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Pourquoi il faut arrêter de se moquer du patinage artistique

Après son passage à Bordeaux, le Grand Prix ISU continue son tour du monde, et s'installe désormais à Tokyo. Francetv info vous glisse cinq raisons imparables pour enfin prendre les "danseurs sur patins" au sérieux.

Article rédigé par franceinfo - Estelle Walton
France Télévisions
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Temps de lecture : 8min
Florent Amodio, grand espoir du patinage français, le 16 novembre 2013 à Bercy (Paris). (MICHEL EULER/AP/SIPA / AP)

Du vendredi 27 au dimanche 29 novembre, Tokyo accueille à son tour les plus grands noms du patinage international pour la suite du Grand Prix ISU, une compétition en marge des championnats internationaux. A la lecture de ces lignes, nombre d'entre vous auront déjà bâillé d'ennui ou esquissé un sourire ironique. Francetv info vient donc tordre le cou à l'image démodée du patinage artistique en vous donnant cinq bonnes raisons de vous y intéresser, et de suivre une partie de la compétition devant votre écran de télé, retransmise dans la nuit sur Eurosport. 

Parce que c'est un vrai sport (et même une discipline olympique)

Pour beaucoup d'entre nous, le patinage, finalement, c'est comme de la danse de salon, mais sur des patins. Une grave erreur à laquelle Thierry Soler, directeur technique national (DTN) de la Fédération française des sports de glace, répond simplement par les faits : "C'est un sport olympiqueL'Etat nous impose de faire partie des cinq meilleures nations au monde. C'est un sacré challenge qui demande un gros travail de fond."

Une chose est certaine : il n'est pas inné de savoir évoluer, juché sur deux lames d'acier, sur une plaque de glace. "Cela demande une extrême rigueur, de la souplesse, mais aussi de la force et de l'endurance", résume le DTN. Même constat au niveau local pour Sylvie Lhuissier, qui le remarque à chacun des galas des Patins d'argent, seule association de patinage artistique des Hautes-Pyrénées : "Au bout de 3 ou 4 minutes de performance, les professionnels sont épuisés. C'est très éprouvant." Pour les élèves, la beauté du sport réside surtout dans la possibilité de s'exprimer sur la glace tout en réalisant des figures techniquement très difficiles.

La moindre erreur peut donc s'avérer fatale et les accidents sont légions. Difficile de ne pas blesser quelqu'un lorsqu'on se déplace avec des lames de rasoirs accrochées aux pieds. On compte aussi de nombreux problèmes de tensions musculaires, notamment au niveau des chevilles, des genoux ou des épaules. "L'année dernière, notre professeur a souffert d'une triple fracture de l'épaule, et nous avons assez régulièrement affaire à des plaies ouvertes à cause des patins", affirme Sylvie Lhuissier.

En épreuve de couple, les chutes peuvent s'avérer spectaculaires, et parfois très dangereuses.

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Parce que plus c'est kitch, plus on aime ça

Avouons-le, il n'y a parfois rien de plus agréable que de regarder des athlètes s'envoyer littéralement en l'air dans des justaucorps à paillettes. Lorsqu'on suit une compétition, on peut même parier sur le costume le plus tape-à-l'œil ou la musique la plus guimauve.

Mais entre deux commentaires acerbes, on ne peut s'empêcher d'être impressionné par la performance de certains artistes, qui arrivent à subjuguer le spectateur à grand renfort de pirouettes et de clins d'œil malicieux.

Pour vous convaincre, prenons la performance de Kim Yu-na lors des Jeux olympiques de Vancouver (Canada) en 2010. Surnommée Yuna Queen, la Sud-Coréenne avait explosé les compteurs et battu le record absolu en obtenant la note de 78.50 pour son programme court, effectué sur la musique de James Bond.

Parce que les scandales sont aussi croustillants que dans les autres sports

Si vous pensiez que les accusations de tricheries étaient réservées au vélo et à l'athlétisme, revoyez votre jugement. Derrière ses paillettes, le patinage artistique essuie lui aussi son lot de polémiques. Profitez donc d'un moment ennuyeux de la compétition pour partager quelques-unes de ces anecdotes.

