlement, près de 65% des taxes affectées reviennent à l'Etat et non au financement du sport. Alors qu'en 2017 (Régis Juanico était alors rapporteur spécial des crédits du Sport, ndlr), nous avions réussi à faire en sorte que 77% des taxes reviennent au budget du sport. Selon moi, l'intégralité des rendements de trois taxes devraient revenir à l'ANS. A minima, il faudrait avoir un rééquilibrage entre l'ANS et l'Etat, pour que deux tiers de ces taxes reviennent au budget du sport et à celui de l'Etat. Le sport, c'est la dernière roue du carrosse. Il n'y a qu'à faire la comparaison avec le monde de la culture : sur les 100 milliards d'euros du plan de relance annoncé par le gouvernement, deux milliards sont consacrés à la culture. Nous, le sport, on obtient seulement 120 millions sur deux ans, c'est une goutte d'eau."

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