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Voyage au pays du ballon rond (2/5) : à Lens, unis au stade comme dans la vie

Le football occupe une grande place dans leur vie. Voici un tour de France dans le cœur des supporters, réalisé à l'occasion de la 14e journée de Ligue 1. Deuxième étape, à Lens.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Rendez-vous à Lens, deuxième étape de notre tour de France des supporters. (P. BOUDEVILLE / FRANCETV INFO)

"Vous allez voir, c’est des bons gars les Red Tigers", promet Murielle, derrière le comptoir de son bar. Cette figure locale des supporters lensois a raison, mais les félins sont aussi très méfiants. On retrouve "Pessimiste" ailleurs, dans un autre troquet où les tigres ont leurs habitudes. Pas question de mentionner le nom du lieu - "Tu comprends, le match contre Lille approche."

Quand il était petit, le "capo" de la tribune Marek a souvent vu des matchs avec son mineur de grand-père, atteint de la silicose après des années de taille et de boisage. Chez lui, il conserve des lampes et un casque, derrière une vitrine.

Ici, le foot est né dans le charbon. Le stade n'est qu'à quelques centaines de mètres des grands bureaux de la Compagnie des mines de Lens, aujourd’hui reconvertis en faculté. A l'entrée du jardin, une statue rend hommage à la corporation minière. "C’est ancré dans la mémoire. On ne peut pas oublier ce qui s’est passé", résume le jeune homme.

  (F. MAGNENOU / FRANCETV INFO)

En 1906, à Courrières, 1 099 mineurs sont morts dans un coup de grisou. Cent ans après le drame, des mineurs ont foulé le terrain en tenue. Les Tigers ont édité un tee-shirt pour recueillir des fonds en faveur du Centre historique minier de Lewarde et d'associations de familles.

Bollaert sinon rien

Le stade Bollaert se trouve à côté des voies ferrées et, du coup, les conducteurs actionnent parfois le sifflet du train, quand ils passent pendant un match. Des engins de chantier s'activent car le stade est en rénovation pour l'Euro 2016. "Je ne sais pas trop dans quel état on va le retrouver, notre stade", lâche Pessimiste, histoire de justifier son pseudo. Les Tigers boudent le stade d’Amiens, la solution de repli pour la saison en cours. "Notre stade, c’est Bollaert, point. Et puis, c’est compliqué. Par exemple, les poteaux de notre sono sont placés en sorte que l’acoustique soit optimale. Tout est réglé." Un supporter sans stade est toujours un peu triste.

Pessimiste a souvent vibré très fort à Bollaert. Il est l'un des deux capos des Tigers. Comme son rôle est d'animer la tribune, un mégaphone à la main, le trentenaire passe les matchs le dos tourné au terrain. "On arrive quand même à ressentir ce qui se déroule, avec les clameurs du stade." En 2000, contre le Celta Vigo, l'ambiance est telle qu'un joueur lui confie avoir senti le terrain vibrer. Et puis, il y a cette soirée d'août 2013, quand le speaker l'appelle sur le terrain, avant l'entrée des joueurs contre Troyes. "Ce n'était pas prévu. Alors là, au pied de la tribune, je tente un truc qui vient de Grèce, le clapping, et que j'avais déjà tenté à Amiens."


En quatorze ans, Pessimiste n'a manqué qu'un seul match à domicile, contre les Turcs de Gaziantepspor. C'était en semaine et il travaillait à l'usine. En ce moment, il n'a pas d'emploi et navigue entre deux contrats d'intérim. Dans la zone de Lens-Hénin, au deuxième trimestre, le taux de chômage était de 16,4% (contre 9,7% au niveau national). Le sujet revient souvent dans la discussion. "Franchement, le musée du Louvre n'était pas une urgence. Est-ce que ça crée vraiment de l'emploi ici ?"

"Au stade, tout le monde est au même niveau"

Pour Pessimiste, le football a aussi un rôle social. "Chez nous, il y a des ingénieurs, des bénéficiaires du RSA, des patrons, des couvreurs, des étudiants… Et au stade, nous sommes tous au même niveau !" Le groupe revendique entre 350 et 400 membres. "Quand quelque chose ne va pas, on le dit. Nous sommes très vigilants au prix des places, par exemple."

Dans le bistro fréquenté par les Tigers, une petite affiche invite les Lensois à offrir des jouets neufs, qui seront donnés à des enfants hospitalisés. "Une fois, j’ai croisé une femme et son enfant autiste, du coup j’ai offert un camion et j’ai vu les deux pleurer. Putain, ça prend aux tripes." Cette année, Pessimiste espère avoir cinq ou six joueurs lors de la remise des cadeaux. "On cherche pas à avoir un rôle social pour améliorer notre image. On le fait parce qu’on en a envie."

Les Tigers organisent aussi des collectes, au stade, et bénéficient parfois de coups de pouce. La LFP reverse de l'argent aux meilleurs publics de France, avec une dotation de 85 000 euros en Ligue 1 et 50 000 euros en Ligue 2. Les groupes de supporters en touchent une part, et eux-mêmes redistribuent souvent de l'argent à des associations. Les Tigers ont choisi une structure qui tente de renouer le dialogue entre les parents et les enfants. Et puis, "on arrive à avoir des places de clubs. Du coup, on en a donné certaines à des enfants et à leur père, qui étaient en froid. Ça ne guérit pas tout, mais ça aide un peu."

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