Les rois maudits de Roland-Garros
Jimmy Connors : 4 demi-finales
A l’instar de nombre de ses relations tout au long de sa carrière, l’histoire de Jimmy Connors à Roland-Garros a été conflictuelle. Vainqueur de huit tournois du Grand Chelem – dont au moins un dans les trois autres rendez-vous majeurs de l’année - et numéro 1 mondial pendant 268 semaines, Jimbo ne s’est jamais imposé à la Porte d’Auteuil. L’Américain y a pourtant disputé quatre demi-finales (79, 80, 84, 85). Sans jamais aller au bout de l’aventure. Une anomalie. Car à y regarder de plus prêt, Connors est absent des tableaux de 1974 à 1978. Pourquoi ? A cause d’un différent avec Philippe Chatrier, président d'alors de la fédération française. Ce dernier reproche à Connors – et quelques uns de ses collègues tennismen - d’avoir disputé en 1974 des compétitions intervilles américaines très lucratives à l’approche du tournoi. Une mauvaise image selon lui pour le tennis professionnel. L’interdiction ne tiendra qu’un an mais le divorce entre le tournoi et le joueur est consommé. Connors boudera les éditions suivantes, en signe de protestation.
Connors aurait-il pu s’imposer à Paris durant ces années là ? S’il est périlleux d’écrire du tennis fiction, on peut imaginer que oui. En 1974, il est numéro 1 mondial et ne perd que 4 matchs en 93 rencontres. Cette année là, un Bjorn Börg encore juvénile s’impose pour la première fois à Roland-Garros. Un adversaire vraisemblablement dans les cordes du grand Jimmy. Il le domine d’ailleurs en finale d’Indianapolis, sur terre, quelques semaines après Roland, après avoir battu Manuel Orantes, finaliste de l’édition 74 à Paris. Idem en demi-finale de l’US Open 75 et en finale l’année suivante (le Grand Chelem américain se dispute alors sur terre battue) où le Suédois ne résiste pas face au gaucher. Mais il faut croire qu’entre l’Américain et Roland-Garros, le mariage ne devait jamais se faire.
John McEnroe, finale 1984
Ce devait être l’année de la consécration. A y repenser, on a toujours du mal à comprendre comment en 1984, John McEnroe a pu laisser le titre lui échapper. L’Américain est alors au sommet de son art. Plus qu’irrésistible : tout simplement injouable. Il a remporté ses 42 premiers matchs depuis le début de la saison et cherche encore un adversaire à sa hauteur.
La terre battue de Roland-Garros ne résiste pas plus longtemps que les autres surfaces à sa griffe. Il ne perd qu’un set pour arriver en finale. Son ascension à la finale du tournoi n’est pas le fruit du hasard, ou d’un heureux concours de circonstances. Cette année là, Big Mac transforme sa raquette en pinceau et les courts en chevalets. Chaque match est une œuvre d’art, signée de sa patte gauche. Alors en finale face à Ivan Lendl, besogneux dans l’âme, on s’attend à voir naître la magie une fois de plus dans les cordes de l’enfant du Queens. Et c’est le cas ! Pendant deux sets et demi en tout cas. Ensuite, la machine s’enraye et McEnroe ne peut empêcher le retour de son adversaire. Humilié, il écourte la cérémonie de remise des trophées et file aux vestiaires. Sa chance était passée.
Quand on lui demande d’évoquer le souvenir le plus douloureux de sa carrière, c’est évidemment à ce match que l’Américain fait référence. Dans son autobiographie "Vous êtes pas sérieux ?", Big Mac confiait qu’il n’y avait pas une journée où il ne repensait pas à cette finale perdue.
Stefan Edberg, finale 1989
Stefan Edberg ou le pur attaquant qui triomphe de la terre battue. Ce fantasme a failli se réaliser lors de l’édition 89 Porte d’Auteuil. Le Suédois possédait pourtant une expérience bien supérieure à son adversaire du jour, Michael Chang. Déjà vainqueur de deux Open d’Australie et d’un Wimbledon, il semblait avoir les armes pour triompher de l’ocre.
Face à lui, un quasi-inconnu du grand public - 19e mondial - qui ne comptait à son palmarès que le tournoi de Washington. Déséquilibré ? Sur le papier seulement, car cette année là, l’Américain va déjouer tous les pronostics. Après avoir surpris le numéro 1 mondial, Ivan Lendl, en huitième de finale, le prodige de 17 ans et 3 mois va pousser sa chance jusqu’en finale.
