Les Bleus tombent de leur piédestal
"On n'était plus habitué à l'échec. Depuis quatre ans, on gagnait tout, c'est dur à digérer", dit Nikola Karabatic. Les Bleus ont déjoué lors de cette première semaine, c'est un fait. D'habitude capables de se transcender dans l'adversité et de se sortir des situations les plus compliquées, les coéquipiers de Jérôme Fernandez n'ont jamais peu mettre leur jeu en place durant les trois premières rencontres de cet Euro serbe. Entre le rendement insuffisant de certains, le manque de liant collectif en défense et les nombreux tirs ratés, les causes sont identifiées. Sans compter que tous les pays ont hissé leur niveau en décortiquant la méthode française. Aujourd'hui, la France ne fait plus peur, même si cela ne présage en rien d'un déclin irrémédiable.
Des cadres décevants
Quand l'équipe de France butait sur une défense renforcée ou se trouvait malmenée sur ses bases, les tauliers de la maison bleue prenaient les choses en mains. Didier Dinart et Thierry Omeyer en défense, Daniel Narcisse ou Jérôme Fernandez en attaque, Bertrand Gille et Nikola Karabatic des deux côtés du terrain mettaient le coup de collier décisif et les Bleus finissaient (presque) toujours par s'imposer. Au cours de cet Euro, la star de Montpellier a clairement évolué en deçà de son potentiel. Lorsqu'il a voulu prendre le match à son compte, il s'est planté (3/15 contre la Hongrie mais aussi 2/7 face à l'Espagne et 1/3 contre la Russie).
Dans la cage, "Titi" Omeyer a alterné le bon (Russie), le moyen (Hongrie) et le mauvais (Espagne). Il ne fût pas déterminant comme il peut l'être avec Kiel. Après un bon match, Fernandez a flanché tout comme Luc Abalo. Xavier Barachet s'est montré très moyen et William Accambray était vraiment hors de forme. Seuls Narcisse, Dinart et le cadet des frères Gille ont tiré leur épingle du jeu. Trop peu pour espérer accrocher une demi-finale.
Laxisme défensif, gabegie offensive
Rédhibitoire à ce niveau ! Voilà le constat qui s'impose lorsqu'on scrute les performances du bloc défensif bleu à Novi Sad, où la France a disputé ses trois matches du tour préliminaire. Un bon gardien dépend d'une bonne défense et force est de constater que l'arrière garde tricolore a fortement déçu ses admirateurs. Véritable référence planétaire depuis cinq ans, la ligne commandée par le vétéran Didier Dinart a laissé des trous dans sa cuirasse dans lesquels se sont engouffrés les artilleurs adverses, Harsanyi (3/3) et Zubai (6/7) en tête samedi soir.
La défense bleue ne parvient plus à étouffer l'attaque d'en face. Et la panoplie offensive suit. Les lacunes affichées au tir empêchent les "Experts" de s'installer dans leur zone de confort, avec une marge de trois-quatre buts d'avance dès la mi-temps. Les gardiens adverses ont écoeuré les Bleus (19 arrêts pour Fazekas hier, très gros match de Hombrados dans la cage espagnole lundi) et le doute s'est installé chez Barachet et Karabatic notamment. "On n'est pas arrivé dans le même état de mobilisation que dans d'autres circonstances", résume le sélectionneur Claude Onesta.
Les autres n'ont plus peur
Surtout, les adversaires des Bleus semblent aborder les confrontations avec la France comme un vrai challenge et non plus comme une corvée. Depuis quatre ans, les Bleus gagnaient déjà la partie à l'intox, convaincus de leur supériorité. Ce n'est plus le cas. Toutes les formations ont travaillé et ont appris à exploiter les (rares) points faibles français. L'excès de confiance engendré par tous les titres accumulés (Euro 2010, Mondiaux 2009 et 2011, JO 2008), ajouté au fait que les Bleus se retrouvaient pour une fois au complet, a finalement compliqué la donne. Les Espagnols, qui restaient sur trois matches nuls contre nous, ont ouvert la voie en dominant de bout en bout. Après une entame catastrophique, les Russes ont fait jeu égal. Et les Hongrois n'ont rien lâché pour déborder Karabatic et Cie sur la fin.
Sans tirer de conclusions hâtives (on ne sait jamais avec cette équipe qui nous a tant fait rêver, un miracle est toujours possible), il convient de se rendre à l'évidence. L'équipe de France n'a plus de marge de manuvre par rapport à la concurrence. L'Espagne, la Hongrie, la Croatie, la Pologne, le Danemark ou la Serbie peuvent la battre sur un match. Maintenant, cela ne veut pas dire que le déclin est proche. Les Bleus n'ont pas subi de corrections et ils disposent encore du groupe de joueurs le plus complet qui soit, envié par tous les coaches étrangers.
Inquiétant ou salutaire ?
Réputé pour son état d'esprit, le groupe France doit montrer que la camaraderie survit aussi à l'échec. "Il y a de vrais dangers qui nous guettent, on en a conscience", dit Bertrand Gille. "On ne va pas imploser", assure Karabatic, indiquant que les joueurs avaient déjà commencé à se réunir autour d'une bière. "Je nous crois plus forts que ça", estime aussi Bertrand Gille. "En tout cas, je peux vous dire que s'il y en a un qui s'écarte du droit chemin, il va être repris de volée tout de suite et il risque de s'éliminer pour les compétitions à venir", avertit Jérôme Fernandez.
Dans l'optique des Jeux Olympiques de Londres, il est même probable que ces défaites apportent beaucoup à cette équipe de France qui saura se remobiliser pour cet évènement planétaire. Claude Onesta en est persuadé. "C'est même peut-être la meilleure des nouvelles", dit-il. Les Bleus n'avaient plus perdu deux matches dans une grande compétition depuis le Mondial allemand de 2007. On sait ce qu'il advint ensuite avec l'avènement de la plus belle équipe de hand de l'histoire. Gageons que cette déconvenue hivernale permettra aux Experts de redevenir l'invincible armada qu'ils étaient il n'y a pas si longtemps. Dans le cas contraire, il sera temps de tourner la page la plus glorieuse de la légende des Bleus.
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