Mondiaux de natation : Léon Marchand et Maxime Grousset en locomotives, Florent Manaudou et les Françaises décevants... Le bilan des Bleus à Fukuoka

La délégation tricolore a récolté six médailles, dont quatre en or, à Fukuoka (Japon), à l'occasion des championnats du monde de natation.
Article rédigé par Quentin Ramelet, franceinfo: sport - envoyé spécial à Fukuoka
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 10 min
Léon Marchand, Maxime Grousset, Florent Manaudou et Mélanie Henique, à Fukuoka (Japon), lors des Mondiaux. (AFP)

Six médailles, dont quatre titres, pour 18 finales disputées : voici le bilan comptable de l'équipe de France de natation à Fukuoka. Les championnats du monde sont désormais terminés, la Marine Messe a bel et bien fermé ses portes alors que l'air, au-dessus de la métropole nippone, est toujours aussi suffocant au moment de quitter les lieux. "C'est une belle semaine pour la France" assure avec un grand sourire Jacco Verhaeren, le patron des Bleus, alors que Julien Issoulié, Directeur technique national (DTN) de la Fédération française de natation (FFN), parle lui d'un "bilan correct, mais mitigé à certains endroits".

A un an des Jeux olympiques de Paris 2024, Franceinfo: sport dresse son bilan, avec Léon Marchand et Maxime Grousset en têtes d'affiche, et des Françaises trop souvent absentes des grands moments. Heureusement, une nouvelle génération semble vouloir s'illustrer.

La consécration : Léon Marchand

Le tableau d'affichage brille de partout : trois courses individuelles, trois médailles d'or, et un record du monde historique de Michael Phelps explosé. Très attendu, Léon Marchand a répondu présent à sa manière : en ne laissant aucune miette à ses adversaires. Des performances qui lui ont valu d'être élu meilleur nageur des Mondiaux. A 21 ans seulement, le Toulousain est déjà le patron des Bleus et, par son talent mais aussi par sa dynamique psychologique, impressionne tout le monde. A commencer par Bob Bowman, son coach, et ancien mentor de Michael Phelps : "La principale similitude entre Michael [Phelps] et Léon, c'est leur état d'esprit." Celui du champion, le vrai, celui qui ne pense qu'à la gagne à chacune des épreuves auxquelles il participe.

"A son âge, c'est encore facile de progresser et c'est ça qui est incroyable, observe notre consultant Camille Lacourt. Il peut encore nous surprendre et s'améliorer dans tous les domaines. Ce que j'aime vraiment chez lui, c'est sa façon de concevoir la natation malgré le fait qu'il soit si jeune. Quand je l'écoute, il tient un discours très mature. Ce discours, moi, je ne le tenais pas à 21, mais à 28 ans. La maturité, c'est la vie normalement qui l'amène, mais lui, il a pris les devants."

Léon Marchand efface Michael Phelps des tablettes ! Avec une incroyable performance lors de la finale du 400 m 4 nages à Fukuoka (4:02'50"), le Français a obtenu la médaille d'or et battu le record du monde de la discipline. Favori de l'épreuve, il termine devant l'Américain Carson Foster et le Japonais Daiya Seto et conserve son titre de champion du monde.
400 m 4 nages (H) : Léon Marchand écrase le record du monde de Michael Phelps ! Léon Marchand efface Michael Phelps des tablettes ! Avec une incroyable performance lors de la finale du 400 m 4 nages à Fukuoka (4:02'50"), le Français a obtenu la médaille d'or et battu le record du monde de la discipline. Favori de l'épreuve, il termine devant l'Américain Carson Foster et le Japonais Daiya Seto et conserve son titre de champion du monde. (France TV)

Du côté de la Fédération française de natation, on ne tarit pas d'éloges sur celui qui est déjà devenu le nageur tricolore, femmes et hommes confondus, le plus titré de l'histoire aux championnats du monde en individuel. "C'est super d'avoir cette locomotive-là, savoure Julien Issoulié, le DTN de la FFN. Mais pour nous, il ne change pas vraiment. En fait, c'est le même qu'on voit depuis quelques années et qui revient avec des médailles à chaque fois !"

"Il a toujours cette fluidité. Il est très cool, très détendu. Il vit vraiment bien avec les autres et amène cette fraîcheur. Après Fukuoka, on va pouvoir se rendre compte aussi que Léon amène quelque chose de nouveau. Le fait d'être exemplaire dans tout ce qu'il fait, je crois que ça catalyse un peu tout le groupe."

