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Kauli Vaast, l'étoile montante du surf et pur produit Polynésien

A 18 ans, il a déjà fait plusieurs tubes, qui le font connaitre dans le monde entier. Kauli Vaast, le jeune surfeur Polynésien est un spécialiste de cette figure ultime en surf, qui consiste à être recouvert par la lèvre de la vague. Les spécialistes lui prédisent déjà un avenir doré, avec les Jeux Olympiques de Paris 2024, dont le surf se déroulera à Tahiti.
Article rédigé par Eric Cintas
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 11min
Kauli Vaast lors du Tahiti pro en 2019.

Gueule d’ange avec ses cheveux blonds, le sourire "ultra white", les yeux aux couleurs du lagon, Kauli Vaast a tout d’une future star. Encore lui faudra-t-il ne pas se faire happer par le système. Mais quand on le rencontre lors du stage de l’équipe de France espoirs à Seignosse, même s’il est le leader du groupe, le garçon est un brin timide, comme tous ceux de son âge. Attention ne pas se fier aux apparences, car Kauli c’est de la dynamite sur les vagues.

La maîtrise du tube

Les chanteurs, quand ils font un tube, sont ensuite dans le creux de la vague, sans le vouloir. A la différence des surfeurs qui, lorsqu’ils font un tube, sont délibérément dans le creux de la vague. Cette vague, encore faut-il pouvoir s’y nicher et progresser, mais le plus dur est d’en sortir sans risquer de se faire couper par la lèvre. L’autre risque est alors de surfer trop haut et de se faire attirer et de retomber violemment, une chute "over the falls" dans le jargon.

Le regard impressionnant de Kauli dans le tube de Teahupoo.

Il faut surtout garder les yeux grands ouverts vers la sortie, le regard de Kauli dans un tube en dit long. Le garçon maîtrise et n’a pas peur. En gros il faut "en avoir" ou être doué. Kauli surfe depuis l’âge de 4 ans et a sorti son premier tube à l’âge de 8 ans. Précoce ! 

« Le surf, je suis tombé dedans quand j’étais petit. Mon premier prof, c’est d’abord papa. Il me mettait sur son longboard et me lançait sur des toutes petites vagues de beach break (vagues de sable, ndlr) à Tahiti. En fait j’ai commencé en bodyboard, j’ai aimé et je me suis lancé. Et puis un jour je me suis levé et j’ai trouvé ça mieux. On apprend à faire des tubes très vite mai il faut savoir bien lire la vague. Mon petit frère et ma sœur en font aussi, on habite à 8 kilomètres de Teahupoo, c’est notre jardin. C’est facile de rentrer dans un tube, en sortir c’est autre chose, après on devient doué, mais ça dépend des conditions. À chaque session, si je peux trouver un tube c’est fun. »

Une famille en or

Gaël Vaast, son père, a élevé ses trois enfants dans la même culture, l’amour du sport et les études. Pas question de tergiverser là-dessus. Kauli a obtenu, avant le confinement, son bac ES avec mention bien, et il s’inscrit désormais en Staps de management du sport à Tahiti. 
 

Une famille en or à Hawaï. (PIERRE
BEURIER)

Mais ils sont tous doués dans la famille, sa sœur, Aelan, va débarquer au pôle France de Biarritz à la prochaine rentrée. Tout juste âgée de 15 ans, elle incarne ce renouveau du surf polynésien féminin qui suit la trace de Vahiné Fierro. Que dire alors du petit dernier Naiki, tout juste 13 ans, qui a déjà fait des tubes à Teahupoo. Mais papa et maman le gardent pour le moment au chaud à la maison sur la presqu’île de Vairao, à quelques kilomètres seulement de Teahupoo.

Le successeur de Jérémy Florès ? 

Tout parait simple chez les Vaast quand on écoute parler Kauli. Quand on le regarde aussi,  tellement son surf est plein de punch, toujours à l’attaque, très fort sur les jambes même sur des petites vagues Landaises. Observateur privilégié, Patrick Florès, entraîneur principal de l’équipe de France, a lancé son fils Jérémy un peu dans les mêmes conditions sur l’île de la Réunion, il y a quelques années, en démarrant avec le bodyboard. La comparaison est inévitable, venant du père, entre son fils numéro un Français et 7e mondial, et la pépite Polynésienne :

"Quand on vient des îles, on a déjà quelque chose de naturel en soi. Kauli a un rapport avec l’océan qui est fort, c’est un Tahitien, c’est normal mais ça se développe ce genre de choses. Il a un peu le style de Jérémy dans les tubes, ils s’entendent bien tous les deux, le fait de venir des îles peut-être. Jérémy l’apprécie depuis qu’il est très jeune, et Kauli l’écoute beaucoup. C’est important d’écouter, d’avoir le respect des anciens, car Jeremy en est devenu un, entre les deux il y a une complicité qui peut faire mal plus tard.

"Kauli, c’est une perle, c’est un aimant à vagues, les vagues lui viennent dessus. Il y a des signes qui parlent, ça va être un grand, un très grand. Il est complet et incarne pour moi l’avenir du surf."
Patrick Florès, head coach de l'équipe de France 

 

La Fédération Française de Surf a conscience de la symbolique que peut représenter le garçon. Encore junior jusqu’à la fin de l’année 2020, il surfe toujours pour la Polynésie dans les compétitions de jeunes. Mais son passage en seniors open en 2021 le rend potentiellement sélectionnable en équipe de France. Comme Michel Bourez, l’actuel numéro 2 Français, qui est Polynésien lui aussi.

