Paul Gascoigne: la déchéance d'un génie torturé
Ivre, affalé sur un canapé en cuir, corps tremblant et voix chevrotante, Paul Gascoigne, 45 ans, tient des propos incohérents lors d'une soirée de bienfaisance. La vidéo de l'ancienne gloire du football britannique, diffusée par le Sun le week-end dernier, a alarmé le monde du football anglais sur l'état de santé de "Gazza", qui se débat avec son alcoolisme depuis l'époque où il était joueur. Inquiet, son agent Teddy Baker a lancé un appel à l'aide : "Quoi qu'il ait pu lui arriver ces cinq ou six dernières semaines, depuis que je l'ai vu avant Noël, il ne va pas bien. Sa vie est toujours en danger parce qu'il est alcoolique". Partageant cet avis, le patron du syndicat des joueurs professionnels, Gordon Taylor, a estimé que Gascoigne avait besoin "d'une surveillance 24h/24", pour "s'assurer qu'il ne fasse pas de bêtise". Il semble avoir été entendu puisque les propositions d'aides ont affluées. "Touché" et "ému" par ce soutien, selon la société qui gère ses affaires, Paul Gascoigne a accepté d'être soigné. Il a été admis lundi dans une clinique, dans un lieu tenu secret aux Etats-Unis.
Chouchou du public anglais
Ce nouvel étalage de souffrance a de quoi inquiéter outre-manche, où Paul Gascoigne était une vraie coqueluche lorsqu'il évoluait sous le maillot anglais. Il doit notamment sa popularité aux larmes qu'il a versées après avoir reçu le carton jaune qui le privait d'une éventuelle finale, lors de la demi-finale de la Coupe du monde 1990 en Italie, finalement remportée par la RFA aux tirs au but. Ayant porté à 57 reprises le maillot de l'équipe d'Angleterre, "Gazza" a également laissé une empreinte et des souvenirs dans les clubs qu'il a connu, comme à Newcastle où il a débuté, à Tottenham où il s'est affirmé, à la Lazio Rome où il s'est exporté, ou encore aux Glasgow Rangers, dernier grand club dans lequel il a évolué. Trapu et puissant sur le terrain, Gascoigne était apprécié pour sa combativité et son panache, mais aussi pour les gestes de génie dont il était capable, comme contre Arsenal à Wembley, en demi-finale de la Cup 1991, lorsqu'il marque pour Tottenham un coup franc d'une trentaine de mètres.
Une carrière en partie gâchée
Perçu par beaucoup comme l'un des joueurs les plus doués de sa génération, Paul Gascoigne a pourtant une carrière contrastée. La faute, sûrement, à ses nombreux excès hors du terrain. Trop souvent hors de forme, il alterne matches géniaux et prestations plus que passables. En 1990, alors qu'il prend une dimension internationale chez les Spurs, il se disperse et se lance dans la chanson, en reprenant, dans une version hip-hop, "Fog on the tyne" de Lindisfarne, sorti en 1971. Plus efficace sur la pelouse que derrière un micro, "Gazza" se reconcentre sur sa carrière sportive. Il n'en perd pas pour autant son goût pour la fête, qui l'a placé au cœur d'affaires aussi nombreuses qu'improbables, comme celle de la "dentist chair". Lors d'une tournée de l'équipe d'Angleterre à Hong-Kong, juste avant l'euro 1996, Paul Gascoigne est pris en photo en pleine beuverie avec Teddy Sheringham et Steve MacManaman, allongé sur une chaise de dentiste. Quelques jours plus tard, il marque, s'étend parterre les bras en croix et se fait asperger d'eau par ses coéquipiers. Reproduisant la scène ayant fait scandale, Gascoigne donne lieu à une des célébrations de but les plus célèbres de l'histoire.
La vidéo "dentist chair" de Paul Gascoigne et ses partenaires :
Si ses frasques ont servi sa popularité et construit sa légende, elles ont certainement bridé sa carrière et le plongent aujourd'hui dans le désarroi.
Déjà soigné en 2008
L'après-carrière de Paul Gascoigne est en effet très compliquée. Raccrochant définitivement les crampons en 2004, il enchaîne depuis les dépressions. En 2008, il est interné à deux reprises en hôpital psychiatrique, une première fois après avoir été retrouvé ivre et dormant debout dans un ascenseur, une seconde pour avoir créé des incidents dans un hôtel de Londres. Dans "Gazza : My Story", son autobiographie parue en 2004, Paul Gascoigne évoque ses tourments et révèle avoir songé au suicide. On comprend donc mieux les inquiétudes de son entourage après la pathétique image qu'il a donnée de lui ce week-end. Son hospitalisation semble la bienvenue.
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