Julien Issoulié, DTN de la FFN

à Franceinfo: sport

A un an des Jeux de Paris, cette équipe de France ne pouvait pas rêver mieux que d'avoir, dans ses rangs, la nouvelle star des bassins. Et de son côté, Jacco Verhaeren, le patron des Bleus, attend encore beaucoup de son prodige dans les semaines et mois à venir : "Il y a encore du travail pour obtenir de grands résultats à Paris dans un an. Il va s'y remettre à 100%. Les spécialistes des quatre nages ont toujours des choses à améliorer. Par exemple, son dos est bon, mais il peut le rendre meilleur, tout comme son crawl. Et il a encore besoin de se fixer des objectifs pour aller plus vite dans un an."

La confirmation : Maxime Grousset

Il n'est plus dans l'ombre de Léon Marchand. Double médaillé à Budapest il y a un an (argent sur 100 m nage libre et bronze sur 50 m nage libre), Maxime Grousset est entré dans une nouvelle dimension à Fukuoka, en écrasant la concurrence sur le 100 m papillon, quelques jours après avoir remporté deux autres médailles : sur 100 m nage libre, encore une fois, et sur 50 m papillon. Cela lui a permis de devenir le deuxième athlète français de l'histoire (après Laure Manaudou) à être médaillé aux championnats du monde sur quatre épreuves individuelles différentes.

Enorme sensation pour Maxime Grousset sur cette finale du 100 m papillon. Le Français de 24 ans devient champion du monde avec le cinquième meilleur chrono de tous les temps en 50"14, devant le Canadien Josh Liendo (50"34) et l'Américain Dare Rose (50"46). Il s'agit de sa troisième médaille sur ces Championnats du monde après celles en bronze sur 50 m papillon et 100 m nage libre.
100 m papillon (H) : Maxime Grousset devient champion du monde et explose le record de France Enorme sensation pour Maxime Grousset sur cette finale du 100 m papillon. Le Français de 24 ans devient champion du monde avec le cinquième meilleur chrono de tous les temps en 50"14, devant le Canadien Josh Liendo (50"34) et l'Américain Dare Rose (50"46). Il s'agit de sa troisième médaille sur ces Championnats du monde après celles en bronze sur 50 m papillon et 100 m nage libre.

Surtout, avant 2023, le Néo-Calédonien comptait neuf courses répertoriées seulement dans sa carrière en grand bassin sur cette distance du 100 m papillon. Depuis, le garçon de 24 ans a amélioré son meilleur chrono de plus de six secondes ! C'est dire la performance du nageur de l'Insep qui avait dû sacrifier son engagement sur le 50 m nage libre pour s'y consacrer pleinement. Un pari risqué. "Ce fut un choix très courageux de sa part, et ça a finalement payé, concède Jacco Verhaeren, particulièrement fier. On pouvait s'attendre à ce qu'il nage vite mais avant une épreuve, on ne sait jamais comment ça va se passer. Maxime a réalisé la course parfaite." De bon augure pour celui qui rêve, depuis qu'il a commencé la natation, de devenir champion olympique.

Les déceptions : Florent Manaudou et l'équipe de France féminine

Derrière Léon Marchand et Maxime Grousset, "vraiment au-dessus du lot" dans cette équipe de France selon le DTN Julien Issoulié, il existe des axes de progression importants après plusieurs désillusions. A commencer par celle de Florent Manaudou, éliminé en demi-finales du 50 m nage libre avec un chrono (21''96) très loin de ses standards (21''62 à Rennes début juin). Quelques minutes après sa course, il ne comprenait pas ce qui avait pu provoquer une telle claque. "Il n'était tout simplement pas là [au moment de la finale]" juge Jacco Verhaeren qui ne s'inquiète pas pour son capitaine, capable "de faire de grandes choses dans un an à Paris".

En manque de rythme ces derniers mois, le Tricolore Florent Manaudou, triple médaillé olympique, n'a pas réussi à passer le cap des demi-finales du 50 m nage libre. Il termine loin derrière en 21''96 à la huitième et dernière place de la deuxième demie, dominée par l'Australien Cameron McEvoy en 21''25.
50 m nage libre (H) : déception pour Florent Manaudou, huitième et dernier de sa demi-finale En manque de rythme ces derniers mois, le Tricolore Florent Manaudou, triple médaillé olympique, n'a pas réussi à passer le cap des demi-finales du 50 m nage libre. Il termine loin derrière en 21''96 à la huitième et dernière place de la deuxième demie, dominée par l'Australien Cameron McEvoy en 21''25.

Il reste en effet près de douze mois au champion olympique de Londres en 2012 pour relever la tête et d’identifier ce qui a pu mal fonctionner. "On peut lui faire confiance pour qu'il trouve", assure Camille Lacourt, qui a longtemps nagé en sa compagnie, et qui semble avoir une idée de ce qu'il doit justement travailler à l'entraînement.

"On dirait que, quand il y a beaucoup de concurrence autour de lui, il se crispe davantage sur sa nage. C'est peut-être ça qui le bloque un peu. Dès qu'il veut vraiment y aller à fond, ses bras tournent trop vite et ça passe un peu à travers."

