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"Le mouvement sportif a du mal à percevoir que les exigences sociétales et éthiques ont évolué", constate Marie-George Buffet

Le Comité national pour renforcer l'éthique et la vie démocratique dans le sport, dont Marie-George Buffet est la co-présidente, a présenté, jeudi, ses 37 propositions.
Article rédigé par Hortense Leblanc, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
Marie-George Buffet lors de la fête de l'Humanité le 11 septembre 2021. (SIPA)

Le Comité national pour renforcer l'éthique et la vie démocratique dans le sport, créé le 29 mars dernier par la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castera, a rendu ses conclusions, jeudi 7 décembre, après huit mois de travail. Dans un rapport, il formule 37 propositions divisées en trois axes : la gouvernance des fédérations, la défense de l'éthique et la meilleure protection des pratiquants et pratiquantes. Marie-George Buffet, ancienne ministre des Sports et co-présidente du comité, revient sur les auditions menées et dresse les constats qui en résultent.

Franceinfo:sport : Comment le comité a-t-il travaillé pour aboutir à ces 37 propositions ?

Marie-George Buffet : Nous avons auditionné 170 personnes. Ce sont des acteurs ou actrices du mouvement sportif, des présidents ou présidentes de fédération, du comité olympique français, et puis également la présidente du comité paralympique français. Nous nous sommes aussi rendus dans le département du Nord où nous avons rencontré des présidents de clubs locaux, des représentants de la Drajes [Délégation régionale académique à la jeunesse, à l'engagement et aux sports]. Nous sommes également allés en Seine-Saint-Denis où nous avons rencontré le CDOS [Comité départemental olympique et sportif]. Nous avons également consulté des institutions comme la Cour des Comptes, mais aussi des journalistes d’investigation et les athlètes eux-mêmes. Nous avons d’ailleurs rencontré des jeunes athlètes en formation à l’INSEP et l’un d’entre eux a eu une phrase qui m’a particulièrement marquée : "J’aimerais que de temps en temps on ne me considère pas comme un sportif, mais comme un individu".

Et de tout cela, quels constats tirez-vous ?

Le constat est double. D’abord, c’est grâce aux bénévoles du mouvement sportif français que le droit à la pratique sportive est assuré dans notre pays. Cette organisation associative du sport a ses fragilités. Je ne parle pas des quelques grosses fédérations, mais plutôt de la masse des 119 fédérations, avec des bénévoles qui ne bénéficient pas d’emplois salariés et un renouvellement très difficile au niveau des dirigeants bénévoles. Il y a un entre-soi qui se crée et qui fait que ce mouvement sportif a du mal à percevoir que les exigences sociétales et éthiques ont évolué. Souvent, lorsqu’on aborde des problèmes d’emprise, de rapport entre l’entraîneur et l’entraîné(e), on nous a répondu : "On a toujours fait comme ça", "C’est dans la culture de la fédération"

"On est convaincu que si on ne règle pas d'abord la vie démocratique dans les fédérations, en demandant un renouvellement générationnel plus important, avec plus de femmes, on aura du mal à mener le combat éthique jusqu’au bout."

Marie-George Buffet, co-présidente du comité

à franceinfo: sport

On a fait des propositions sur un volet démocratique, avec la proportionnelle, la représentation des oppositions, et puis des mesures pour rendre le bénévolat plus attractif, avec des indemnisations des dirigeants et dirigeantes. Comme cela se fait dans la sphère publique pour les maires et maires adjoints.

Sur le plan de l'éthique et de la protection des pratiquants, que proposez-vous ?

Il faut une réforme systémique de la formation des entraîneurs et des encadrants, avec des modules obligatoires sur la question du respect physique et psychique de l’individu. Il y a aussi une série de propositions pour donner des outils au mouvement sportif pour mener le combat éthique. Il faut revisiter la composition, les pouvoirs, l’auto-saisie et la transparence des comités d’éthiques fédéraux. Nous allons proposer la création d’un comité supra-fédéral, au sein du CNOSF, chargé de mission par la loi pour intervenir dans les fédérations si les comités d’éthique fédéraux n’interviennent pas. Sur l’aspect de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, nous pensons qu’il faut un organisme indépendant, extérieur aux fédérations, parce que quand on fait partie d’une famille, comme une famille sportive depuis des années, c’est difficile de parler.

Dans le contexte des Jeux olympiques et paralympiques, le sport est au centre de l'actualité et cela pourrait aider à la mise en œuvre de vos propositions. Mais ne craignez-vous pas que ces sujets soient relégués au second rang une fois les JO passés ?

Notre première proposition consiste à lancer une grande consultation du mouvement sportif, pour aboutir à une loi-cadre, je l'espère avant fin 2024. Peut-être que l’approche d’une loi-cadre fera que la représentation parlementaire s’emparera à nouveau de cette question du sport.

"Ça fait longtemps qu’on n’a pas eu de débat sur l’accès au sport. J’espère que ça va remuer tout cela."

Marie-George Buffet, ancienne ministre des Sports

à franceinfo: sport

Cependant, moi je ne suis pas de ceux qui pensent qu’il y aura un héritage spontané des Jeux olympiques et paralympiques. Il y aura des équipements, c’est bien, mais il faut redonner de l’attractivité au bénévolat et aider au développement des clubs. Je propose, à titre personnel, une belle olympiade entre 2024 et 2028 avec pour objectif que le budget des sports atteigne 1% du budget de l’Etat, pour qu’il soit au même niveau que celui de la culture. Pour l’instant, il n'est qu'à 0,3%.

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