France Tahiti axe du surf pour 2024

Cela ne doit pas rompre un lien mais développer les relations entre la France et la Polynésie, à l’exemple de ce qui pourrait se mettre en place pour Kauli. Stéphane Corbinien, directeur des équipes de France, manie le sujet avec tact, mais fonde beaucoup d’espoirs là-dessus :

"On espère que c’est le début d’une belle collaboration avec la Polynésie, une aventure aussi. Il habite Tahiti et les Jeux en 2024 sont chez lui, c’est un espoir qui est en train de s’affirmer. Les années à venir seront capitales dans sa carrière et il est en train de montrer qu’il a tout le potentiel pour réussir. Nous, au niveau de la Fédération, on l’accompagne avec les moyens qu’on peut mettre en place : organisation et structuration, faire en sorte qu’à Tahiti il ait de l’accompagnement à disposition. Que ce soit mentalement, physiquement et tactiquement, avec des référents sur place même s’il en a déjà dans son entourage."

Kauli a déjà eu l’intelligence de surfer très tôt en France et de ne pas s’isoler. Il a compris le système. Le voir à Seignosse avec ses copains de l’équipe de France montre l’état d’esprit du garçon : "Ici ce sont des vagues de beach-break qui changent beaucoup, après j’ai grandi avec ça et j’adore ces vagues en France, parfaites mais aussi compliquées." 

 

Ce qu’il ne dit pas, c’est que dès l’âge de 14 ans, son père l‘a inscrit au club de Vieux Boucau. C’est là qu’il a fait connaissance de son coach actuel, Vincent Guelfi, qui a vu atterrir une météorite dans les Landes en 2012. "J’organisais avec mon club, le Rip Curl Groom Search, une compétition de détection pour les moins de 16 ans. Son père était ami avec un gars du club et il l’a inscrit pour voir le niveau de son fils de douze ans. Et surtout le comparer aux autres car il gagnait tout à Tahiti. Ça s’est fait naturellement. On a eu un bon feeling et j’ai fait un retour très technique à son père qu’il n’attendait pas." Un défaut dans la jeune cuirasse, coach ? 

"Sur l’attaque de la vague oui ! Il a tendance à aller trop vite vers l’avant, et prendre de la vitesse pour aller faire une manœuvre en oubliant le début de la vague. Ici, dans les critères des juges, il faut utiliser le début de la vague pour rentrer une première grosse manœuvre, un bon bottom turn (virage serré qui permet de remonter dans la vague, ndlr). Depuis, j’essaie donc de le freiner car il a une grande puissance, mais c’est un détail. S’il continue sur la même lancée, avec la tête sur les épaules, beaucoup de signaux sont au vert et laissent penser qu’il pourra faire une carrière internationale," poursuit Vincent Guelfi. 

Atteindre vite le haut niveau

En attendant, sous l’œil du staff de l’équipe de France, Kauli aligne les séries sur le spot des Estagnots à Seignosse. Stéphane Corbinien évalue déjà l’enjeu : "Le très haut niveau c’est beaucoup d’exigence, de la performance, et avoir la capacité de transformer en compétition ce qu’on fait à l’entraînement en toute situation. Kauli doit percer et aller très vite dans l’élite en WCT, ça va être intéressant de le voir évoluer mentalement à affronter la complexité de se qualifier très rapidement." Les qualifications pour atteindre le CT seront souvent dans des conditions très variées, et compliquées, et pour les JO, ce sera pareil. Kauli ne sera pas à Tokyo, mais il sera sélectionnable pour Paris 2024.

"Mon rêve reste de devenir numéro un mondial un jour et de faire les Jeux chez moi. Je suis un privilégié, je voyage partout dans le monde pour vivre de ma passion. Mais avec la crise sanitaire, j’ai pris le temps de réfléchir, je me suis recalé, et suis resté un mois avec la famille à Tahiti. Ça m’a fait du bien."
Kauli Vaast

Kauli a déjà rempli son palmarès, il a remporté deux fois le championnat d’Europe junior, et les trials (qualifications) du Tahiti pro l’an dernier. Dans cette épreuve, sur sa vague favorite, il a sorti le numéro un mondial Kolohe Andino, et terminé 9e de son premier CT en s’inclinant contre Jérémy Florès en 1/8è de finale. Une série dont il se souviendra toute sa vie, mais pas pour sa défaite : "J’ai cassé ma planche et Kelly Slater est venu vers moi et m’a donné la sienne. Tu n’imagines même pas le truc…"

Le roi Kelly Slater a eu du nez, puisqu’il a engagé le petit dans sa marque Slater design. Actuel 49e mondial en WQS (la deuxième division mondiale, ndlr), il va rentrer à fond dans ce championnat dès que tout redeviendra normal, pour aller le plus vite en WCT, le grand tour mondial, rejoindre ses idoles Jérémy Florès, Gabriel Medina, Michel Bourez ou Kelly Slater. "Mais je n‘ai pas de posters d’eux dans ma chambre, juste des photos de belle vagues du monde, enfin de la plus belle, celle de Teahupoo." Autrefois, les grands chefs Tahitiens venaient l’affronter et rivaliser de courage, faisant la démonstration de leur supériorité et prouvant que les dieux étaient avec eux. Kauli Vaast, l’enfant de la vague, l’a démontré très tôt.

La vague de Teahupoo, l’une des plus dangereuses du monde.

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