Déstabilisé après la perte de la première manche 6-1, Edberg ne va pas se laisser abattre pour autant. Le "Gentleman-Serveur" va continuer à appliquer sa méthode de service-volée et faire basculer la rencontre en sa faveur. 6-1, 3-6, 4-6. Lorsqu’Edberg mène deux manches à une, tout porte à croire que la belle aventure du jeune Chang va prendre fin. A 1-0 dans la quatrième manche, le "Grand Méchant Mou", obtient même plusieurs balles de break quasi-synonyme de victoire. Sans parvenir à les convertir. Le match vient de basculer définitivement. Plus en jambe que son adversaire, usé par son jeu d’attaque, Chang s’impose finalement 6-4, 6-2 dans les deux dernières manches. Pour Edberg, l’opportunité d’inscrire son nom au palmarès de Roland-Garros ne se représentera plus.
Pete Sampras, demi-finale 1996
S’il n’est pas à proprement parlé un "maudit" de la terre battue de Roland, Pete Sampras reste la figure emblématique des années 90 incapable de s’imposer sur l’ocre. Numéro 1 mondial six saisons de suite, "Pistol" Pete n’a jamais passé le cap des demi-finales. Et si l’Américain a fini par démissionner de RG à la fin de sa carrière – de ses glissades traumatisantes et de sa terre orangée qui colle aux chaussettes - il ne faudrait pas oublier qu’il a tout de même atteint la demi-finale de l’édition 1996.
Non, Pete Sampras n’était pas un adorateur de l’ocre. La lenteur de la terre pénalisait son service, son déplacement était mis à mal par ses glissades maladroites. Mais l’homme aux quatorze titres du Grand Chelem n’était pas un allergique complet à cette surface. Il y a remporté trois titres au cours de sa carrière, dont le tournoi de Rome en 1994. En 1996 justement, le tableau ne l’épargne pas à Roland-Garros. N.1 mondial, il élimine au 2e tour Sergi Bruguera – 23e joueur mondial et double vainqueur du tournoi en 93, 94 puis finaliste 97 - en cinq sets : 6-3, 6-4, 6-7, 2-6, 6-3. Vient Todd Martin – 18e joueur mondial – battu lui aussi en cinq manches : 3-6, 6-4, 7-5, 4-6, 6-2. En quart de finale, il remporte un nouveau bras de fer face à Jim Courrier – vainqueur du tournoi en 1991, 1992 et finaliste 1993 – encore en cinq sets 6-7, 4-6, 6-4, 6-4, 6-4. Que des clients que Sampras se charge de chasser hors du tableau. Alors évidemment en demi-finale, face à Ievgueni Kafelnikov – tête de série N.6 qui n’a perdu qu’un seul set au cours de l’aventure – Sampras n’a plus l’énergie nécessaire pour rivaliser. Dans le premier set les deux hommes font jeu égal mais le Russe fait basculer le set au tie-break. Sampras ne s’en relèvera pas. L’accumulation des matchs au long cours a eu raison de lui. Dommage, car cette année 1996 avait tout de l’édition à saisir. Et il serait sans doute revenu à Paris les années suivantes avec plus d'entrain.
Novak Djokovic : 2 finales (2012, 2014)
Le seul joueur de ce classement encore en activité. Maudit à Roland-Garros, Novak Djokovic ne le sera peut-être plus très longtemps. Numéro 1 mondial depuis quasiment quatre saisons (N.2 fin 2013 pour quelques points à la faveur de Rafael Nadal), le Serbe sait que son heure viendra. Ses aptitudes sur terre sont telles que ce n’est qu’une question de temps. Un peu comme Roger Federer a dû buter sur Rafael Nadal avant de trouver la délivrance en 2009.
A la Porte d’Auteuil, Djokovic a disputé deux finales (2012, 2014) et quatre demies (2007, 2008, 2011 et 2013). Nadal y a été la plupart du temps son bourreau à l’exception de 2011 (Roger Federer). Les occasions ont été légion pour Djokovic. La plus belle, c’est paradoxalement en demi-finale qu’il l’a obtenue. En 2013, il retrouve Rafael Nadal dans le dernier carré. Dans un match épique, il parvient à breaker le premier dans le cinquième set. Une avance qu’il ne peut conserver au terme d’un match de 4h37. Sans faire injure à David Ferrer, qu’il aurait alors retrouvé en finale, on voit mal comment l’Espagnol aurait pu l’empêcher de soulever son premier trophée à Paris. Djokovic est un grand frustré à Roland. Mais pour combien de temps ?
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