Championnats d'Europe de natation : l'étrange journée de Yohann Ndoye Brouard, contraint à nager seul pour se qualifier en finale du 200 mètres dos
A cause d'un cale-pied défectueux, le Français a un temps cru dire adieu à la finale du 200 mètres dos à Rome, vendredi, mais il a finalement eu droit à une seconde chance.
Il est 18h58 dans le stadio del Nuoto de Rome, vendredi 12 août, quand Yohann Ndoye Brouard s'apprête à s'élancer dans sa demi-finale des championnats d'Europe du 200 mètres dos dont il est l'un des favoris. Mais lorsque la course démarre, le mécanisme de son cale-pied se casse. Le Français est alors projeté dans le vide au moment où tous ses concurrents ont déjà lancé la bataille. L'incident a lieu un peu plus d'un an après sa mésaventure des Jeux de Tokyo, où il avait heurté le mur lors des séries du 100 mètres dos.
Comme interloqué, le Tricolore tente de refaire surface. Stoïque, à quelques mètres du point de départ, il regarde devant lui, essayant de comprendre. Les autres nageurs continuent leur course. Il y assiste, impuissant. Il redoute l'élimination, alors qu'il concourait pour le podium, au moins, pour l'or, au mieux.
"C'était un ascenseur émotionnel"
Rembobinons. Un peu avant 10 heures, le pensionnaire de l'Insep débarque pour les séries de l'épreuve. Une teinture blonde platine a remplacé ses bouclettes couleur charbon pour faire comme Sasha Zhoya, la pépite de l'athlétisme français, spécialiste du 110 mètres haies. "Ça lui permet de courir vite donc j'ai voulu essayer. Ça ne rend pas trop mal", explique le géant, rieur. Sur la piste, on ne sait pas, mais dans l'eau, le Français est bel et bien en jambes. Le Savoyard claque un chrono de 1'56"70, à six dixièmes de son record de France. Il signe le meilleur temps des séries. Le ton est donné.
Sans le Russe Evgeny Rylov, seul le Britannique Luke Greenbank constitue l'obstacle majeur en vue de la victoire finale. Mais éprouvé après les Jeux du Commonwealth qui se sont terminés il y a une semaine, le vice-champion du monde en titre tire la langue. L'autre Français, Mewen Tomac, peut aussi rêver. Il se trouve juste à côté de Yohann Ndoye Brouard en demi-finale, aux lignes d'eau 4 et 5, celles des meilleurs chronos.
Mais la tendance change complètement en quelques minutes. Il y a bien sûr la chute de Ndoye Brouard. Le Picard, lui, s'est élancé normalement mais, peut-être perturbé par l'absence de son compatriote juste à côté de lui, il termine seulement quatrième, se qualifiant in extremis pour la finale.
Du côté de Yohann Ndoye Brouard, c'est le début d'une longue attente. Rapidement hors de l'eau, le protégé de Michel Chrétien renfile son survêtement pour rester chaud. "C'était un ascenseur émotionnel. Dès que ça a cassé, je me suis dit que, quitte à être disqualifié, il ne fallait pas que je force, que je ne fasse pas une ondulation. Je suis sorti direct. Il fallait faire retomber ma pression."
Reste à attendre la décision de l'organisation. Va-t-il avoir une seconde chance ? Il n'y croit pas totalement.
"Je me suis dit : 'C'est mort, il ne vont pas me faire renager'. J'ai eu les larmes qui me sont montées aux yeux."
Yohann Ndoye Brouard, nageur françaisà franceinfo: sport
Alors qu'il en fait la demande, il est finalement autorisé à nager de nouveau. Le voilà seul dans le bassin, deux heures après sa demi-finale initiale.
Le retour du grand blond
La curiosité des spectateurs fait que les tribunes n'ont pas été désertées au moment où il s'élance dans sa course à retardement, après la longue succession de cérémonies protocolaires. Avec un public tout acquis à sa cause, le Français se lâche. "Je n'étais pas vraiment tout seul dans cette course, ça m'a même surpris [de voir le public]. Ca m'a donné de la force et j'ai eu un pic d'adrénaline avant de partir."
Avec un chrono de 1'56"39, le Français ne se contente pas d'assurer. Il réalise un meilleur temps qu'en séries et n'est qu'à trois dixièmes de son record de France. Seul le Suisse Roman Mityukov fait mieux que lui (1'56"22). "Que de péripéties !", souffle l'intéressé, qui montre encore à quel point il sait faire preuve de résilience. Il peut désormais se projeter sur cette finale du 200 m dos, prévue samedi, l'esprit léger. S'il laisse sa malchance à fond de cale...
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