Natation : Le 21 mars 2008, Alain Bernard bat pour la première fois le record du monde du 100m nage libre
21 mars 2008. Dans le bassin d'Eindhoven, aux Pays-Bas, les bras ballants avant de se figer sur le plot de départ pour attendre le starter, Alain Bernard, le natif d’Aubagne, s’apprête à marquer son premier coup d’éclat sur la scène internationale. Douze ans plus tard, le Français raconte ce jour qui avait débuté comme une journée normale. “Le matin, j’avais de bonnes sensations. Je savais que j’avais une bonne marge de progression par rapport à ce que je venais de faire (lors des séries, ndlr). C’est ce qui m’a donné confiance et qui m’a fait penser que j’avais toutes les chances de nager beaucoup plus vite. Mais je ne me suis pas du tout posé la question de combien. C'était assez clair dans ma tête et j'étais plutôt confiant.”
La course est lancée, les nageurs entament leur coulée. A la sortie des 50 mètres, Bernard domine ses adversaires et possède 28 centièmes d’avance sur le record du monde détenu par le néerlandais Pieter van den Hoogenband (47’'84). C’est alors que le nageur de 24 ans passe dans une autre dimension. Il s'en souvient encore. "Souvent, sur la plupart des courses, j’avais une difficulté à arriver aux 75 mètres. C’est-à-dire que ça coinçait. C’est le moment où c’était le plus compliqué, où j’avais du mal à être lucide, à faire en sorte que ça réponde bien. Et puis dans cette course là notamment, c’est ce qui m’a vraiment surpris. Arrivé aux 75 mètres, je me suis dit : 'c’est bizarre ça n’arrive pas. Et puis ça continue de réagir… Wouah, c’est super, ça ne fait pas mal.' Je me sentais super fluide et efficace. Et je me suis dit : 'mais c’est génial, continue, continue comme ça !'"
Cette impression de facilité se retranscrit sur les écrans de télévision. Il donne une impression d'aisance, de fluidité. Dans l’eau, le Français ne cesse de s’employer. Non seulement il finit premier en 47''60 et se hisse sans concurrence pour la finale du lendemain, mais surtout il détrône le recordman du monde de 24 centièmes.
En levant le regard vers le temps affiché, Alain Bernard n’en revient pas et se prend la tête à deux mains. "Sur le moment, je vois 47’'60, 47’'84. Et je ne comprends pas. Je ne comprends pas lequel est plus grand, plus petit. Mais moi, je suis où, j’ai fait 84 ? 60 ? C’est quoi le record ? Honnêtement je pense qu’il y a eu entre trois et quatre secondes de flottement, le temps de reprendre ses esprits."
Le record de l'accomplissement du travail
Ce record du monde est un symbole en plusieurs sens. C’est dans l’antre et le lieu d’entraînement du Néerlandais qu’Alain Bernard réalise cette performance. Le nageur confirme aussi la lumière prise un an auparavant, lors des championnats de France. En juin 2007, il avait déjà donné des signes de cet exploit, en devenant champion de France de la discipline en 48’12. Soit le deuxième meilleur temps sur cette distance en compagnie du double champion du monde italien Filippo Magnini, et à moins de trois dixièmes de seconde du légendaire Néerlandais, alors double champion olympique.
Deuxième sens. Ce chrono s’accompagne de l’apparition, la même année, d’une combinaison : la LZR Racer Speedo, qui fait beaucoup parler. Pour nombre d'observateurs, elle aurait permis au Français d’arriver à une telle performance. L’intéressé se défend à l’époque en rappelant que ça ne pouvait avoir qu’une “infime” influence. “Le record n'appartient pas à la combinaison. Il m'appartient à moi, parce que c'est moi qui travaille depuis des années.”
La quête permanente de la "progression chronométrique"
Le travail dont il parle est le troisième sens de ce record. La signification la plus importante à ses yeux aujourd'hui. "C’était l’une des premières fois où je pouvais ressentir ça sur un 100 m. C’est un beau marqueur du point de vue capital confiance par rapport aux semaines et mois qui vont suivre. Si on regarde les choses de l’autre côté, à ce moment-là, ça fait dix ans que je m’entraîne deux fois par jour et qu’enfin j’arrive un peu à tout mettre en ordre. J’ai l’impression d’être fort en vitesse, en explosivité, en allonge de bras, en concentration... Et en fait, j’arrive à mettre tout ça en œuvre à ce moment-là."
Mais attention. Ce record n'est pas une concrétisation pour le nageur qui s'entraîne à Antibes. Il marque l'aube de jours et de mois glorieux. Le lendemain, le Français est sacré champion d’Europe en améliorant la marque de son record du monde (47’'50). A Pékin, le 14 août, il devient le premier Tricolore à s’imposer dans cette discipline.
Au delà de ses sacres, ces différents records révèlent la quête systématique de la "progression chronométrique" dans laquelle se trouvait Alain Bernard. "Bien sûr, un titre c’est quelque chose de valorisant. Mais mon premier leitmotiv, c’était le chrono. Et malgré ce chrono de 47’60, j’avais quand même identifié quelques petites erreurs. Si je refaisais la course tout pareil et en améliorant ces petites erreurs, il y avait une marge pour grappiller quelques petits centièmes." En appliquant cette ligne directrice, il devient champion d'Europe, en améliorant son record du monde de 47’'60 à 47’'50. La récompense de "tant d’années de travail et d’investissement" avec la sensation d'arriver "à quasiment tout maîtriser".
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