Sans remonter jusqu'à l'agression d'une patineuse par l'entourage de sa rivale lors de qualifications en 1994, le "skategate" des Jeux olympiques de Salt Lake City (Etats-Unis) de 2002 avait fait couler beaucoup d'encre. Slate raconte qu'il y a presque quinze ans, la juge française Marie-Reine Le Gougne aurait vendu sa voix à l'équipe russe, faisant atteindre à deux de ses patineurs la plus haute marche du podium, aux dépens du couple canadien. Jugée plus tard par ses pairs, la juge a été reconnue coupable et les deux couples ont été déclarés ex-aequo.

Douze ans plus tard, la polémique n'est pas enterrée lorsque la Russe Adelina Sotnikova rafle la médaille d'or aux Jeux olympiques de Sotchi (Russie) devant la favorite sud-coréenne, Kim Yu-na. De nombreux commentateurs ont d'ailleurs estimé que les juges auraient eu tendance à gonfler les notes des patineurs russes. Une pétition demandant une enquête sur cette affaire avait recueilli plus de 1,6 million de signatures en moins de 24 heures, mais aucune tricherie n'a finalement été prouvée.

Coté français, en 2011, Florent Amodio, alors tout juste couronné champion d'Europe, avait osé utiliser une musique avec des paroles (ce qui est interdit), sacrifiant ses chances de victoires. Dans un entretien avec 20 Minutes, le patineur avait assumé ce choix, voulant bousculer des codes démodés : "Pour cette dernière compète, je voulais lâcher les chevaux. Et moi, je me mets tout simplement dans la tête d’un jeune de mon âge qui va regarder le patinage et se dire : 'Putain c’est ringard !' Voilà, les Black Eyed Peas, ça ne s’écoute pas en instrumental."

Parce que les Français ne sont pas (trop) mauvais

L'équipe de France a bien compris que l'image démodée colle à la peau du patinage et essaie de se détacher de cet effet paillettes et musique doucereuse. "Nous voudrions faire évoluer les systèmes de notation et les règles très strictes des compétitions", explique Thierry Soler.

Et même si les dernières compétitions ont été difficiles pour les Bleus, n'oublions pas que les années dorées du patinage français ont bel et bien existé. Les performances du couple Nathalie Pechalat-Fabian Bourzat sont toujours pleines d'idées et finement chorégraphiées, et n'ont rien à envier aux Philippe Candeloro et Brian Joubert d'autrefois.

La clé : des costumes sobres, de la technique, de l'humour... et des moments de grâce. Lors des championnats du monde de 2015, le couple Gabriella Papadakis et Guillaume Cicéron fait régner le silence dans la patinoire de Shangaï et rafle la médaille d'or. Leur programme libre, patiné sur le concerto N°23 de Mozart et particulièrement éblouissant, leur a valu 112,34 points, soit le meilleur score de leur carrière et une performance qui rentre dans le Top 10 de l'Histoire du patinage. 

Parce qu'il motive toutes les générations

Malgré les moqueries, le patinage artistique fédère 30 000 licenciés à travers l'Hexagone, un chiffre resté stable ces dernières années. Si l'effectif ne décolle pas, c'est surtout à cause d'un "manque de patinoires et de lieux pour pratiquer", considère Thierry Soler, directeur technique national de la Fédération française des sports de glace.

A Cauterets, la seule et unique patinoire des Hautes-Pyrénées se démène pour motiver les foules. Mais Sylvie Lhuissier, présidente depuis dix ans de l'association des Patins d'argent, n'est pas vraiment inquiète du succès de la discipline. "De 20 membres, nous sommes passés à 32, et le plus jeune est âgé de 5 ans. Nous avons aussi un couple de retraités très motivé", se réjouit la présidente. Cette association mise tout sur ses galas en accueillant des grands noms du patinage comme Phillipe Candeloro, que Sylvie Lhuissier considère comme "le parrain" de leur club.

Alors ce week-end, profitez de vos moments d'insomnie pour vous installer devant le poste pour apprécier, avec votre grand-mère quelques salkos et une série de triples boucles piquées. Au mieux, vous pourrez peut-être même étaler votre savoir à la machine à café lundi matin. Au pire, vous aurez enfin réussi à trouver le sommeil.

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