Camille Lacourt, quadruple champion du monde sur 50 m et 100 m dos

à Franceinfo: sport

Ce qui restera, par ailleurs, comme le gros point noir de cette semaine réside dans l'absence totale de performances notables au sein de l'équipe de France féminine. Si les jeunes semblent sur la bonne voie d'ici à Paris 2024, aucune finaliste (Marie Wattel, Mélanie Hénique, Analia Pigrée entre autres), à l'exception d'Anastasiia Kirpichnikova (1 500 m nage libre), n'a été en mesure de se mêler à la lutte pour un podium. Pire, elles ont trop souvent été reléguées aux dernières positions. "Les performances sont assez décevantes, et de l'extérieur, on a surtout l'impression que l'état d'esprit du groupe n'est pas au beau fixe", analyse Camille Lacourt.

Interrogé sur ce sujet, le DTN de la Fédération, Julien Issoulié, confirme à demi-mot : "Il y a une vraie réflexion à avoir, parce qu'on voit qu'on est en dessous, et je trouve qu'on est aussi en dessous dans la dynamique collective. On voit que les garçons vivent l'événement collectivement, et de manière très solidaire. Chez les filles, on n'arrive pas encore à avoir ça, et il va falloir qu'on discute bien avec elles. On n'est pas satisfait de cette situation." Un stage est prévu cet hiver pour remobiliser les troupes et repartir sur de bonnes bases.

Les promesses : la jeune garde arrive avec "panache" et les relais progressent

Si elles n'ont pas brillé par leur capacité à aller chercher une médaille, plusieurs Françaises se sont illustrées par les promesses laissées en vue des Jeux olympiques. La jeune génération frappe à la porte, et fait preuve "de culot et de panache", selon Camille Lacourt. Pauline Mahieu a par exemple battu (en 59''30) le record de France de Laure Manaudou sur 100 m dos, tout comme Anastasiia Kirpichnikova, surprenante sur 1 500 m nage libre, et 4e de la finale remportée par la reine Katie Ledecky. Mary-Ambre Moluh, 17 ans seulement, a également montré une belle explosivité sur 50 m dos.

Chez les garçons, Mewen Tomac (21 ans), quatrième du 200 m dos (à 0''55 du podium), s'affirme de plus en plus comme l'un des futurs meilleurs dossistes de la planète. "Ces jeunes, quand ils vont réussir à avoir le niveau pour titiller les plus forts, ils ne se poseront pas de questions, c'est ça qui est positif", se réjouit Camille Lacourt.

Prétendant à la médaille, le Français Mewen Tomac était encore troisième aux 150 mètres avant de s'effondrer progressivement pour finalement terminer au pied du podium en 1'55"79. De son côté, le Hongrois Hubert Kos a survolé la finale en 1'54"14, devant l'Américain Ryan Murphy et le Suisse Roman Mityukov.
200 m dos (H) : Mewen Tomac finit quatrième, le Hongrois Hubert Kos en or Prétendant à la médaille, le Français Mewen Tomac était encore troisième aux 150 mètres avant de s'effondrer progressivement pour finalement terminer au pied du podium en 1'55"79. De son côté, le Hongrois Hubert Kos a survolé la finale en 1'54"14, devant l'Américain Ryan Murphy et le Suisse Roman Mityukov.

Enfin, les relais tricolores, excepté celui qui faisait la gloire des Bleus auparavant (le 4x100 m nage libre), semblent sur la bonne voie. Avant l'excellente et encourageante 4e place de Léon Marchand, Maxime Grousset, Yohann Ndoye-Brouard et Hadrien Salvan sur le 4x100 m 4 nages (à 15 centièmes du record de France !), les chronos ont été améliorés de partout ou presque. Pour Jacco Verhaeren, ces épreuves collectives sont essentielles et en plein cœur de son projet. "Nos relais ont fait de jolis progrès, c'est ce que nous voulons et on va continuer à travailler pour faire mieux encore", a confié le directeur des équipes de France.

De son côté, Camille Lacourt préfère ne pas s'enflammer et voit le verre à moitié vide : "Je vais faire un peu le rabat-joie, mais à part le 4x200 m nage libre masculin, je ne trouve pas qu'un travail spécifique a été fait sur les relais. Ce sont surtout les nageurs qui ont progressé, pas la force collective. Ce n'est pas la faute de la fédération ou des coachs, mais c'est juste une faiblesse, surtout sur le 4x100m nage libre. Cela progresse chez les femmes, mais elles sont loin, très loin même des meilleures. C'est étrange car sur les générations précédentes, les relais nous tiraient vers le haut pour essayer d'aller chercher des médailles en individuel. Aujourd'hui, la donne s'est complètement inversée !" 

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