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Mondial de handball : Les Bleues au mental de championnes

Championne du monde et d’Europe en titre, l’équipe de France féminine de handball a misé sur la préparation mentale. Depuis son arrivée en 2016, leur coach mental Richard Ouvrard a trouvé sa place au sein du staff et auprès des joueuses. Un élément clé dans la réussite de cette équipe qui va disputer, avec lui, une 5e compétition majeure lors du Championnat du monde au Japon (30 novembre – 15 décembre).
Article rédigé par Adrien Paquier
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5 min
 

"Ça commence à faire un moment qu’il est là !" Allison Pineau ne s’y trompe pas. Depuis 2016, et le retour d’Olivier Krumbholz en début d’année pour remettre en ordre de marche l’équipe de France féminine de handball qu’il avait quitté en 2013, Richard Ouvrard fait des merveilles. Cela fait désormais plus de 3 ans que le préparateur mental des Bleues est une figure à part entière du staff lors de chaque rassemblement. Une arrivée "à l’initiative de l’équipe" comme nous le rappelle Manon Houette. Car en effet c’est sur demande de ses joueuses que le sélectionneur est descendu dans le sud de la France pour rencontrer l’homme à qui il accorde une confiance aveugle.

"Depuis qu’il est arrivé on fait que de gagner des médailles."

"L’aventure a débuté avant les Jeux de Rio. Olivier Krumbholz me contacte, nous convenons d’un rendez-vous et il vient me rencontrer en Provence, retrace Richard Ouvrard. On passe la journée à échanger, à partager nos visions, nos points de vue, nos questions sur la préparation mentale, sur ma façon de travailler et lui sur sa vision et ce qu’il recherchait dans le domaine du mental." Un échange fondateur entre les deux hommes qui a fondé le point de départ de leur collaboration. "Nous nous sommes mis d’accord sur des objectifs communs et sur la stratégie à adopter. Etant deux chercheurs et deux explorateurs, nous avons ensuite adapté nos points de vue et nos stratégies au fur et à mesure."

Une stratégie payante puisque depuis les Bleues sont devenues une machine à gagner. "Depuis qu’il est arrivé en effet on ne fait que de gagner des médailles", se réjouit Manon Houette. Une première médaille olympique avec l’argent à Rio, le bronze européen en décembre 2016 en Suède puis les deux derniers titres : ceux de championnes du monde en 2017 et d’Europe en 2018. "Le talent de l’équipe et du staff est extrême mais évidemment qu’il a son rôle la dedans, c’est lié", conclut l’ailière tricolore.

"Il y a un gros travail réalisé lors de chaque rassemblement : un travail individuel et un travail collectif. Lorsque nous nous sommes rencontrés en 2016, on a démarré par un accompagnement individuel puis on a poursuivi en ajoutant l’accompagnement du collectif", explique l'homme de 57 ans. Un travail qui "varie en fonction des profils, des besoins des joueuses, mais aussi de ce qui se passe pour elles, de leur situation et de leur besoin"

Une méthode validée et approuvée par les joueuses: "Ça nous permet d’abord à nous-même d’analyser nos performances personnelles, d’essayer de savoir quand est ce que l’on est bon, pourquoi on l’est, et pour essayer de répéter les bonnes performances", précise Manon Houette. Collectivement aussi ça nous permet de faire des feedbacks (des retours, ndlr) directement sur ce que l’on a fait de bien et d’essayer de se dire les choses tout simplement, quand ça va et quand ça ne va pas, de façon à avancer toujours ensemble et éviter d’avoir des non-dits, des zones de flou. C’est toujours très enrichissant". Ou encore Allison Pineau qui enchérît : "C’est surtout pendant les compétitions où ça nous a énormément apporté. On parle de nos émotions, ce que l’on ressent, comment on aborde la compète, ce genre de choses."

"Je ne dirais pas que je suis leur confident."

Ce travail de confiance, Richard Ouvrard a dû le mettre en place au fil du temps : "Au départ, certaine avaient quelques expériences dans le mental avant que j’arrive en équipe de France. Pour celles-ci, elles étaient un peu dans l’expectative en se disant peut-être : "Est-ce que l’on va vivre la même chose ou quelque chose de différent." Elles ont donc constaté que c’était différent. Et pour celles qui ne connaissaient pas, je peux dire que c’est plus de la moitié voir les trois-quarts, elles ont découvert ça, au début avec prudence et c’est légitime, puis au fur et à mesure que l’on a fait connaissance, elles se sont prises au jeu."

Depuis ses débuts et à l’approche d’une 5e compétition internationale avec cette équipe de France, Richard Ouvrard a donc tissé des liens forts avec un groupe qui a peu bougé depuis les Jeux Olympiques de Rio. "Je ne dirais pas que je suis leur confident car il faut garder un minimum de distance. Je suis à l’écoute, attentif au moindre élément qui peut influencer la performance, et dans ce cas-là, la nature humaine étant complexe, je considère que, tout, tout est important et donc elles savent que je suis à l’écoute de tout ce qui peut se passer pour elles", relève celui qui accompagne les joueuses dans leur quotidien en bleu.

La confiance d'Olivier Krumbholz "essentielle"

Mais tout ce travail réalisé ne serait pas possible sans l’homme central de cette équipe : Olivier Krumbholz. Fort convaincu par les bienfaits de la préparation mentale, le sélectionneur s’était même laissé dire que "le XXIe siècle sera celui du mental" dans une interview au Point. C’est donc naturellement qu’il a pu laisser carte blanche à son préparateur mental. "Le premier rôle qu’il joue, c’est la confiance qu’il m’accorde et qui est essentielle, confesse Ouvrard. C’est la complicité, la possibilité et la capacité qu’il a d’être à mon écoute quand c’est nécessaire. Lorsque j’ai besoin d’avoir un échange avec lui, il se rend disponible. On a une relation de proximité forte et je pense que ça aussi contribue à la performance de l’équipe, et à ma performance sur cette collaboration."

Néanmoins, Richar Ouvrard prévient : "Connaitre un groupe n’est pas un avantage, ça peut même être un handicap." Tout en restant vigilant, le formateur à l'Insep pense désormais avoir franchi des étapes importantes avec cette équipe pour arriver à une phase de "co-construction". "Il ne s’agit pas de repartir de zéro bien entendu mais d’être, selon moi, vigilant à questionner les habitudes. Je suis en questionnement permanent et je demande au staff de faire des retours ainsi qu’aux joueuses." Une nouvelle orientation de son travail qui a débuté depuis le début de ce rassemblement pour le Championnat du monde au Japon et qui va s’étendra jusqu’aux Jeux, objectif numéro 1 de l’équipe de France. "Aujourd’hui, je considère que tout le monde contribue au mental. C’est un point important pour l’avenir de notre travail. Au moins jusqu’aux Jeux de Tokyo. L’évolution de notre travail est dans une réflexion de co-construction globale de l’ensemble de l’équipe : staff médical, staff technique et joueuses."

En tirant une nouvelle fois le fruit d’une préparation mentale rodée, les Bleues espèrent s’appuyer sur cette force pour conserver leur titre. "Sur ce Mondial ce n’est pas la meilleure équipe qui joue au handball qui gagnera mais peut-être l’équipe qui saura le mieux vivre ensemble. assure Estelle Nze Minko. Ce Mondial va se jouer en dehors du terrain." Les Bleues disposent donc déjà d’un atout précieux pour continuer de briller.

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