Les spectateurs du Stade de France hors-jeu
Une société consumériste
Ce vendredi soir, on avait un peu le sentiment de se retrouver dans une arène, avec des gladiateurs et des spectateurs plus heureux de déverser leur fiel sur tel ou tel condamné de droit commun que d'assister à un beau spectacle, un simple match de football. Dès les premières minutes, la toute première frappe d'Olivier Giroud mal cadrée était aussitôt suivie de copieux sifflets d'une grande partie des spectateurs. Cette réaction démontre d'abord que ce public ne connaît visiblement pas le football. Depuis la Coupe du monde 1998, le profil des spectateurs a profondément changé. D'un public de connaisseurs, désireux d'assister à un bon match de football en famille, nous sommes passés à un public hystérique, insatiable, et hyper capricieux. La société de consommation est passée par là, on jette des footballeurs autrefois vénérés comme des mouchoirs. Il fallait entendre les quelques insultes fusant de la tribune située juste à côté de celle des journalistes pour se rendre compte que les plus jeunes, pourtant censés être encadrés par des adultes, y allaient de bon coeur au rayon des jurons. Est-ce là encore l'évolution de la société ? Le football a toujours été un reflet de celle-ci, mais si tel est le cas, la situation devient pathétique. Voir des gamins d'une petite dizaine d'années huer -de concert avec leurs parents- des joueurs, démontre qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas aussi rond qu'un ballon de foot. Critiquer le comportement des joueurs est une chose, mais il semble difficile de faire la morale à nos chers footballeurs avec de tels agissements.
La fibre du supporter en question
Appelé souvent le 12e homme, le public d'un stade de football a souvent eu un rôle décisif. L'entraîneur géorgien Temuri Ketsbaïa expliquait après la rencontre que si son équipe n'était pas passée loin d'un exploit face à l'Espagne (0-1), c'était en partie grâce au soutien inconditionnel de ses spectateurs. Mais il faut bien dire qu'au Stade de France, le soutien, celui dont on a besoin lorsque tout ne va pas si bien, n'est pas présent. Que ce soit à Marseille, à Lens, au Mans, au Havre, ou partout ailleurs en province, les sorties de l'équipe de France se sont toujours excellemment bien déroulées dans les tribunes. Et lorsque l'on regarde chez nos voisins anglais, italiens, allemands, ce comportement n'existe pas. La fibre du supporteur francilien est pour ainsi dire inexistante. Pire encore, l'intolérance est désormais de mise. Les deux ou trois cents véritables inconditionnels du Supporters club de France qui tentaient de remonter le moral à Karim Benzema, se sont fait eux-mêmes huer par une grande partie du public ! Sans compter les incompréhensibles huées au moment où les adversaires ont le ballon, et les sifflets lors des hymnes, il est bien difficile d'expliquer ces comportements indignes.
Les médias aussi responsables
Didier Deschamps semblait bien impuissant devant ce phénomène, comme ses joueurs. "Je ne peux pas l'empêcher, a déclaré le sélectionneur, qui avait du mal à cacher sa déception. Très pragmatique et diplomate, Deschamps mettait ce comportement sur le compte de l'exigeance. "Le public français est exigeant. C'est aux joueurs d'inverser la tendance", a-t-il dit. De leur côté, les joueurs de l'équipe de France ne restaient pas insensibles. "C'est certain que cela ne fait pas plaisir", a lancé un peu crispé le capitaine Hugo Lloris. "Ces sifflets sont très durs, d'autant que Karim est notre meilleur joueur", précisait par exemple Valbuena. "On n’a pas besoin que le public siffle, on a besoin d’avoir des gens derrière nous", résumait sobrement Blaise Matuidi. La responsabilité des médias est aussi engagée. A force d'entendre certains "spécialistes" balancer des vannes à tour de bras et déconsidérer les footballeurs, le public finit par adhérer à ce discours. Si certains joueurs doivent honorer ce maillot bleu, nombreux sont les pseudos spectateurs qui devraient respecter les joueurs de l'équipe de France. Tout le monde y gagnerait.
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