Jeux paralympiques : Marc-André Cratère, la drogue, un drame et le sommet de l'escrime
A 43 ans, l'escrimeur val-d'oisien vise l'or pour ses troisièmes Jeux paralympiques. Un drôle de destin pour celui qui, plus jeune, disait volontiers ne pas aimer le sport.
Son parcours est digne d'un scénario hollywoodien. Le Français Marc-André Cratère, surnommé "Marcus" Cratère, entre dans la compétition des Jeux paralympiques de Rio, lundi 12 septembre. En fauteuil roulant, il concourt, dans la catégorie B, en sabre, et le lendemain en épée.
Douze fois champion de France, six fois champion d'Europe, cinq fois champion du monde, médaillé d'argent à Londres en 2012, il est une très sérieuse chance de médaille tricolore. Pourtant, rien ne prédestinait ce guichetier de la gare Montparnasse, à Paris, à de telles performances.
Ennui, drogue et délinquance
En 1995, "Marcus" a 22 ans. Il vit en Martinique, où il est né, une "île de 180 km de long où les gens s’ennuient", dit-il au Parisien, en 2012. "J'étais un jeune qui faisait un peu de conneries… J'étais dans le trafic de drogue, je consommais aussi. J'étais délinquant", admet-il auprès du site Le 10 Sport. A l'époque, le sport est loin de ses préoccupations.
Je n’aimais pas le sport. Pour moi, c’était se faire du mal pour rien.
Sa vie bascule le 7 octobre 1995, raconte La République de Seine-et-Marne. Ce soir-là, il s'interpose lors d'une bagarre et prend un coup de machette. Le gaillard de 1,94 m s'écroule. Touché à la colonne vertébrale, il se retrouve paraplégique. Le jeune homme tombe en dépression. "J’étais au fond du trou. Je n’acceptais pas mon handicap. Je sombrais dans la came. Je me sentais vieux", confie-t-il encore au Parisien.
De la dépression à la plus haute marche du podium
En raison de graves escarres, Marc-André Cratère doit être transféré en métropole, en 2000. Au cours de sa rééducation, il est contraint de se mettre au sport pour s'entretenir physiquement. Alors qu'il se trouve dans une unité de soin pour personnes handicapées à Berck-sur-Mer (Pas-de-Calais), il se lance dans le basket en fauteuil et montre des aptitudes impressionnantes, relate Le Parisien. Il joue pour plusieurs clubs parisiens et finit par être appelé en équipe de France, en 2004. Mais il décline l'invitation : "J’ai refusé car je ne prenais pas de plaisir."
La grande révélation a lieu à Paris, l'année suivante, lorsqu'il rejoint le cercle sportif de l’Institut des Invalides, rapporte La Gazette du Val-d'Oise. "L'escrime, c'est venu complètement par hasard", raconte-t-il à la SNCF, en 2014. Un maître d'armes le repère et lui propose d'essayer. "Quand je l’ai rencontré, il avait un potentiel et un physique hors-norme. Je lui ai dit : 'Toi, t’as un gabarit pour l’escrime'", se souvient Pascal Godet, directeur sportif de l'escrime handisport. "Marcus" reconnaît avoir tergiversé dans un premier temps.
Je me dis que l'escrime, c'est fait pour les filles. C'est faire du tricot. Je trouvais pas ça physique.
Mais les résultats ne se font pas attendre – sans doute grâce à son envergure de plus de 2 mètres, un point fort dans cette discipline. Moins de quatre mois après ses débuts, il participe aux championnats du monde, en mai 2005, et remporte une médaille de bronze à l'épée. Dès lors, les victoires s'enchaînent. A la fin de l'année 2006, il est déjà champion du monde. Dans le même temps, il passe au sabre et remporte de nouveaux titres dans les deux catégories.
Sur cette lancée fulgurante, il décide de participer aux Jeux paralympiques de Pékin, en 2008. Il intègre la SNCF, qui lui offre un contrat lui permettant de concilier vie professionnelle et carrière sportive. Malgré ses efforts, il termine au pied du podium à l'épée et au sabre.
Cette déception ne l'abat pas. Marc-André Cratère continue de collectionner les médailles. En 2012, il participe aux Jeux paralympiques de Londres et remporte l'argent au sabre. Il continue de défendre ses titres au fil des compétitions. Mais un sacre occupe son esprit plus que tous les autres : l'or olympique.
"Le handicap, c'est dans la tête"
Depuis 2014, pour mettre toutes les chances de son côté, "Marcus" allie l'entraînement physique à une préparation mentale. Sa détermination est déjà forte et il partage souvent sa réflexion sur le handicap : "Je n'aime pas trop les termes 'valide' et 'invalide'. Je dis que j'étais 'marchant' [avant qu'il ne perde l'usage de ses jambes]. Et maintenant, je ne marche plus mais, dans ma tête, je suis toujours valide. (…) Je pense que le handicap, c'est dans la tête."
Pour parfaire sa préparation en vue des Jeux de Rio, il s'est rendu sur son île natale, fin juillet. L'idée : s'habituer au taux d’humidité, proche de celui du Brésil, mais aussi renforcer sa psychologie. "Le mental, c'est la gestion de la concentration, des pensées parasites, mais c'est aussi les émotions et les comportements", détaille sa coach à La 1ère.
"Le gros travail, c'est surtout l'impact psychologique : la posture, l'attitude, la respiration... tous ces petits détails qui vont faire la différence", poursuit son maître d'armes.
A Rio, "Marcus" vise le sacre paralympique. "Mon objectif, c’est de faire, au minimum, une médaille d’or…" déclare-t-il sur le blog de la SNCF consacré aux athlètes de l'entreprise. Mais il ne se contentera pas d'un titre car, dans l'idéal, il souhaiterait repartir avec "deux médailles d’or [une en épée et une en sabre] et être sélectionné par équipe pour un troisième sacre".
Où et quand compte-t-il s'arrêter ? Il donne la réponse sur le site de la SNCF consacré à l'accessibilité : "Je souhaiterais également aller aux JO de Tokyo en 2020 puis arrêter ma carrière sportive là-bas. Je voudrais réaliser un rêve d’enfant. En CE1, je rêvais d’aller découvrir Tokyo. Je pense que là-bas, la boucle sera bouclée."
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