Quand le ski devient un sport d’équipe
Quand les crissements du ski sur la neige ou du vent sur le visage sont les seules indications sur la direction prise ou sur la vitesse acquise par un athlète, la vitesse individuelle devient une discipline collective. "C’est une équipe malvoyante, pas seulement un athlète et son guide", confirme Danelle Umstead (42 ans). La skieuse américaine, qui souffre d’une rétinite pigmentaire, a pu se reposer sur son compagnon pour décrocher la 4e place du super-G malvoyant de Sotchi, lundi. Compagnon sur les pistes comme dans la vie, car Rob, son guide, est aussi son mari.
"Trouver le bon guide est la chose la plus difficile à faire pour un skieur déficient visuel", assure-t-elle en connaissance de cause. En 2008, incapable de trouver un nouveau guide après avoir déménagé, elle avait décidé de jeter son dévolu sur celui qu’elle connaît mieux que quiconque. "Cela nous a appris à communiquer davantage que la plupart des couples mariés, ironise-t-elle au New York Times. Nous ne nous disputons pas. Et quand cela arrive, en général, on gagne".
38 ans d’écart entre la skieuse et sa guide !
Tous les couples athlètes-guide ne se forment pas aussi naturellement. Mais s’il y a 38 années de différence entre la jeune skieuse américaine Staci Mannela (17 ans) et celle qui lui ouvre la voie, Kim Seevers (55 ans), le lien de confiance qui s’est établi entre les deux athlètes n’en est pas moins puissant. "Les personnalités doivent bien s’entendre, explique Seevers. Si vous ne vous entendez pas, cela s’en ressentira forcément pendant la course. Il faut implicitement se faire confiance mutuellement".
Accepter de guider des athlètes malvoyants, c’est aussi renoncer à une carrière individuelle pour suivre un parcours qui se repose sur les performances de son skieur, et accepter d’endosser d’énormes responsabilités où la moindre consigne peut jouer un rôle déterminant. Auparavant hurlées sur la piste, les indications des guides sont désormais transmises par bluetooth, grâce à des kits audios portés par les deux partenaires qui ne sont séparés que de quelques mètres sur les pentes. "Si nous allons vite, j’en reste à des commandes simples : vas-y, vas-y, gauche, vas-y, vas-y, droite", décrit Diane Barras, la guide de la jeune Lindsay Ball (22 ans).
Trois catégories de malvoyance
Cette dernière évolue dans la catégorie des athlètes aveugles (B1) : si elle se cogne à "plus de portes" et "tombe plus que les autres", elle bénéficie d’un système de compensation particulièrement important, quand la plupart sont classés B2 ou B3, c'est-à-dire qu’ils ont conservé entre 5% et 10% de vision. Comme elle ne distingue absolument pas son guide comme les malvoyants, elle n’est pas équipée de micro sur son casque mais porte des lunettes opaques et parvient à s’ajuster à la trajectoire de sa partenaire que grâce au kit audio que cette dernière porte sur le dos. "Je n’ai qu’à suivre le son en skiant", conclut-elle.
Kelly Gallagher, qui a remporté le super-G malvoyantes lundi, évolue elle dans la catégorie B3. Souffrant d’albinisme oculaire, elle ne voit rien au niveau de la neige, et le reste de sa vision est considérablement brouillée. Sa guide, Charlotte Evans, avec laquelle elle skie depuis 2010, la noie donc d’indications et d’encouragements tout au long de la descente. "Parfois, elle est vraiment dure avec moi, reconnaît la première Britannique championne paralympique de ski alpin. Mais quand elle est sévère, je sais que cela signifie que je peux faire encore mieux. Je n’y serais jamais arrivé sans la détermination et le talent de Charlotte".
Cette dernière, qui a dicté le rythme de son athlète tout en donnant ses consignes, mais aussi en se retournant parfois pour juger la situation, est bien évidemment montée sur le podium en compagnie de Gallagher pour récupérer, elle aussi, sa médaille d’or. Frustrée par les quelques erreurs de sa skieuse, qui aurait pu selon elle gagner avec une marge plus conséquente, elle n’en est pas moins ravie… et toujours plus admirative. "Il faut quand même se dire qu’elle skie sans rien voir, rappelle-t-elle. Moi, je n’aurais jamais le courage de faire cela".
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