Formation, beau jeu : l'Ajax peut encore donner des leçons au PSG
Le club parisien a dépensé en trois ans plus d'argent en transferts que le club d'Amsterdam en un siècle. Signe d'une conception différente du football.
"Ici, on gagne des trophées en jouant un beau football. Ça a toujours été comme ça", affirme l'entraîneur de l'Ajax Amsterdam (Pays-Bas), Frank de Boer. La dernière victoire du club néerlandais en Ligue des champions a beau remonter à deux décennies, c'est toujours le PSG qui tient le rôle de l'élève et l'Ajax celui du maître. Ceux qu'on surnomme les "Lanciers" ont encore pas mal de choses à apprendre au club parisien, son adversaire en ouverture de la Ligue des champions, mercredi 17 septembre.
L'Ajax, la meilleure école de foot en Europe
L'entraîneur Franck de Boer, arrivé au club en décembre 2010, a remporté quatre fois de suite le titre de champion des Pays-Bas. Et ce malgré une saignée annuelle dans son effectif, victime des appétits des grands clubs européens. Des onze joueurs qu'il alignait contre le Milan AC pour son premier match, en décembre 2010, aucun n'est encore au club. Le séjour moyen en pro à l'Ajax est passé de neuf ans dans les années 1980 à quatre ans vingt ans plus tard, note le site spécialisé Just Football (en anglais). L'arrière droit Gregory van der Wiel a été cédé au PSG alors qu'il n'avait que 24 ans. Zlatan Ibrahimovic, formé en Suède mais qui a explosé au niveau européen sous les couleurs de l'Ajax, a été arraché par la Juventus, en 2004. Il n'avait que 23 ans. Depuis le milieu des années 1990, le club n'est devenu qu'un club de passage : "A l'Ajax, tous les jeunes voulaient être vendus", écrit Ibrahimovic dans son autobiographie. Et pour cause, les joueurs ne résistent pas aux offres mirobolantes des autres clubs européens, qui leur proposent de multiplier leur salaire par deux ou trois.
Pour rester au plus haut niveau, le club dispose du meilleur centre de formation du monde, De Toekomst, "le futur" en VF. Une quarantaine de recruteurs sillonnent un territoire situé dans un rayon de 60 km autour d'Amsterdam pour détecter la perle rare. Dès l'âge de 5 ans, les jeunes sont initiés au système de jeu du club. Chaque année, les recruteurs décident si chaque jeune mérite d'être conservé. "S'ils trouvent un joueur meilleur que vous, à votre poste, dans les 100 km à la ronde, vous êtes éjecté", résume le joueur Dave van den Bergh, formé au club, à ESPN (en anglais).
Et pendant ce temps-là, au PSG... Le club de la capitale a longtemps été raillé pour sa propension à rater des joueurs originaires de banlieue parisienne, comme Thierry Henry ou Lilian Thuram. Le plus grand joueur jamais produit par le centre de formation du club, c'est Nicolas Anelka... qui a fait presque toute sa carrière à l'étranger, en quittant le club avant ses 20 ans. Mais les choses changent. Les équipes de jeunes du PSG font partie des meilleures de France, et décrochent des titres. Reste le problème de l'accès à l'équipe première. "On sait très bien qu’il n’y aura jamais huit joueurs formés au PSG dans l’équipe", constatait le recruteur de Chelsea Guy Hillion, interrogé par 20 Minutes. Mamadou Sakho, pur produit du club, est parti faute de temps de jeu. Adrien Rabiot et Clément Chantôme vont faire de même à la fin de leur contrat, en juin prochain. A leur poste, le PSG a recruté des stars mondiales à prix d'or. Statistique révélatrice : en trois ans, le Paris Saint-Germain a dépensé 100 millions d'euros de plus que l'Ajax depuis sa création, en 1900.
L'Ajax, fournisseur officiel de beau jeu depuis 1970
Johan Cruyff, ancien joueur vedette de l'Ajax, devenu entraîneur-gourou du club, a défini un jour la philosophie du club en deux phrases. "Obtenir des résultats en jouant mal est ennuyeux. Bien jouer sans gagner n'a pas de sens." Les supporters de l'Ajax attendent donc des titres et du beau jeu. Dans son autobiographie, Zlatan Ibrahimovic raconte comment, à l'Ajax, il a découvert le niveau d'exigence, peu après son arrivée de Malmö : "Après chaque match, l'entraîneur nous donnait des notes sur 10, et une fois où j'avais marqué des tas de buts, il a dit : 'Tu as marqué cinq buts, mais tu as aussi raté deux passes. Ça fait 5 sur 10'."
Le club qui a inventé le "football total" dans les années 1970 – en gros, tout le monde attaque, tout le monde défend – attache énormément d'importance à la manière et à la tactique. Comme le résume Ronald de Boer, frère et adjoint de Franck, dans El Pais (en espagnol) : "Celui qui ne croit pas à l'idée du club ne joue pas."
Et pendant ce temps-là, au PSG... Le résultat prime sur le jeu. Comme l'expliquait l'entraîneur Laurent Blanc au Parisien à son arrivée au club, en 2013 : "J’adore le beau jeu, oui, je le revendique. Mais j’adore surtout gagner ! J’ai l’impression que l’on me cantonne au beau jeu, qu’à la limite je préfère bien jouer et perdre. Non ! J’adore gagner ! " Ce que le président Al-Khelaïfi demande avant tout à l'ancien sélectionneur des Bleus, ce sont des résultats.
L'Ajax, une certaine idée de la classe
L'arrivée de Zlatan Ibrahimovic dans le vestiaire de l'Ajax, en 2001, a fait l'effet d'un éléphant pogotant dans un magasin de porcelaine : "Moi je suis Zlatan et vous, vous êtes qui, putain ?" aurait-il lancé. Ce ne sont pas des choses qui se font dans la maison Ajax. Le défenseur français Julien Escudé raconte, dans So Foot, une anecdote révélatrice sur les mœurs du club rouge et blanc, au moment de son arrivée en 2003. Le directeur sportif le prend à part après lui avoir fait visiter les installations du club. "OK, Julien ! Une dernière chose… Ici, mon pote, t’es à l’Ajax : pas de chaussures rouges, vertes ou blanches, OK ? Ici, on joue avec des chaussures noires, vu ?" L'Ajax assume son petit côté gentleman suranné, un rien désuet. Et les supporters sont au diapason.
Haha this is brilliant - Ajax fans towards Man City, PSG , Monaco .. etc pic.twitter.com/P2lwtndgJM
— Adam Sefton (@Adam_Sefton) 21 Août 2013
Notons cependant que le port obligatoire de chaussures noires a finalement été abandonné il y a quelques années...
Et pendant ce temps-là, au PSG... Le PSG s'est bâti en un éclair une image de marque haut de gamme : nouveau logo, arrivée (puis départ) de David Beckham, produits dérivés en vente aux Galeries Lafayette ou chez Colette, site décliné en japonais et en indonésien... "On veut construire une marque mondiale de sport", résume Jean-Claude Blanc, le directeur général délégué du club. Quitte à heurter les fans attachés au côté populaire du club. Il est loin le temps où Annie Cordy chantait le tout premier hymne du club, sobrement intitulé "Allez Paris".
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