Pascal Boniface: "la politique est un défi" pour certains sportifs
Question: Quest-ce qui peut pousser les anciens sportifs à se lancer en politique ?
Pascal Boniface - Il y a plusieurs raisons. Il y a déjà la conviction de pouvoir faire bouger les choses, de sengager, et de ne plus être spectateur. Pour certains, cest aussi loccasion de passer à une seconde phase de leur vie. Ils ont terminé leur carrière sportive qui leur a donné beaucoup de satisfaction, et ils voient, après la petite mort que représente larrêt dune carrière de sportif, lintérêt de se lancer dans une nouvelle carrière. Celle-ci reste un défi, car les règles ne sont pas tout à fait les mêmes, et cela nécessite un nouvel apprentissage. Cela peut venir également des sollicitations quils ont rencontrées. Je pense par exemple à Jean-François Lamour, ou David Douillet, qui ont rencontré dans leur parcours des hommes politique, Jacques Chirac en loccurrence, puis Nicolas Sarkozy, qui les ont convaincus de sengager.
Les sportifs "représentent un intérêt"
Q: Inversement, en quoi la présence dun sportif dans une liste électorale, dans un gouvernement, peut-elle profiter aux hommes politiques ?
P. B. - Il faut bien sûr que ce soit un sportif, ou un champion populaire. Quelquun qui amène, par sa différence, une popularité supplémentaire à léquipe quil va rejoindre. Cela vient aussi du fait que le sport prend une place de plus en plus importante dans la société, les sportifs sont par conséquent plus médiatisés, et du fait de cette médiatisation, ils représentent un intérêt. Lorsque lon sollicite un sportif, on pense quune partie de son aura et de sa popularité, viendront contribuer à laura et à la popularité de léquipe gouvernementale, ou du parti politique.
Q: Les anciens sportifs de haut niveau reconvertis en politique sont-ils plus de droite ?
P. B. - Statistiquement, ils sont en effet plus proches des valeurs de droite que de gauche. Il est certain que la gauche a plus de mal à recruter des sportifs que la droite, et que, même si elle a fait une partie de son retard, il reste un avantage à la droite.
Q: Comment expliquez-vous cette tendance ?
P. B. - Dune part parce que la plupart des champions ont un niveau de vie qui les situe plutôt dans les couches plus aisées et favorisées de la société. On lexplique également par le culte de la performance, qui est plus considéré à tort ou a raison comme une valeur de droite. Peut-être aussi que la droite a mieux créé des réseaux avec les sportifs de haut niveau.
"Pas nécessaire dêtre docteur pour devenir ministre de la Santé"
Q : Un politique du sérail fera-t-il un meilleur ministre des Sports quun ancien sportif de haut niveau ?
P. B. - Il ny a pas de réponse de principe. Cest avant tout une affaire dhomme ou de femme. On peut très bien avoir de bons ministres des Sports qui nont pas été eux-mêmes danciens sportifs de haut niveau, et on peut très bien avoir danciens sportifs de haut niveau qui ne soient pas dexcellents ministres des Sports. Il faut vraiment juger les compétences, et les capacités de sadapter au costume de Ministre des Sports, qui nest pas un rôle facile. Il nest pas nécessaire dêtre ancien enseignant pour devenir ministre de lEducation, de même quil nest pas nécessaire dêtre docteur pour devenir ministre de la Santé
Q: Peut-on sattendre à voir un ancien sportif professionnel dans un ministère régalien ?
P. B. - Pourquoi pas. Il ne faut pas cantonner des gens à des aspects en disant que les sportifs ne sont bons quà être des ministres des Sports. Mais pour quun ancien champion se retrouve dans un ministère régalien, il faudrait quil ait montré autre chose que ses seules qualités sportives. Quil ait, dans une deuxième carrière, exercé des responsabilités associatives, ou politiques, dans un domaine en dehors du sport. Si ce nétait pas le cas, on pourrait trouver curieux que quelquun qui na pas lexpérience dans le domaine concerné, devienne ministre.
Est-ce quils sont cautions, ou réels appoints ?
Q: Ny a-t-il pas un risque de décrédibiliser le rôle du politique en confiant un rôle politique éminent à une personne qui nétait a priori pas destinée à cette fonction ?
P. B. - Personne nest destiné à exercer un poste, quel quil soit. Cest à la fin du parcours que lon se rend compte si le bilan est réussi ou non. Le fait que la classe politique souvre à des « extérieurs » nest pas mauvais. Il est bon quil y ait des respirations, quil ny ait pas un enfermement de politiciens professionnels. Quil y ait de la circulation et du mouvement, est plutôt une bonne chose. Il faut après se méfier de savoir si lon fait appel aux sportifs pour leurs compétences réelles, ou uniquement pour être présent sur la photo. Est-ce quils sont cautions, ou réels appoints, qui ont leur propre espace et leur propre autonomie politique ?
Q: On retrouve également ce phénomène à létranger, comme par exemple en Afrique.
P. B. - Oui car le sportif incarne lidentité nationale, qui nest pas toujours incarné par la classe politique en Afrique. Mais vous avez également ce genre de chose aux Etats-Unis, où de très nombreux anciens sportifs professionnels se reconvertissent dans la politique. Cest un mouvement bien plus large que cela.
Propos recueillis par Romain Bonte
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