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Jeux paralympiques : Sciences Po, beaufort et tricot… Qui est Marie Bochet, la multi-médaillée du ski handisport ?

La skieuse a remporté trois titres paralympiques à Pyeongchang (Corée du Sud) et pourrait en obtenir une quatrième, dimanche dans le slalom. Depuis les Jeux de Sotchi, elle est l'un des visages les plus connus du handisport en France.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
La skieuse française Marie Bochet lors de l'un des podiums aux Jeux paralympiques de Pyeongchang (Corée du Sud), le 10 mars 2018. (KARL-JOSEF HILDENBRAND / DPA / AFP)

Marie Bochet a l'habitude de battre ses adversaires à plates coutures. Le tricot, justement, est l'une des occupations favorites de la skieuse française, qui a déjà remporté trois médailles d'or lors des Jeux paralympiques de Pyeongchang (Corée du Sud). Si la championne d'Arêches-Beaufort (Savoie) confectionne parfois des bonnets pour les revendre au profit d'associations caritatives, son talent s'exprime avant tout sur la neige. Huit médailles d'or en trois Jeux paralympiques, 78 victoires en Coupe du monde, 15 titres mondiaux… De fil en aiguille, la championne a conquis le public et les médias, au point d'incarner le visage de la délégation française paralympique.

Effacée, la déception de la manche du super-G du super combiné, mardi, conclue par une sortie de piste. Dès le lendemain, Marie Bochet est allée chercher un nouveau titre paralympique dans le slalom géant. Et après la descente et le super-G, la Française pourrait encore décrocher l'épreuve de slalom, dimanche 18 mars. Elle chaussera ses skis "cinq dossards avant son numéro", puis elle fera cinq flexions, selon une routine qu'elle a dévoilée à nos confrères de francetv sport. Avant de passer le portillon, enfin, elle répétera deux phrases :"Fais-toi plaisir" et "Fais chanter la neige". En cas de succès, elle égalerait son record de Sotchi, il y a quatre ans.

En sport-études avec les valides

Marie Bochet, 24 ans, est née sans avant-bras gauche – on parle d'agénésie –, ce qui ne l'empêche pas de dévaler ses premières pistes avec les enfants valides. Comme la petite n'a qu'un bâton, son entraîneur a l'idée de la pousser au départ de sa première course. La skieuse en herbe rejoint ensuite le club handisport d'Albertville en 2006, à l'âge de 12 ans. "C'est à l'adolescence que j'ai pris conscience de mon handicap, davantage qu'à l'enfance." Trois ans plus tard, elle devient la première skieuse handicapée à rejoindre la section ski de haut niveau (SSHN) du lycée Jean-Moulin d'Albertville. "A la fin du lycée, ils m'ont dit : 'Il y a eu beaucoup de discussions pour ton entrée, mais si c'était à refaire, on le referait.'"

En 2010, cette surdouée de la discipline, inscrite dans la catégorie "impossibilité d'utiliser un bras", dispute ses premiers Jeux à Vancouver, avec deux frustrantes quatrièmes places. Ce n'est que partie remise. En 2014, elle rafle quatre médailles d'or à Sotchi et les médias se prennent de passion pour la championne. Elle est même élevée au rang de chevalière de la Légion d'honneur, puis distinguée comme personnalité handisport de l'année aux Laureus World Sports Awards.

Marie Bochet reçoit la Légion d'honneur des mains de François Hollande, le 15 juin 2014 à l'Elysée. (IAN LANGSDON / POOL / EPA POOL / AFP)

Son handicap, "une chance"

Quand elle est interrogée sur sa malformation, Marie Bochet évoque parfois une "chance". "Merci mon petit doigt", glisse-t-elle même dans un sourire, au micro de RTL – elle lui prête une existence quasi-autonome. L'absence d'un avant-bras pose des problèmes d'équilibre en géant et en vitesse, et corse le passage des piquets en slalom. Lors des courses, les skieurs portent d'ailleurs une prothèse de la taille de l'avant-bras manquant. 

Je ne l'ai jamais considéré comme un handicap. Je trouve ça presque plus normal d'avoir une main que d'avoir deux mains. Je serais peut-être handicapée avec deux mains...

Marie Bochet

dans "La Parenthèse inattendue", sur France 2

Ses nombreux titres ont propulsé Marie Bochet sous le feu des projecteurs, alors que peu de champions handisport sont connus du grand public. Ces victoires "m'ont mise dans une position de leader, de tête d'affiche du handisport, convient-elle, toujours dans la même émission. [C'est un] petit chapeau qu'on m'a rajouté et que je n'avais pas forcément choisi, mais je l'ai pris avec plaisir parce qu'on ne parlait pas beaucoup" des non-valides. "La couverture médiatique du paralympisme évolue dans le bon sens, on en voit plus à la télévision", concédait-elle toutefois dans les colonnes de L'Equipe, en mars.

Je sais que j'ai un rôle à jouer pour faire évoluer les mentalités, un peu comme une ambassadrice du handicap. Le sportif est porteur de message, c'est clair.

Marie Bochet

"L'Equipe", en mars 2018

Pour autant, la skieuse n'entend pas sacrifier ses ambitions sportives. Quand on lui propose de devenir porte-drapeau de la délégation française, elle prend le temps d'analyser le pour et le contre, pour ne pas perturber ses objectifs. "Il ne faut pas que la fonction entre en concurrence avec ces impératifs de résultat (...). J’ai donc pris le temps de réfléchir avant de dire oui", confiait-elle à Ouest France.

Marie Bochet emmène la délégation française lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux paralympiques de Pyeongchang (Corée du Sud), le 9 mars 2018. (JOEL MARKLUND / OIS / IOC / AFP)

Dopée au fromage de Beaufort

Marie Bochet a la tête bien faite : elle a décroché son bac ES avec mention très bien et a été admise à Sciences Po Paris pour préparer le certificat préparatoire adapté pour les sportifs de haut niveau. Mais la Savoyarde a surtout l'amour de la montagne. En juin dernier, elle s'est même attaquée au Mont-Blanc à skis, en compagnie d'un guide et de son préparateur physique. Et chaque été, depuis l'âge de 5 ans, elle randonne au Rocher du Vent, dans sa région chérie. "J'aime revenir dans le Beaufortain et contempler ces montagnes, explique-t-elle à L'Equipe. Je crois que je ne pourrais pas vivre ailleurs."

Dans cette vallée, la mère de Marie Bochet a un élevage d'escargots, tandis que son père élève des vaches dont le lait est acheminé à la coopérative locale. La championne confesse d'ailleurs un petit coup de pouce, dans L'Essor savoyard : "Le beaufort, c'est le secret de la victoire. On ne le dit pas aux autres nations, mais c'est le seul dopage qui passe aux contrôles." D'ailleurs, les biathlètes Justine Braisaz et Julia Simon sont, elles aussi, filles de producteurs dans le Beaufortain. De là à en faire tout un fromage…

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