Justice : Tout comprendre à l'affaire Lamine Diack qui secoue le monde du sport
Après un faux-départ en janvier à cause de problèmes de procédures, le procès de Lamine Diack reprend ce lundi au tribunal correctionnel de Paris. Pendant six jours, l'ancien patron de l'athlétisme mondial devra faire face aux accusations de corruption qui pèsent sur lui, son fils Papa Massata Diack ainsi que quatre autres acteurs présumés. Une affaire majuscule et tortueuse qui a ébranlé le monde du sport.
• Qu'est-ce que l'affaire Lamine Diack ?
Retour neuf ans en arrière, en 2011. Alors que les Jeux Olympiques de Londres se profilent, 23 athlètes russes sont soupçonnés de dopage avec l'introduction du passeport biologique. Une tâche d'encre monumentale pour le pays dirigé par Vladimir Poutine, d'autant que les Mondiaux d'athlétisme de Moscou de 2013 approchent à grands pas. C'est aussi une menace qui pèse sur l'image de la Russie, celle-ci étant engagée dans une reconquête d'événements sportifs de grande ampleur (Coupe du monde de football 2018, Jeux Olympiques d'hiver 2014).
De son côté, la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF) est dans une situation financière complexe. Valentin Balakhnitchev, président de la Fédération russe d’athlétisme et trésorier de l’IAAF, le sait bien. Pour tenter de renflouer les caisses de l'institution et préserver l'image de la Russie, ce dernier aurait proposé un marché au président de la Fédération - un certain Lamine Diack : en échange d'une entente sur des contrats de sponsoring et de diffusion des Mondiaux avec des entreprises russes, mais aussi de juteux pots-de-vin (estimés à près de 3,5 millions d'euros par la justice), l'IAAF doit retarder les sanctions contre ces athlètes.
Mais l'affaire jugée aujourd'hui à Paris prend un tour plus politique, puisque l'argent touché aurait joué un rôle lors de l'élection présidentielle de 2012 au Sénégal. 1,5 millions d'euros auraient été versés par la Russie pour soutenir l'opposition au président Abdoulaye Wade. Le parquet national financier parle de la création d'une "véritable entreprise criminelle", avec des détournements d'argent de la Fédération internationale d'athlétisme au profit des Diack père et fils.
• Qui sont les personnes mises en cause ?
Ils sont six à comparaître devant le tribunal correctionnel de Paris.
Tout d'abord Lamine Diack, évidemment, pour corruption et blanchiment aggravé. D’après l’ordonnance de renvoi, le président de l'IAAF (1999 à 2015) a reconnu devant les enquêteurs l’existence d’un accord avec la Russie. L’enquête n’a pas prouvé qu’il avait bénéficié d’enrichissement personnel.
Ces derniers accusent également son fils, Papa Massata Diack - conseiller marketing de la Fédération internationale à l'époque - d'avoir occupé un rôle central dans ce système de corruption. Il est poursuivi pour corruption, blanchiment aggravé et recel. L'une des clés de l'affaire serait un mail relevé sur son ordinateur et témoignant de l'implication russe sur l'élection sénégalaise.
L'avocat Habib Cissé, ex-conseiller de Lamine Diack et proche de son fils, est également visé pour son rôle de soutien, et est poursuivi pour corruption. Les noms de plusieurs athlètes et des sommes apparaissent sur des notes saisies chez lui, laissant supposer que plusieurs d'entre eux ont payé pour bénéficier d'une protection.
L'ex-président de la Fédération russe d'athlétisme Valentin Balakhnitchev (accusé de recel) et l'ancien entraîneur national Alexei Melnikov sont également poursuivis. Ceux-ci sont soupçonnés d'avoir participé aux pots-de-vin afin de protéger les athlètes russes.
Enfin, Gabriel Dollé, ex-responsable de l'antidopage au sein de l'IAAF, est le dernier prévenu. Il est accusé d'avoir reçu 190 000 euros en liquide en échange de son silence devant les passeports biologiques anormaux.
• Que risque Lamine Diack ?
Arrêté en 2015 lors d'un voyage en France en raison de suspicions judiciaires se faisant plus en plus fortes, Lamine Diack risque jusqu’à dix ans de prison pour "corruption", "blanchiment en bande organisée" et "abus de confiance".
• Dans quelles autres affaires est-il mis en cause ?
Lamine Diack est également mis en examen pour corruption à Paris. Il est soupçonné d'avoir monnayé son influence dans l'attribution des Jeux Olympiques de Rio 2016 et Tokyo 2020 - alors qu'il était membre du Comité international olympique (CIO) - mais aussi dans les processus d'attribution des Mondiaux d'athlétisme de Pékin en 2015, puis des Mondiaux 2017 et 2019, pour lesquels le Qatar était candidat.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.