Rachat du Sporting de Toulon - Mourad Boudjellal : "J'ai perdu beaucoup de temps avec un président de 4e division"
Comment s’est passé votre confinement ?
Mourad Boudjellal : "Je n’ai pas à me plaindre parce que j’ai une grande maison avec un terrain. Cela serait malotru de me plaindre. J’ai demandé à ma fille, qui était à Paris, de redescendre dans le sud pour qu’elle soit avec nous. Et puis, nous avons pris des habitudes de vie. C’est même un souvenir agréable plutôt, nostalgique. C’est le moment où nous pouvons passer du temps ensemble. Moi, j’ai découvert un truc, un sentiment que je ne connaissais pas : celui de s’emmerder. Ce n’est pas inintéressant. J’en ai profité pour voir des séries, j’ai appris à travailler en visio, faire beaucoup de sport. Le vendredi, je faisais les courses pour tout le monde. Je mettais mes gants, mon masque et c’était Indiana Jones toute la matinée."
Comment est venue l’idée de passer du rugby au football ?
MB : "Le Sporting Club Toulon était en face de moi (quand il était à la tête du RCT, ndlr). Je me disais le jour où il y a un mec un peu costaud qui le reprend, il va nous emmerder. Ce n’est pas arrivé. Quand j’ai quitté le Rugby Club Toulonnais, je me suis rappelé naturellement que j’exerçais le football et le rugby quand j’étais gamin. Donc pourquoi pas le foot, surtout que le SCT était en difficulté ? En disant ça, dans une ville comme Toulon, je pensais que j’allais être accueilli à bras ouverts. Sauf que j’ai été reçu à bras raccourcis."
Que s’est-il passé avec le Sporting ?
MB : "La condition sine qua none pour que j’y aille, c’était la gouvernance. À partir du moment où dans une interview, on fait comprendre que je serai directeur commercial, cela ne m’intéresse pas."
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"Il voulait utiliser mes compétences commerciales, pour que lui dépense l'argent"
Quelle a été votre réaction quand vous avez lu l’interview de Claude Joye, l’actionnaire majoritaire ?
MB : "J’ai perdu beaucoup de temps avec un président de 4e division. J’ai essayé de faire un effort, de redescendre en 4e division avec un patron d’un club de district. Mais ça correspond à ce que je pensais. Quand j’allais dans des assemblées générales de la Fédération, les présidents de National 2 venaient prendre des selfies avec moi et lorsque je prenais la parole, ils écoutaient. Et là, il y a un actionnaire qui ne m’a jamais posé la moindre question pour avoir un peu de mon savoir. Ce que j’ai compris très vite, c’est qu’il voulait utiliser mes compétences commerciales, pour que lui dépense l’argent. Nous ne pouvons pas travailler comme cela. J’ai essayé de lui montrer ce qu’était le monde professionnel, en vain. Je respecte, c’est son club, il gère. Personnellement, je ne peux pas travailler à ce niveau."
"J'ai compris depuis longtemps que des gens prennent vite des coups de soleil à la lumière"
Comment percevez-vous les rapports entre le rugby et le football ?
MB : "Le football prend le rugby de haut. Il part du principe que nous sommes dans un sport qui représente moins d’argent. Mais il se trompe totalement. Dans le monde de l’ovalie, nous avons créé notre fortune par de la véritable économie : partenariat, billetterie, etc. Le ballon rond s’est juste appuyé des droits TV. Il est plus dur pour le rugby de construire un budget.
Celui du Sporting c’est 1.5 million, alors que pour le RCT, c’était monté à 35 millions. Même de ce côté-là, nous ne sommes pas dans la même division. Le budget du Sporting correspond à 15 jours d’activité du RCT à la grande époque. Malgré cela, je lis dans la presse qu’il m’a conseillé. J’ai compris, mais je le sais depuis un moment, qu'il y a des gens qui prennent vite des coups de soleil à la lumière. C’était un président de club amateur qui était dans l’anonymat le plus total. Dès qu’il ouvre la bouche, il a Le Figaro, RMC depuis quelques mois. Il a brillé."
"Le monde amateur doit écouter le monde professionnel"
Votre image a-t-elle joué défavorablement ?
MB : "Non, c’est qu’il n’est pas vendeur ou alors à un prix fou. En plus, je n’en sais rien. D’entrée, il a annoncé qu’il n’est pas vendeur donc j’ai essayé de garder mon cash pour pouvoir entrer dans le capital. Je me suis rendu compte qu’en mettant 8 millions, j’aurai eu 20%. Ce n’est pas beaucoup. Il aurait fallu proposer la somme la plus indécente du siècle, soit une dizaine de millions d’euros. Mais, nous ne pouvons pas fonctionner ainsi."
Estimez-vous qu'il y a un écart entre le monde amateur et professionnel ?
MB : "Effectivement, j’ai perçu la différence entre le monde amateur et le professionnel, avec tout le respect que j’ai pour le monde amateur. Il me semble que c’est le monde amateur qui doit écouter le monde professionnel quand on a de l’ambition, et pas l’inverse."
Regrettez-vous le monde du rugby quand vous voyez cela ?
MB : "Non. Si je veux retourner dans le monde du rugby, j’y retourne demain. Là, c'est Claude Joye. Le football, ce n’est pas ça, c’est différent. Le Sporting Club de Toulon correspond au Claude Joye Football Club."
"Je pensais qu’un club appartenait à une ville et non une personne physique"
Êtes-vous déçu pour la ville de Toulon ?
MB : "Je ne sais pas si j’y serai parvenu mais je sais que j’aurai tout donné, c’est sûr. Et les Toulonnais le savent. Je n’avais pas envie de quitter Toulon. Je suis bien, c’est ma ville. J’ai refusé beaucoup de choses car je devais partir de cet endroit. Je pensais qu’un club appartenait à une ville et non une personne physique. Apparemment ce n’est pas le cas. Quand on est propriétaire d’un club dans une ville comme Toulon, nous avons pour obligation de réussir, surtout quand on possède de l’argent public."
Vous avez déclaré avoir d’autres projets en tête. Pouvez-vous en parler ?
MB : "Non c’est trop tôt mais je vais en parler bientôt car je vais être obligé. Il y a plusieurs projets. La seule chose que je peux vous dire, c’est que j’ai rencontré Cyril Hanouna (qui a mis de l'argent dans l'Athlético Marseille, qui évolue en National 3, Ndlr) il y a quelques mois. Mais je pense à diverses choses."
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