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Le hockey sur glace français est-il voué à patiner dans l’anonymat ?

Les championnats du monde de hockey se tiennent du 5 au 21 mai à Paris-Bercy et à Cologne (Allemagne). Ce sport, très populaire en Amérique du Nord et dans une partie de l'Europe, reste confidentiel dans l'Hexagone. Encore pour longtemps ?

Article rédigé par franceinfo - Geoffrey Lopes
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Cristobal Huet, le gardien de but de l'équipe de France de hockey sur glace, le 30 avril 2017, à Bordeaux. (NICOLAS TUCAT / AFP)

Une compétition internationale majeure d'un sport qui compte des centaines de milliers de licenciés de par le monde est organisée en ce moment à Paris et à Cologne (Allemagne). Vous l'ignoriez ? Logique, car le championnat du monde de hockey sur glace, qui a débuté vendredi 5 mai (et qui se tient jusqu'au 21 mai), ne passionne pas le public français. L'équipe de France, qui fait partie des 16 équipes participantes, aura pourtant besoin de soutien populaire, elle qui affrontera, entre autres, des nations majeures de ce sport comme la Finlande, le Canada et la République tchèque.

Mais ce manque d'engouement hexagonal n'est peut-être pas une fatalité. Franceinfo s'est demandé si l'anonymat dans lequel évoluent les hockeyeurs tricolores est voué à durer.

Oui, le hockey hexagonal manque de joueurs et d’infrastructures

Le Canada a inventé le hockey sur glace au XIXe siècle et en a fait une religion. Plusieurs fois champions du monde et plusieurs fois champions olympiques, les hockeyeurs canadiens sont, dans leur pays, des stars comparables à nos footballeurs. 

A la radio, au Québec, les journalistes n’en finissent pas de commenter les rencontres du club fétiche de la province, les Canadiens de Montréal, dans la ligue nord-américaine (LNH), le championnat le plus important du monde, qui regroupe les équipes des Etats-Unis et du Canada. Et les défaites du "Tricolore" (le surnom du club) peuvent devenir des affaires d’Etat. 

Mais en France, le hockey sur glace ne jouit pas de cette notoriété. "Nous ne jouons pas dans la même cour, admet l’ancien journaliste de L’Equipe Tristan Alric, contacté par franceinfo. La banlieue de Montréal dispose d’une centaine de patinoires, c'est-à-dire autant que pour la France entière !" De l’autre côté de l’Atlantique, la LNH (ou NLH en anglais) fête ses 100 ans cette année. La fédération française de hockey sur glace n’a été fondée, elle, qu’en 2006. Côté météo, à titre de comparaison, le Québec garde bien sûr un temps d’avance : il y gèle six mois dans l’année et des patinoires naturelles recouvrent de nombreux parcs, où l'on peut s'entraîner. Une différence fondamentale avec l’Europe, où les hivers sont beaucoup moins rigoureux.

Les 20 000 licenciés français font donc pâle figure face aux 90 000 licenciés uniquement au Québec (ils sont plusieurs centaines de milliers dans tout le Canada). Tristan Alric en convient : battre les meilleures nations mondiales revient, pour les Bleus, à faire des miracles.

Oui, les médias français le boudent

Les médias français ne s'intéressent pas vraiment aux rois de la crosse. "Le hockey n’est pas un sport aussi important que le football ou le rugby", déplore Sylvain Cresson, auteur de plusieurs livres sur le hockey, à franceinfo. Quelques antennes de la radio France Bleu retransmettent parfois les matchs de leurs équipes locales. Les téléspectateurs ne disposent que d’une opportunité par an pour voir en clair et gratuitement du hockey sur glace : la finale de la coupe de France, diffusée sur France Ô.

Mais attention, ne dites pas à Tristan Alric que ce sport n’est pas télégénique. "Il faut bien le filmer, c’est tout, rétorque le journaliste. En 1968, la télévision française a retransmis en couleur les premiers Jeux olympiques d’hiver de Grenoble. Toutes les villes de plaine ont ensuite voulu leur patinoire."

Oui, ce sport n’intéresse que les montagnards

Pour justifier ce manque de passion, Sylvain Cresson avance une explication. La montagne a longtemps gardé la main sur la crosse, et le hockey a souffert d’un développement déséquilibré sur le territoire. "Dans certaines régions montagneuses, c’est un sport très réputé car les clubs existent depuis le début du XXe siècle. Megève, Saint-Gervais, Chamonix, Grenoble ou Gap ont tous été champions de France. Mais en plaine, Amiens et Rouen n'ont que cinquante ans d'existence par exemple, et sont encore des clubs très récents."

Surtout, les grandes métropoles françaises commencent à peine à s’enorgueillir d’une équipe au plus haut niveau. Lyon, Angers et Bordeaux n’émergent que depuis peu en Ligue Magnus, le nom de la première division française.

Non, les patinoires affichent complet lors des matchs

Paradoxalement, les patinoires aux politiques tarifaires attractives font le plein à tous les matchs. Tristan Alric refuse de considérer le hockey comme un sport marginal et affirme qu'il soutient la comparaison avec d’autres sports collectifs français. "A Bordeaux, la patinoire Mériadeck accueillait 3 500 spectateurs alors que le club évoluait encore en deuxième division ! Les gens qui viennent voir un match de hockey pour la première fois reviennent. L’affluence des patinoires n’a rien à envier aux salles de handball ou de volley-ball."

Un public fidèle, mais encore confidentiel, est tombé sous le charme d’un sport dont Tristan Alric énumère les qualités : "C’est le sport le plus rapide du monde, physique et spectaculaire."

Non, la fédération se structure bien et les résultats vont venir

Confiants, les spécialistes prédisent un bel avenir à ce sport. Sylvain Cresson juge que la fédération française de hockey sur glace "fait un bon travail en essayant au maximum de médiatiser ce sport. Les clubs sont devenus plus professionnels depuis cette année, avec la mise en place de structures de type SASP [société anonyme sportive professionnelle] destinées à la gestion d’un club sportif. Les places restent abordables [entre 10 et 15 euros pour un match de première division, 16 euros pour un match de poule du championnat du monde]".

Tristan Alric renchérit : "Les hockeyeurs français s’exportent à l’étranger et en particulier en NHL, quelque chose d’impensable il y a vingt-cinq ans. La formation s’améliore, les patinoires se rénovent et les clubs développent des partenariats inter-sports, à l’image de Lyon. En décembre dernier, Jean-Michel Aulas a organisé un match entre les Lions de Lyon et les Brûleurs de loups de Grenoble au Parc OL."

Mais pour l’historien de la fédération, seuls d’excellents résultats de l’équipe de France pourraient bâtir durablement la notoriété de ce sport et attirer une couverture médiatique. "Douzième mondial, c’est insuffisant", estime-t-il. Les Bleus vont devoir cravacher pour réaliser des miracles sur le terrain et imiter le handball. C’est grâce aux résultats probants des "Barjots" dans les années 1990 que le hand a fini par devenir autre chose qu’un sport de lycée. Les hockeyeurs français ont le droit de rêver de devenir, un jour, les "Experts" de la glace.

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