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Journée sans Facebook : le géant du Web va-t-il investir dans le sport et les droits TV ?

Depuis plus de dix ans, Facebook fait partie du quotidien de plus de 38 millions de Français. Mais en ce 28 février, c’est la journée mondiale sans Facebook. L’occasion de se demander pendant combien de temps aurons-nous encore accès à un sport sans le réseau social américain ? Car après une phase d’observation et quelques offensives sur des droits TV, le groupe fondé par Mark Zuckerberg reste à l’affût.
Article rédigé par Adrien Hémard Dohain
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5 min
Facebook pourrait passer à l'offensive dans le sport. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

Chaque année, le 28 février est la journée internationale sans Facebook, destinée à alarmer sur sa prépondérance dans nos vies. Mais il y a un aspect de notre quotidien que le réseau social n’a pas encore (trop) envahi : le sport et la diffusion d'événements sportifs.

Pourtant, après une phase d’observation, Facebook a bien mené des premiers investissements, notamment sur le football et le cricket, avec un chèque de 600 millions de dollars en Inde. Certains ont cru au début d'une vague d'investissements. Mais aujourd’hui, le géant américain semble déjà sur le reculoir, contrairement à Amazon.

Une entrée spectaculaire

En 2017, Facebook a montré ses muscles sur le marché des droits TV, comme l’explique l’économiste du sport Mickaël Terrien. "Ils étaient en phase d’observation, puis ils sont passés à l’attaque. Ils se sont intéressés au sport dans le cadre de leur plateforme vidéo Watch, qui reste inconnue des utilisateurs. Ils ont fait une offre de 600 millions d’euros pour le cricket en Inde, qui a finalement été un échec".

Difficile à rentabiliser, cette offre a surtout lancé le mirage de Facebook volant au secours des droits TV dans le monde entier. Auteur d’un livre sur les droits TV du football, Pierre Maes décrypte : "Facebook a été utilisé à l’envie par les clubs et les ligues comme menace pour les diffuseurs en place en 2017, 2018, après cette offre de 600 millions de dollars sur le cricket". Sous-entendu : "on n’a plus besoin des chaînes classiques, les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) vont mettre la main au portefeuille".

Le recrutement d’un homme est venu renforcer cette conviction quelques mois plus tard en 2018 : Peter Hutton, légende du marché des droits TV.  "Ca se passe quelques jours avant la remise des offres pour les droits de la Premier League, on apprend que Facebook engage Peter Hutton. C’est un homme passé partout, par des agences, par Eurosport, c’est l’homme à l’origine de l’énorme deal sur les Jeux olympiques avec Discovery. Quand cet engagement est rendu public, tout le monde pense que Facebook va verser son cash sur le sport", abonde Pierre Maes.

Sauf que non, pas du tout. Au final, le réseau social adopte une stratégie prudente, voire sur le reculoir. "Fin 2018, Hutton explique qu’ils sont en situation d’apprentissage, dans une recherche de partenariats plutôt que de deals exclusifs. Ils confirment qu’ils sont dans cette stratégie depuis : celle de dépenser peu, de faire des partenariats avec des ligues, et de temps en temps ils prennent des droits pas chers sur des marchés peu compétitifs", ajoute Pierre Maes.

Des essais peu concluants

Concrètement, Facebook s’est depuis offert la diffusion de la Ligue des champions … mais en Amérique du Sud. Pareil pour la Liga, diffusée en Asie. "Facebook ces derniers mois a confirmé qu’ils ne seraient pas les sauveurs de l’industrie", tranche Pierre Maes. Pourquoi ce recul ? "Aucune idée. Il y a eu un changement de stratégie, mais les GAFAM parlent très peu", avance Maes, qui fait l’hypothèse suivante : "Ils doivent trouver ça trop cher, et ils ne veulent pas faire une activité classique de TV à péage pour le rentabiliser".  Et le spécialiste d’aller plus loin : "Le cricket, c’était pour développer Facebook en Inde".

Auteur d’une thèse sur les droits TV, Antoine Feuillet abonde : "Ils ont un tas de données sur leurs utilisateurs, grâce auxquelles ils ont dû observer que diffuser du sport n’augmentait pas le trafic sur Facebook, et n’était donc pas rentable". Car le but premier de Facebook comme de tout réseau social, c’est de retenir un maximum l’attention de l’utilisateur. 

En ce sens, le modèle de diffusion sportive ne colle pas forcément à l’utilisation que l’on a de Facebook, explique Antoine Feuillet : "Les gens ne restent pas 90 minutes sur le même contenu sur les réseaux sociaux. Autrement dit, le modèle traditionnel du sport, avec une diffusion longue, ne correspond pas à leur modèle principal". L’autre problème, c’est que Facebook diffuse ses contenus sportifs sur sa plateforme Watch, gratuite.

Pour rentabiliser l’affaire, il faut donc passer par la pub : "Watch a très peu d’utilisateurs. C’est un modèle économique différent, c’est compliqué de ne vivre que de la publicité sur des droits aussi chers. C’est comme ça que Canal+ a tué TF1 petit à petit sur les matches de Ligue des champions", rappelle Mickaël Terrien. Mais l’économiste balaye l’hypothèse d'un manque de moyens pour expliquer le recul de Facebook : "Ils ont un budget relativement faible de 1,4 milliards de dollars par an contre 12 milliards pour Netflix par exemple, mais ça peut suffire pour obtenir des droits. La vraie explication, c’est leur modèle économique qui est plus proche de YouTube que de Netflix, car basé sur la publicité". En vérité, Facebook est en pleine mutation depuis l’an dernier. 

Sur le recul, mais à l'affût

À tel point que pour Mickaël Terrien la question n’est plus de savoir pourquoi ils sont moins ambitieux sur les droits sportifs, "mais plutôt est-ce qu’ils vont y aller ?". Antoine Feuillet répond : "Ils sont malgré tout intéressés par des droits qui pourraient se présenter, notamment dans la phase de récession actuelle. Ça peut être l’occasion, sinon ils se positionnent sur d’autres types de produits. La preuve avec leurs dernières acquisitions, qui concernent des highlights en cricket ou en NFL, donc plutôt des résumés de matches. Ce sont des droits secondaires mais plus logiques pour leur plateforme". Facebook reste donc en phase d’observation. "Contrairement à Netflix ou Amazon Prime, ils n’ont pas besoin de contenus premium", rappelle Mickaël Terrien.

Et s’il ne faut pas s’attendre à voir Facebook flamber, c’est pour une raison simple d’après Antoine Feuillet : "Les GAFAM ont une telle maitrise des données qu’ils sont les plus à mêmes de choisir. Ils ne mettront jamais plus d’argent qu’il n’en faut. Pour l’instant le rêve des GAFAM qui volent à la rescousse du sport, c’est un mirage".

Là-dessus, tous les observateurs sont d’accord, à l’image de Pierre Maes : "Franchement on peut quand même se dire que si intérêt il y avait, ce serait déjà fait. Ils ne sont pas dans ce modèle de droits remis en vente régulièrement. Ils ne sont pas très contenus, ils ne produisent pas de séries comme Netflix. Eux c’est plus du contenu généré par leurs utilisateurs que, par définition, ils ne payent pas".

Et l’auteur du "Business des Droits TV du Foot" de conclure : "Au-delà de Facebook, on peut même dire qu’il n’y aura pas de GAFAM dans le marché des droits TV. Amazon fait des investissements raisonnables, raisonnés en fonction d’une activité. Ils ne seront pas les sauveurs du milieu, ils veulent attirer des gens vers leur plateforme Prime, le sport est un hameçon, rien de plus".

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