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Voyage au pays du ballon rond (4/5) : marié depuis près de 60 ans avec l'OGC Nice

Le football occupe une grande place dans leur vie. Voici un tour de France dans le cœur des supporters, réalisé lors de la 14e journée de Ligue 1. Quatrième étape, à Nice.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Rendez-vous à Nice (Alpes-Maritimes), quatrième étape de notre tour de France des supporters. (P. BOUDEVILLE / FRANCETV INFO)

"M’en bati, sieu nissart” (“Je m’en fous, je suis Niçois”). José Boetto vend des fanions, mais pas seulement. Dans la boutique du Club des supporters (CDS), on trouve aussi des écharpes, des tee-shirts ou des sweats à la gloire de l'OGC Nice. Le magasin est installé rue Arson, derrière le port, juste à côté du magasin des ultras de la Populaire sud. "Mentalement, l'OGC Nice prend tout mon temps", confesse le président du CDS. Ce samedi 22 novembre, le sexagénaire finit de préparer les cartons de produits qui seront vendus le soir-même dans les coursives de l'Allianz Riviera, à l'occasion du match contre Reims.

"L'amour du maillot n'existe plus vraiment"

José Boetto est le plus Niçois des Niçois. "Ça fait presque soixante ans que je vais au stade. Avec le CDS, nous sommes un peu la mémoire du club." Le stade du Ray, les matchs avec son père, les quarts de finale de Coupe des clubs champions en 1957 et 1960, le maillot dédicacé de l'historique défenseur argentin de Nice Pancho Gonzales dans les vestiaires... Il lui est même arrivé de rentrer d'un déplacement dans le même train que les joueurs. Le passé défile, avec parfois une pointe de nostalgie.

Quand le Gym a déménagé du stade du Ray à l'Allianz Riviera, l'an dernier, José a voulu emporter le siège des tribunes. Mais il aurait fallu le briser, à cause des rivets. "Il y avait quelque chose de familial, à l'époque. Selon moi, l'amour du maillot n'existe plus vraiment. Les joueurs se comportent de plus en plus comme des mercenaires." Aujourd'hui, pour obtenir une séance de dédicaces, son groupe de supporters doit négocier avec le service de communication du club. Un homme s'avance au comptoir. Apparemment, il garde, lui aussi, un œil dans le rétro : "Le livre La fabuleuse décennie 70, il vous en reste ?"

  (F. MAGNENOU / FRANCETV INFO)

"J'ai bien dû jeter un ou deux fumigènes, oui"

Certains souvenirs sont plus douloureux. En 2012, à l'occasion de la demi-finale de Coupe de la Ligue à Marseille, le car de José est pris en charge par les policiers sur une aire d'autoroute, pour être escorté jusqu'au Vélodrome. "Avant d'arriver au stade, le véhicule s'arrête face à cinq-six jeunes cagoulés, armés de battes de baseball et de barres de fer. L'une d'elles traverse le pare-brise et s'arrête à 10 cm de mon visage." Plus de peur que de mal. Par ailleurs, rien ne dit que les supporters marseillais sont mieux accueillis dans les Alpes-Maritimes.

Aujourd'hui encore, le foot reste "une addiction". Moins bouillant qu'autrefois – "J'ai bien dû jeter un ou deux fumigènes, oui" –, José s'autorise davantage de confort. Quand il part en déplacement, désormais, il reste deux ou trois jours, pour profiter des meilleures tables du coin. A force, il concurrence le Guide Michelin. "Je vous recommande Au Roy des Gueux, à Lille (Nord). On est entrés en chantant Nissa la Bella, on a fini sur la table." Une année, il a même loué une maison de vacances à Evian, pour assister au stage de pré-saison de l'OGC Nice, à Thonon (Haute-Savoie).

Un budget de 2 000 euros par an

"Ma vie tourne autour du foot et du calendrier", résume cet ancien commerçant de 63 ans, qui consacre environ 2 000 euros par an au football, "surtout pour les déplacements, et aussi pour tous les produits dérivés. J'en offre souvent." Il passe même ses lundis soirs au micro, pour animer une émission de radio, "Issa Nissa".

Cette passion dévorante tolère mal le compromis. "J'avais un ami proche qui, comme Coluche, pensait que tous les supporters étaient débiles. Ça a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. On ne se parle plus." D'ailleurs, il "n'aurai[t] pas pu rester avec une femme qui [l]'aurait bridé dans [sa] passion", reconnaît-il. Heureusement, la sienne "aime le foot, peut-être plus encore que [lui]. Elle s'intéresse davantage au jeu."

"Vous êtes le plus mauvais arbitre de France"

Mais ce soir-là, elle préfère regarder "Danse avec les stars" plutôt que Nice-Reims, malgré les invitations d'Olivier, Loïc et Gérard, trois amis du CDS venus chercher José à la maison. Un pastis et en voiture. Les quatre amis veulent éviter la foule grâce à un billet de 10 euros, qui doit leur permettre de se garer sur le parking d'un restaurant voisin de l'Allianz Riviera. S'ils y dînent après le match, ils récupèrent leur billet. A l'entrée, une photo du propriétaire des lieux, en compagnie du maire de la ville Christian Estrosi, une écharpe de l'OGC Nice autour du cou.

Coïncidence ou non, c'est ici que les arbitres ou les joueurs passent du temps. Un soir, l'arbitre du match dîne à la table voisine. "Alors là, je m'approche", raconte José, les yeux brillant.

– Bonsoir, je tiens à vous remercier…"
– Ah ?
– "… car je comprends ce soir pourquoi il n'y a pas d'arbitre français à la Coupe du monde."
– Mais d'où vous sortez, d'abord ?
– Je sors de table et vous êtes le plus mauvais arbitre de France."

Dans les travées de l'Allianz Riviera, l'ambiance est un peu fadasse. La bouillante tribune Sud est toujours suspendue après une affaire de terrain envahi contre Bastia. Même l'aigle Méfi, dont les ailes se déploient avant chaque match à domicile, peine à retrouver sa route. José entonne Nissa la Bella à tue-tête avant le match, mais déchante à la mi-temps. "Y a du déchet technique, hein… Mais dis-moi, tu as vu 'le Berger' ?" Le personnage est connu comme le loup blanc ici, car il grimpait sur un arbre pour voir les matchs au Ray. A l'Allianz Riviera, c'est devenu impossible, alors le club des supporters lui a offert un abonnement. 

Le match est nul, littéralement (0-0). Pas de quoi décourager José. "J'espère revoir Nice en Coupe d'Europe avant de mourir."

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